Un projet de carrière d'extraction d'argile entre Sacierges et Roussines, dans la Brenne, inquiète les riverains, à cause des désagréments engendrés par l'activité. Le maitre d'œuvre du projet, Terreal, joue le jeu de la compensation écologique à grand échelle, à l'image du projet.
Une '' grosse tuile sur la tête'', c'est comme ça que les riverains des hameaux brennous de Joux et de la Croix de la barre voient le projet de carrière d'argile entre Sacierges-Saint-Martin et Roussine le long de la D10 dans l'Indre.
Ce projet ambitieux a achevé sa phase d'enquête publique. S'il obtient l'autorisation du préfet, l'entreprise Terreal va extraire quelques neuf millions de tonnes d'argile issues des terres humides du bocage, le tout sur une surface de 50 ha. L'argile sera ensuite mis à sécher avant d'être transformé dans l'usine de Roumazière en Charente, pour en faire des tuiles. L'entreprise a été rachetée en février 2024 par un mastodonte, l'Autrichien Wienerberger n°1 mondial du secteur de la terre cuite.
Les maisons des riverains vaudront-elles moins chers?
Les riverains se sont organisés dans une association nommée "la grosse tuile", ils craignent deux catégories de désagréments. D'abord l'impact écologique du projet, lequel a fait l'objet d'une étude rigoureuse de la part de Terreal qui s'engage sur d'ambitieuses compensations écologiques pour les trois décennies d'exploitation prévues. La seconde série d'inquiétudes a trait à la possible ou probable perte de valeur du foncier.
Aline Ponchard fait partie des opposants, elle s'est installée il y a trois ans avant de découvrir que le projet de carrière était en cours. Une grosse tuile pour elle. "On achète une maison, mais on achète aussi un environnement. Si on sait que l'environnement va complètement être chamboulé pour 30 ans, c'est pas rien. Même si on va vendre, on perdra de l'argent. Pour moi, c'est un vice caché. J'ai pas envie pendant 30 ans, subir le bruit, la vue sur les camions, les trous, fermer les fenêtres en été parce que la poussière va s'infiltrer partout."
L'avenir de cette riveraine, comme celui d'autres habitants se retrouve profondément chamboulé par ce projet. Même constat pour Fabrice Axisa, habitant de Joux, "On va se retrouver avec des buttes de terre devant chez nous, de l'ordre de sept mètres de haut. On va avoir des problèmes de bruits importants. On a acheté nos maisons récemment, à pleine valeur, un projet comme celui ci va forcément avoir un impact sur la valeur de nos maisons.''
L'étude d'impact, les élus, et l'entreprise Terreal s'accordent pour estimer à une douzaine le nombre de trajets journaliers de camions pour desservir la carrière. Terreal n'est pas hostile à une répartition du trafic entre les trajets à vide et ceux qui sont en charge, afin de réduire les nuisances. Les riverains en colère eux, s'inquiètent de voir déserter le tourisme vert en quête de nature. Les touristes de passage en Brenne y réfléchiraient alors à deux fois avant de s'arrêter dans cette partie verdoyante de la Brenne. Fabrice Axisa confie par exemple avoir renoncé à un projet de gîte.
Un projet voté par la commune et la Communauté de communes
Ce projet s'étend à 40% sur le territoire de la commune de Roussines et le reste sur celui de Sacierges-Saint-Martin. Le maire de cette commune, Thierry Bernard, dit comprendre le désarroi des riverains, mais il rappelle que ce problème est d'ordre privé, invitant les habitants à se tourner vers les vendeurs des différentes maisons. Selon lui, l'information est disponible à la mairie depuis longtemps, et son conseil municipal comme celui de la Communauté de communes (Marché Occitane Val d'Anglin) a voté en faveur du projet. Sur ce point par contre les riverains de la Grosse Tuile contestent le vote de l'un des élus qui serait partie prenante dans ce projet. Réponse du maire : un seul vote n'aurait rien changé à l'issue du scrutin.
Du côté de l'entreprise Terreal, on fait savoir que le chantier va se décaler dans le temps pour avoir moins d'impact sur les riverains. Jean-Denis Gariel est responsable du développement des ressources carrières pour le groupe, il a l'habitude de ce type de chantier et selon lui la valeur des biens immobiliers ne sera pas amoindrie. "Avec toutes les mesures d'éloignement, de réduction, avec notamment la mise en place de masques paysagers, de masques de bruit, de réduction des émissions de poussières par des mesures d'arrosage par exemple, on fait en sorte qu'il n'y ait pas d'impact dans l'environnement local". Pour étayer ses propos Terreal prend en exemple les chantier précédents : "on le vérifie, si vous voulez, sur l'intégralité des carrières du groupe (...) Et on a pas d'inquiétude que dans le cadre du projet qui nous occupe, ce soit la même chose. C'est tout à fait compréhensible qu'il faille faire part de nos expériences sur d'autres sites pour convaincre."
C'est donc un travail d'information qui est mis en avant par l'entreprise, qui promet de communiquer auprès des riverains longtemps après la mise en service de la carrière et en faisant visiter les installations pour voir s'il est nécessaire de faire évoluer certaines pratiques dans la mesure du possible. Sur ce point Terreal laisse la porte ouverte en s'engageant à rétribuer des huissiers de justice qui viendraient constater les dégâts, mais aussi à assurer un suivi des désagréments vécus par les proches riverains. Ces derniers préfèrent appeler de leur vœux des compensations. L'enjeu de ce chantier réside aussi dans une autre démarche de compensation. Terreal fait savoir que le groupe s'engage à restituer les lieux aux agriculteurs et réhabiliter la biodiversité.
Quel impact sur l'environnement ?
Les riverains nourrissent toujours des inquiétudes sur les possibles impacts irréversibles sur la biodiversité. Terreal s'en défend. Jean-Denis Gariel responsable du développement des ressources carrières pour le groupe explique que son groupe va compenser au-delà de ce qui est requis par la loi, appuyant sa démarche sur le principe dit ERC, "Éviter, Réduire et Compenser". "On compense avec ce qu'on appelle des compensations environnementales quand on les réalise en amont de l'ouverture, et on réalise des aménagements paysagers périphériques. À la fin, on restitue l'intégralité de la surface au monde agricole, sauf quelques étangs qui auront été créés avec des zones humides sur leurs pourtours et quelques marches. Donc, in fine, toute notre démarche '' éviter, réduire, compenser'' vise à ce que, au bout des 30 années, on ait une biodiversité supérieure à ce qu'elle était au début du projet."
Pour convaincre sur le point précis de l'impact environnemental, Terreal va provisionner "des garanties bancaires chiffrées, en gros une somme importantes bloquées sur 30 ans le temps de l'exploitation du site et versées qui sera versées en cas de non respect des engagements environnementaux".
Fabrice Axisa reste malgré tout hostile au projet, "les gens cherchent ici à avoir la beauté des paysages, mais aussi un peu le calme. Un projet de cette ampleur et autant de nuisances, s'il avait en fait donné de l'emploi local, aurait été mieux accepté. Donc il va y avoir beaucoup de méfaits en terme de paysage, en terme de tranquillité, en terme de camions et au niveau des bienfaits, il y aura très peu de choses par rapport à la quantité d'argile qui va être exploitée. C'est vraiment peanuts le retombées qu'on va avoir". Les riverains en appellent donc au préfet, dont le feu vert doit être donné ou non d'ici deux mois, mais aussi à Terreal, pour obtenir d'avantages de compensations. Parmi ces riverains une importante communauté anglo-saxonne installée dans ce secteur, hostile au projet, et qui a activement œuvré en sa défaveur au moment de l'étude d'impact.
Source France Bleu par Alexandre Mottot