Ils "poussent" sur la planète comme des champignons, et ils sont (normalement) faits pour durer : il s'agit bien sûr des bâtiments. Les matériaux de construction tels que le béton, la brique, l'asphalte, le plastique et le bois pourraient-ils alors constituer un réservoir de carbone à long terme ?
À l'instar de Neolitik, une société normande qui recycle le plastique usé pour remplacer le béton, des entreprises s'attellent déjà à développer des alternatives innovantes dans ce secteur.
Une équipe de chercheurs de l'université de Californie à Davis et d'autres instituts américains a donc voulu calculer le potentiel global de stockage que permettrait la mise en place de divers changements, tels que l'intégration d'un mélange d'agrégats carbonés dans le béton, ou encore l'utilisation de matériaux biosourcés (café, copeaux de bois…) au sein des briques.
16,6 milliards de tonnes de CO2
D'après leur étude publiée le 9 janvier dans la revue Science, le remplacement intégral des matériaux de construction conventionnels par ces alternatives pourrait permettre de stocker jusqu'à 16,6 milliards de tonnes de CO2 chaque année, soit l'équivalent d'environ 50 % des émissions annuelles d'origine anthropique (humaine) en 2021.
Le potentiel de stockage de carbone associé à ces changements serait davantage sensible à la quantité de matériau utilisé qu'à la quantité de carbone stockée par unité de masse, notent les auteurs. Les agrégats intégrés dans une tonne de ciment, par exemple, stockent relativement peu de carbone ; toutefois, le ciment étant utilisé partout, leur potentiel s'avère en fait immense.
Mais les constructeurs seraient-ils prêts, en pratique, à utiliser de nouveaux matériaux ? L'étude publiée dans Science évoque une possible "réticence" liée à la crainte de voir leur responsabilité engagée en cas de "défaillance" de ces alternatives.
"Il est clair que des étapes importantes doivent être franchies en ce qui concerne la certification et les questions de sécurité", confirme Peter Newman, professeur spécialiste des questions de durabilité à l'université de Curtin, interrogé par le Centre australien des médias scientifiques. "L'idée de commencer par les matériaux n'ayant pas besoin de supporter du poids (…) est une approche sensée", estime-t-il.
Un stockage limité dans le temps ?
L'étude pointe également la difficulté à trouver suffisamment de roches capables d'absorber le carbone pour les utiliser dans les nouveaux matériaux de construction, ainsi qu'à établir pour celles-ci des chaînes d'approvisionnement "rigoureusement contrôlées".
Ainsi, le potentiel le plus important "provient de loin d'un nouveau type de béton qui comprend un agrégat spécial capturant le CO2, comme la dunite (une roche du groupe des péridotites, d'origine magmatique, NDLR), dont la Nouvelle-Zélande possède d'abondants gisements naturels", illustre le Pr David Dempsey, géoscientifique à l'université de Canterbury en Nouvelle-Zélande.
Pour ce chercheur, il faudrait par ailleurs "réfléchir attentivement" à la durée de stockage du carbone, c'est-à-dire à ce qu'il advient "une fois le bâtiment démoli". En effet, si la décharge recevant les déchets de démolition relâche ensuite du CO2, alors, cela signifie que ce type de stockage est finalement "limité" dans le temps, prévient-il.