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24/03/2025

Crise du logement, comment relancer la construction ?

Dans un contexte où on assiste à une baisse du nombre de permis de construire, une vingtaine d’associations ont déposé plainte contre l’État, l’accusant d’inaction face au fléau du mal-logement.

« L’État français semble désirer la fragilisation de son modèle du logement social, en vue de suivre des recettes qui ont été appliquées dans les années 1980 en Grande-Bretagne. Aujourd’hui, les Britanniques se mordent les doigts de s’être débarrassés de leur parc de logements sociaux », explique le sénateur PCF Ian brossat.

Le modèle français du logement social fait face à une déstructuration sans précédent, accélérée par la politique macroniste et ses penchants systématiques pour la privatisation. Depuis 2017, on assiste notamment à une baisse drastique des permis de construire qui conduit à un manque de logements abordables. Il y a urgence à remettre la question du logement au cœur des politiques publiques.

Le dernier rapport annuel de la Fondation pour le logement des défavorisés montre que de nombreux indicateurs sont au rouge. Peut-on dire que la situation s’aggrave ? 

Didier Vanoni Docteur en économie et directeur de Fors-Recherche sociale

Il y a eu huit ministres du Logement depuis 2017, et même des périodes sans aucun ministre du Logement. Durant la période, tout s’est dégradé. La construction, la situation des demandeurs de logement social, les problématiques liées à la consommation énergétique, les expulsions massives, le nombre de personnes à la rue… Certains indicateurs ont été multipliés par deux, voire par quatre.

Et quand une situation se dégrade, elle se dégrade d’abord pour les plus défavorisés. La politique du logement a besoin de stabilité et de vision politique. Le discours dominant devient illisible. On va jusqu’à faire porter aux sans-papiers et aux migrants la responsabilité de la crise du logement social ou de la saturation des centres d’hébergement. Ce qui fait que l’on passe à côté des vrais problèmes qui sont liés aux inégalités sociales.

Emmanuelle Cosse Présidente de l’Union sociale pour l’habitat

Les enjeux du logement nécessitent des réponses de temps long. Or, il y a eu une rupture à partir de 2017. En 2016, nous étions en train de mettre en place des réponses. En Île-de-France, par exemple, même avec un grand nombre de demandes de logement social, nous arrivions à accélérer les attributions. C’était le fruit d’une politique publique et de nos élus locaux qui s’inscrivaient dans une vision au long cours. Le changement de biais politique en 2017 a tout mis en vrac en l’espace d’une année.

Citons la ponction sur les bailleurs sociaux ; le mépris à l’égard des locataires HLM ; la tentative d’arrêt d’encadrement des loyers ; ou encore une stigmatisation pour les métiers de la construction. Les acteurs du logement, assez vite, ont été déstabilisés. Aujourd’hui, on se retrouve dans une situation où 2,8 millions de ménages sont en demande d’un logement social.

J’ai pris la présidence de l’Union sociale de l’habitat en 2020 : en quatre ans et demi, cela a représenté 500 000 ménages supplémentaires. On revient à la case départ sur la question de l’hébergement, comme sur celle de la construction. Si on regarde les indicateurs : le nombre d’attributions de permis de construire a chuté de moitié depuis 2018. L’État ne soutient pas les gens qui travaillent et qui veulent accéder à la propriété en s’installant sur un territoire.

Ian Brossat Sénateur PCF de Paris

La seule cohérence de la politique menée par les gouvernements successifs depuis l’arrivée de Macron au pouvoir, c’est un recul très net dans le domaine du logement, qui a systématiquement été pris comme variable d’ajustement budgétaire. Cette année encore, alors même que la crise du logement bat des records, c’est là que des économies supplémentaires sont faites.

Mais prélever impunément dix milliards d’euros dans les caisses des bailleurs sociaux a eu des conséquences, tant sur la production de logements que sur la rénovation énergétique des bâtiments. Et puis, il y a l’exemple du dossier Airbnb. Il est frappant de voir que les nouvelles mesures de régulation qui viennent d’être mises en place l’ont été par l’intermédiaire d’une proposition de loi, c’est-à-dire d’une initiative parlementaire, et non d’une décision gouvernementale.

En attendant, beaucoup de temps a été perdu et nombre de logements ont été remplacés par des locations touristiques. Dans le cadre du débat budgétaire, des amendements avaient été adoptés au Sénat, y compris par la droite, pour taxer davantage les logements vacants ou les résidences secondaires dans les zones tendues. Tout ça a été balayé d’un revers de main par le 49.3. Cela illustre bien la seule ligne du gouvernement en matière de logement : l’inaction, le marché laissé libre.

Le 13 février, une vingtaine d’associations ont déposé plainte contre l’État, l’accusant justement d’inaction face au fléau du mal-logement. Au-delà de sa symbolique, cette démarche peut-elle provoquer un réveil ?

Emmanuelle Cosse J’ai pu parler avec plusieurs de ces associations de la situation de crise dans laquelle nous sommes. Les bailleurs sociaux sont une cible depuis plusieurs années pour les différents gouvernements macronistes. Ils ont été stigmatisés mais, à partir de 2023, quand il y a un effondrement total de la production des logements et que les entreprises privées tirent la langue, c’est à eux que l’État a demandé d’intervenir.

Dans des périodes comme ça, on est bien heureux d’avoir des bailleurs avec des loyers régulés. Le président de la République, ainsi qu’une partie de ses ministres et premiers ministres, semblent croire que le logement n’est pas un sujet relevant d’une politique publique.

Pour ma part, je pense très clairement que c’est une politique régalienne, qui permet de faire société et de faire vivre une démocratie, au même titre que l’éducation nationale et la santé, où on observe aussi un démantèlement. Ne pas penser la question du logement dans un pays qui veut travailler à sa croissance économique est une erreur matricielle qui en explique d’autres. Chose troublante : il y a encore quelques décennies, aucun gouvernement n’aurait commis cette erreur-là, qu’il soit de gauche ou de droite.

Didier Vanoni Je doute que l’action des associations puisse provoquer un « réveil ». Pour rebondir, il ne suffit pas d’une mesurette ou d’une loi. J’ai effectué un travail pour la métropole de Rennes, où on s’est rendu compte qu’en injectant 100 millions d’euros, le territoire récupérait à terme 1,4 milliard. Or, dès qu’on cesse d’investir, ce facteur multiplicateur devient diviseur.

Si on ne soutient pas la construction pour structurer le marché, l’encadrer, le réguler, on perd de l’argent et des emplois. On ne se rend pas compte que le mal-logement a des coûts en termes de chômage, d’échec scolaire, de santé. Les économistes de Bercy devraient se dire que, pour relancer l’économie, il faut relancer la construction. D’autant que les matériaux, on les fabrique encore en grande partie en France.

Mais je pense que nos gouvernants sont animés par une posture de classe. Les gens qui ont du capital veulent le faire valoir, le valoriser. Il s’agit donc de privatiser le plus possible. Ce qui produit un stratagème bien connu : quand on veut supprimer un secteur public, on dit qu’il est inefficace, et pour qu’il le soit effectivement, on l’affaiblit.

Il y aurait donc une « rupture » à partir de 2017 et l’arrivée de Macron au pouvoir. Peut-on évoquer plus généralement des causes structurelles à la crise du logement ?

Didier Vanoni Il y en a une qu’il ne faut pas négliger : la progression de la pauvreté, constante depuis vingt ans. Aujourd’hui, plus de cinq millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. 80 % des Français qui sont confrontés à la crise du logement sont insatisfaits.

Le marché est fermé à toute possibilité de mouvement. Les gens qui ont besoin de changer de logement fréquemment s’appauvrissent. Parmi eux, il y a les migrants, et il y a désormais les publics vieillissants, qui représentent 15 à 20 % des primo-accédants à un logement social. Il est devenu courant de déménager quatre fois après son entrée à la retraite. C’est là un bouleversement structurel qui crée de nouveaux facteurs de crise.

Ian Brossat Vu de l’étranger, le fait que la France dispose de 4 millions de logements sociaux est perçu comme un atout extraordinaire. À Madrid, où je me suis rendu récemment pour un débat sur cette question, il y a 2,5 % de logements sociaux. À Paris, 25 %. Pourtant, en France, les gouvernements se sont mis à considérer le logement social comme un problème. Je me souviens de discussions avec le ministre Guillaume Kasbarian, qui était animé par une forme de haine vis-à-vis du logement social et de ses locataires.

L’État français semble désirer la fragilisation de son modèle du logement social, en vue de suivre des recettes qui ont été appliquées dans les années 1980 en Grande-Bretagne. Aujourd’hui, les Britanniques se mordent les doigts de s’être débarrassés de leur parc de logements sociaux.

Dans le cadre des débats budgétaires, le Sénat majoritairement de droite a réussi à faire adopter des amendements, ce qui témoigne d’une large union pour dénoncer la politique menée depuis 2017 sur le plan du logement. Et, en plus de ces réactions transpartisanes, nous avons besoin d’un front social. Nous devons unir, sur cette question, aussi bien les plus défavorisés que les classes moyennes qui n’arrivent plus à se loger convenablement.

Pour expliquer la crise de la construction, sont souvent évoquées la flambée du coût des matières premières et les exigences dues aux enjeux écologiques. Est-ce bien là que se situent les causes de ce manque à construire ?

Emmanuelle Cosse Il peut y avoir des coûts plus élevés, mais ce sont des prétextes. De même que pour les politiques environnementales, elles n’empêchent pas du tout de construire du logement. Elles nous permettent au contraire d’avoir des programmes de logements un peu plus denses et mieux proportionnés, avec, en plus, une meilleure efficacité énergétique.

Si on ne construit pas, c’est donc parce que les élus ne veulent pas qu’on construise. Se battre pour une vraie politique du logement social, c’est aller dans les vents contraires, puisque c’est aller vers le vivre-ensemble dans une société où les projets politiques sont souvent individualisants et où le discours dominant incite à séparer la population.

La vraie question des prochaines municipales sera : peut-on porter aux responsabilités une équipe qui n’a pas d’autre proposition sur la question du logement que de ségréguer par le haut ? Le débat n’est plus entre droite et gauche, mais entre ceux qui font et ceux qui ne font pas.

Didier Vanoni Le changement climatique va générer de l’inconfort, mais aussi des catastrophes. Ce n’est pas un sujet pour dans trente ans, plutôt pour la semaine prochaine. Or, rien ne bouge. On sait que l’adaptation à ces bouleversements va être un sujet crucial, mais nous n’anticipons rien. C’est qu’il y a aussi un fond idéologique au problème.

Je travaille actuellement sur la loi Besson, qui a fondé toute la politique en faveur du logement des défavorisés. La principale condition à l’émergence de cette loi qui date de trente-cinq ans, c’est que l’opinion publique était prête. Il y avait l’abbé Pierre, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Coluche venait de créer les Restos du cœur, Michel Rocard le RMI qui deviendra le RSA, etc. Ce qu’il manque aujourd’hui, c’est tout ça.

L’opinion n’est pas prête. Nombreux sont les gens en France qui pensent que les inégalités sociales sont naturelles, et que s’il y a des pauvres, c’est la faute des pauvres eux-mêmes. Il va être très compliqué d’amener les acteurs sur une nouvelle dynamique : c’est pourquoi je pense que le premier combat est celui de l’opinion. Il faudrait qu’une campagne électorale à venir mette ce sujet au centre des débats, bien que l’impulsion puisse aussi provenir des collectivités territoriales.

Ian Brossat L’État doit venir en aide aux collectivités qui souhaitent construire du logement social et, à l’inverse, il y a besoin du bâton de sanctions plus fortes lorsque des maires font obstacle à l’application de la loi. En l’occurrence, la loi SRU de 2000, qui est une grande loi, votée par la gauche. Elle prévoit désormais 25 % de logements sociaux dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants.

À Paris, qui est la ville la plus dense d’Europe, nous y sommes parvenus en transformant des bâtiments existants, et non en construisant du logement neuf. On concilie ainsi l’exigence sociale et l’exigence environnementale, puisque quand on transforme du bâti existant, on n’artificialise pas les sols. Cela montre que les maires, qui s’abritent derrière un prétendu manque de foncier disponible, sont souvent de mauvaise foi.

Certes, Paris a des moyens financiers que d’autres collectivités n’ont pas. C’est la raison pour laquelle l’État doit les accompagner financièrement. Mais, enfin, force est de constater qu’il y a des communes qui en ont fait un enjeu électoral et qui refusent d’en produire. Non pas parce qu’elles n’aiment pas l’architecture, mais parce qu’elles n’aiment pas les gens qui vivent à l’intérieur. Dans ces cas-là, il faut leur tordre le bras, les obliger à appliquer la loi.

Source L'Humanité par Eric Payonne

21/01/2025

Crise du logement : les fausses réponses de l’exécutif

À l’occasion de ses vœux pour la nouvelle année, la Confédération nationale du logement (CNL) dénonce les annonces floues du Premier ministre pour résoudre la crise. Elle appelle au contraire à un réinvestissement de l’État dans le logement public et à la création d’une « Sécurité sociale du logement ».

En France, 4 millions de personnes se trouvent dans des situations de mal-logement.

Pour la Confédération nationale du Logement, le compte n’y est pas. Le 15 janvier à l’occasion de ses vœux pour la nouvelle année, son président, Eddie Jacquemart, a exprimé tout le scepticisme que lui inspiraient les déclarations faites la veille par le Premier ministre.

La veille, dans son discours de politique générale, François Bayrou a estimé « nous avons besoin d’une politique de logement repensée et de grande ampleur. Chacun doit avoir accès à un logement abordable ». Misant comme ses prédécesseurs sur le développement du marché pour résoudre le déficit de logement abordable, il a également promis de « lever les contraintes sur le logement ». « Pas un mot sur le logement social, rien sur l’encadrement des loyers, aucune mention de la rénovation énergétique, ni de l’augmentation des Aides personnalisées au logement (APL) », dénonce Eddie Jacquemart.

Entre flous et rejets des déclarations

Le locataire de Matignon a annoncé vouloir « relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété ». Une proposition qui ne séduit pas à la CNL : « Si le but est de pérenniser les dispositifs d’aides fiscales pour le privé, autant investir cet argent public dans le logement social ! »

Ces annonces font écho à celles de sa ministre du Logement, Valérie Létard, qui défend l’élargissement du prêt à taux zéro. Une mesure qui ne convainc pas la CNL : « Il faut que ce prêt soit donné aux logements sociaux. Autrement, ça pousse des familles modestes à s’endetter, et finalement on les retrouve en commission de surendettement. »

« Nous devons combattre l’idée qu’il n’y a pas d’argent », dénonce Eddie Jacquemart de la CNL

L’organisation de locataires exprime aussi des doutes sur des zones d’ombre des annonces, notamment la promesse d’un soutien aux maires bâtisseurs via un « encouragement à l’investissement », privé compris. « Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’on va intégrer des obligations de construire 25 % de logements sociaux imposés par la loi Solidarité et Renouvellement Urbains, dans les logements privés ? », s’interroge son président.

Une crise du logement qui dure depuis 10 ans

« Les choses ne vont pas dans le bon sens pour les locataires », constate le président de la CNL. En raison de la pénurie de logements, 2,7 millions de familles attendent un logement social, tandis que 4 millions de personnes se trouvent dans des situations de mal-logement. En 2025, les loyers ont augmenté de 3,26 % dans le privé, soit 10 % depuis 2021. Signe de la difficulté croissante d’une partie des ménages à faire face à leur frais de logement, les impayés de loyers auraient augmenté « de façon significative » depuis trois mois, selon l’association et la présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH).

Chaque année, environ 140 000 personnes sont expulsées de leur logement pour loyers impayés, d’après la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL). En réponse, le Collectif souhaite lancer, à l’occasion des 80 ans de la Sécurité sociale, la « Sécurité sociale du logement » : une caisse de solidarité financée par divers acteurs, offrant une aide temporaire aux locataires ou futurs propriétaires en difficulté, à l’image de l’assurance chômage. « Elle permettrait l’accès aux logements pour tous, tout en sécurisant les propriétaires dans leur mise en location. », explique la CNL.

« L’État doit mettre l’argent sur la table »

Au-delà de cette aide ponctuelle, « l’État doit mettre l’argent sur la table » pour répondre « aux réels besoins du secteur » plaide la CNL. Elle demande notamment un investissement dans une solution « plus pérenne » : la construction de logements sociaux. Notant une baisse sans précédent de cette dernière, l’association demande la suppression de la réduction de loyer de solidarité (RLS).

Instaurée en 2018, cette mesure qui a consisté à compenser par des baisses de loyer des réductions équivalentes du montant des APL versées aux locataires de HLM, elle s’est traduite par une baisse de revenus pour les bailleurs sociaux. Résultats, non seulement ils peinent à construire pour répondre à la demande, mais ils sont en plus incapables d’assurer l’entretien et la qualité de service du parc existant. « La RLS reste en place, mais notre souhait est qu’elle disparaît totalement. Toutes les remontées de terrain signalent un recul majeur de la gestion des HLM », affirme Eddie Jacquemart.

L’association dénonce aussi le désengagement de l’Etat en matière de rénovation énergétique. Près de 500 000 logements classés « G » au diagnostic de performance énergétique (DPE) sont désormais interdits à la location. Une « victoire partielle », selon la CNL, qui dénonce néanmoins « un blocage », en raison des promesses non tenues par l’État. « Les 250 millions d’euros d’aide à la rénovation thermique des HLM promise, rappelle Eddy Jaquemart, n’ont jamais été alloués ».

Source L'Humanité par Nadia Hebbar

23/09/2024

Au ministère du Logement, Guillaume Kasbarian prend la porte et Valérie Létard emménage

Chute de la construction, logements sociaux, Airbnb… De nombreux dossiers chauds attendent la centriste dans le gouvernement Barnier. L’ancienne vice-présidente du Sénat devra faire preuve d’imagination pour résoudre une crise sévère aux conséquences dramatiques.

Son bail aura été vite résilié. Nommé en février dernier, Guillaume Kasbarian quitte déjà le ministère de Logement. Il est remplacé par la centriste Valérie Létard, nommée ce samedi 21 septembre dans le nouveau gouvernement de Michel Barnier responsable d’un portefeuille regroupant le Logement et la Rénovation urbaine. L’ancienne vice-présidente du Sénat (2017-2023), qui fut secrétaire d’Etat sous Nicolas Sarkozy, avait été élue députée lors des dernières législatives de juillet. La native du Nord, proche de Jean-Louis Borloo, s’était impliquée sur le dossier du Zéro artificialisation nette (ZAN) alors qu’elle était sénatrice.

Personne ne sait si la nouvelle ministre du Logement aura le temps d’assister au congrès annuel des HLM, qui s’ouvre mardi à Montpellier. Mais une chose est sûre : des promoteurs aux bailleurs sociaux en passant par les courtiers, les banquiers et les notaires, sans oublier la filière du BTP, toute la galaxie du logement attend la successeure de Guillaume Kasbarian de pied ferme. «Quand le bâtiment va, tout va», dit le proverbe. Or depuis quatre ans, rien ne va plus. La filière avait déjà connu un coup de mou en 2020, avec la crise sanitaire Covid et la montée du «Nimby» («Not in my backyard»), acronyme qui désigne cette fichue tendance des habitants à ne pas vouloir de nouveaux voisins.

Mais la guerre en Ukraine a précipité la filière dans le mur : l’inflation a non seulement augmenté les coûts de construction mais obligé la Banque centrale européenne à augmenter ses taux, ce qui a renchéri le coût des crédits. En 2023, les mises en chantier de logements ont chuté de 22 % par rapport à 2022, et les permis de construire de près de 24 %, selon les données provisoires du ministère de la Transition écologique.

Au-delà de la crise d’un secteur économique vital, ce sont ses conséquences sociales que le gouvernement Barnier devra affronter. En janvier 2023, Olivier Klein, le Premier ministre du Logement du deuxième quinquennat, avait parlé de la «bombe sociale à retardement» du logement. Près de deux ans plus tard, il ne fait pas de doute qu’elle a éclaté, en particulier dans les métropoles où les prix de l’immobilier sont au plus haut. Etudiants qui renoncent à leurs études faute de pouvoir se loger, couples séparés obligés de continuer à cohabiter ou qui renoncent à faire des enfants car ils n’ont pas les moyens de déménager, entreprises qui n’arrivent pas à recruter, etc : et pourtant le président Emmanuel Macron semble étrangement indifférent, ne voyant dans le logement qu’une «rente» à dégonfler ou des dépenses excessives, qu’il convient de raboter.

L’ex-Premier ministre Gabriel Attal a bien promis un «choc d’offre» en janvier 2023 pour relancer la construction. Un peu tard. Et le projet de loi présenté par Guillaume Kasbarian au printemps, qui visait à assouplir la loi SRU en réduisant le nombre de logements sociaux à construire par commune au profit de la catégorie moins sociale des «logements intermédiaires», a été stoppé net dans son élan par la dissolution.

Si ce projet d’inspiration libérale était remis sur le métier, on peut parier que les bailleurs sociaux remonteraient illico au créneau. Ce n’est pas le moment d’affaiblir l’obligation à construire des logements sociaux, alors que le nombre de ménages en attente d’un HLM a battu un nouveau record au premier semestre 2024 : ils sont désormais 2,7 millions, 100 000 de plus qu’en 2023. Or seuls 82 200 logements sociaux ont été agréés l’an passé, contre 124 200 en 2016.

L’écologie et le BTP ne font pas bon ménage

Pour ne rien arranger, les locations de type Airbnb, bien plus lucratives que des locations à l’année, continuent de proliférer dans les territoires les plus attractifs, asséchant le marché locatif au détriment des travailleurs essentiels, contraints de crécher loin des centres-villes voire de dormir dans leur voiture. La situation devenait si critique que le gouvernement a fini par céder à la pression des élus locaux, et le Parlement a adopté en mai une loi qui réduit fortement l’avantage fiscal dont bénéficiaient les propriétaires de meublés de tourisme.

L’écologie et le BTP ne font pas bon ménage : la loi Climat et résilience est accusée d’aggraver la pénurie, que ce soit en imposant de ralentir l’urbanisation pour viser le Zéro artificialisation nette (ZAN) ou en obligeant les proprios à retirer du marché les passoires thermiques - souvent de petits logements qui seraient bien utiles aux étudiants. Comment construire moins et loger toujours plus de Français ? Tous les ministres se sont heurtés à cette équation insoluble.

Cette crise multiforme du logement tombe d’autant plus mal que la Fondation abbé Pierre, qui est la voix des mal-logés en France, risque de ressortir durablement affaiblie du scandale provoqué par la révélation des agressions sexuelles commises par le célèbre curé. La fondation, qui avait alerté contre les effets délétères de la loi anti-squat portée par Guillaume Kasbarian, devrait d’ailleurs changer de nom. Cela fait partie des dossiers qui attendent le nouveau locataire du Logement, à la croisée du social et du sociétal.

Mais il y a des motifs d’espérer : dans la foulée de la décision de la BCE d’abaisser son taux directeur à 3,5 %, les taux d’intérêt devraient amorcer une décrue, et donc resolvabiliser les acheteurs et dégripper le marché. Autre bonne nouvelle, les prix dans l’ancien ont aussi amorcé un repli l’an passé, de l’ordre de 4 % selon l’Insee.

Source Libération

16/08/2024

L’Alliance pour le logement prend rendez-vous avec le prochain gouvernement

La FFB, l’USH, la FPI et leurs partenaires au sein de l’Alliance pour le logement demandent à être reçus par le prochain Premier ministre et les députés clés de la nouvelle Assemblée nationale afin de bâtir un « plan pluriannuel » de soutien à la construction et à la rénovation de logements.

L’Alliance pour le logement « souhaite être auditionnée par les présidents des commissions des finances et des affaires économiques dès leur installation » dans la nouvelle Assemblée nationale issue des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet.

« Chaque mois d’inaction coûte plus de 10 000 emplois à la filière construction-immobilier. » Plus d’un mois après la dissolution de l’Assemblée nationale qui se traduit encore aujourd’hui par une période de non-décisions politiques, les dix acteurs réunis sous la bannière de l’Alliance pour le logement repartent à l’assaut pour stimuler les décideurs politiques.

Dans un communiqué commun daté du 18 juillet, les entreprises de bâtiment de la FFB, les bailleurs sociaux de l’USH, les agents immobiliers de la Fnaim, les promoteurs immobiliers de la FPI, les CMIstes, rénovateurs et promoteurs du Pôle Habitat FFB, le réseau immobilier Procivis, les syndics de l’Unis, les notaires de l’UNNE, les architectes de l’Unsfa et les économistes de la construction de l’Untec demandent « d’urgence la mise en place d’un plan pluriannuel construit avec eux car le logement est un secteur du temps long, qu’il s’agisse de construction ou de rénovation ».

Au lendemain de l’acceptation par Emmanuel Macron de la démission de Gabriel Attal, qui se chargera des « affaires courantes » jusqu’à la formation d’un nouvel exécutif dont la feuille de route demeure inconnue, cette union inédite espère être reçue par « le Premier ministre dès sa nomination, afin de relancer l’acte de construire à partir du projet de loi de finances 2025, d’autant plus que le logement constitue un secteur contributif en solde net au budget de la Nation ».

« Au-delà des échanges déjà engagés avec le Sénat, l’Alliance compte également sur la nouvelle Assemblée nationale pour se saisir pleinement de ces sujets, et souhaite être auditionnée par les présidents des commissions des finances et des affaires économiques dès leur installation », ajoutent les partenaires.

Ces derniers alertent depuis deux ans sur « les conséquences liées à la chute de la production de logements sociaux et libres sur l’ensemble des territoires », rappellent-ils, ajoutant que les objectifs de réindustrialisation et de plein-emploi de l’ancien exécutif ne pourront être atteints sans relance de la filière.

Dans un contexte de restrictions budgétaires, « différentes mesures à effets immédiats et puissants, dont certaines sans coût budgétaire ou fiscal » ont été poussées par les acteurs du logement ces derniers mois, insistent-ils. Citons l’assouplissement des règles d’octroi de crédits immobiliers fixées par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF). Une idée portée par le député de la majorité sortante Lionel Causse qui a finalement fait marche arrière. En cause : l’adoption d’amendements ayant largement dénaturé son texte.

L’Alliance pour le logement est née en 2022 pendant la campagne présidentielle. Elle fédérait la FFB, l’USH, la Fondation Abbé Pierre, France Urbaine et Intercommunalités de France.

Sur fond de rapide hausse des taux qui a engendré une crise de la demande, une nouvelle impulsion a été donnée au mouvement en 2023. Celui-ci est depuis composé de 10 acteurs aux intérêts divers : des promoteurs immobiliers de la FPI, en première ligne sur le front de la construction neuve, aux syndics de l’Unis, qui peinent à relever le défi de la rénovation énergétique du parc existant.

La Fondation Abbé Pierre ainsi que les organismes regroupant des collectivités, représentés à l’époque par Catherine Vautrin, alors présidente du Grand Reims, ont quitté le navire.

Source Le Moniteur

25/06/2024

Logement : le Nouveau Front Populaire en fait une priorité

Le programme du Front Populaire rompt avec sept années de politiques macronistes marquées par des attaques sans précédents sur le secteur HLM et une idéologie libérale qui a mis à bas la construction.

De manière symbolique, la première mesure concernant le logement qui figure dans le programme de la gauche unie est une revalorisation de 10 % des APL.

Les associations de défense du droit au logement et des locataires ne cachent pas leur satisfaction. « Sur ce sujet, le programme du nouveau Front populaire reprend 80 % de nos revendications les plus fortes » salue Eddie Jacquemart, président de la Confédération générale du Logement (CNL).

Ces propositions portées par la coalition de gauche en matière de logement « ne renversent pas la table, mais reviennent sur les mesures négatives prises par les différents gouvernements Macron » résume Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation abbé Pierre (FAP). Une ambition nécessaire après sept ans d’une politique dont l’unique ambition a été de réaliser des économies budgétaires et qui a abouti à une explosion du nombre de sans-abri, une hausse des prix des loyers, la stagnation de l’accession à la propriété et une construction en chute libre. Malgré des flous, le Front populaire s’engage à soutenir de nouveau ce secteur qui constitue un droit essentiel et qui grève comme aucun autre le niveau de vie en étant devenu le premier poste de dépense de ménages.

Des coups de pied aux coups de rabot

De manière symbolique, la première mesure concernant le logement qui figure dans le programme de la gauche unie est une revalorisation de 10 % des APL, dès les quinze premiers jours de son arrivée au pouvoir. Une sorte de pied de nez au macronisme, dont une des décisions les plus controversées a été, dès l’été 2017, la baisse de cette aide destinée aux locataires les plus pauvres.

Il s’agit aussi d’une vraie bouffée d’air pour les ménages confrontés à la hausse des loyers. Bienvenue aussi est la promesse de l’interdiction des coupures d’électricité, qui va soulager tous ceux qui ne parviennent plus à faire face à l’augmentation des charges. La mesure est saluée par la FAP qui la demande depuis longtemps, mais regrette qu’une hausse des chèques énergie ne soit pas également au programme.

Au-delà de ces aides d’urgence, le programme vise à « garantir le droit au logement ».

Pour y arriver, il promet la relance le secteur HLM, grâce à la suppression de la ponction de 1,4 milliard d’euros par an mise en place depuis 2018. « Un élément très positif », juge Jean Batiste Eyraud, porte-parole de Droit au Logement (DAL) comme l’ensemble des acteurs du secteur. L’objectif de 200 000 logements publics par an « est un peu maximaliste, alors qu’on en est à 80 000, mais cela donne une direction et c’est très bien » tempère Manuel Domergue.

Le privé aussi concerné

Il s’agit aussi de s’attaquer à la hausse des prix dans le privé. Pour cela l’encadrement des loyers déjà en vigueur dans certaines collectivités territoriales deviendrait obligatoire dans toutes les zones tendues, où la demande excède l’offre. « C’est une mesure positive mais on sait qu’elle ne permet pas de faire baisser les prix alors qu’ils sont beaucoup trop élevés » nuance le porte-parole du DAL. La baisse du prix du foncier, qui dans certaines localités correspond à plus de 50 % du prix de construction, est aussi une bonne nouvelle, même si les modalités de mises en œuvre restent à discuter.

En matière de protection des locataires, l’abrogation de la loi Kasbarian, qui criminalise l’occupation de locaux vides et facilite l’expulsion des locataires en situation d’impayés est au programme. Y figure aussi l’interdiction d’expulsions sans propositions de relogement ou d’hébergement.

Là encore, des décisions saluées par le secteur associatif, même les modalités d’applications de certaines restent à préciser. « L’interdiction d’expulsion sans relogement, est-ce un objectif ou bien une contrainte législative ? » s’interroge ainsi Manuel Domergue. Autre nouvel outil proposé par le Front populaire, une garantie universelle des loyers, qui facilite l’accès à un logement de ceux qui ne disposent pas de garants. « Ce sont des avancées indéniables, mais on aurait aimé voir figurer dans ces propositions la question de la protection des locataires, par rapport à la fraude, aux marchands de sommeil, etc. » regrette néanmoins Jean Batiste Eyraud, qui prône « la stabilisation du statut des locataires, qui a eu tendance à devenir de plus en plus précaire ».

Au-delà, des mesures spécifiques concernant le logement, c’est la cohérence de l’ensemble du programme qui permet d’entrevoir une véritable amélioration de la vie quotidienne. « Si d’un côté on augmente les salaires, et que de l’autre on gèle le prix des fluides et la hausse des loyers, on redonne une véritable bouffée d’air aux gens », observe Eddie Jacquemart. Reste que pour le secteur associatif, satisfaction ne vaut pas blanc-seing. « Nous saluons un programme qui fait avancer les choses, résume Jean Baptiste Eyraud. Mais dans tous les cas, la lutte continue ».

Source L'Humanité par Camille Bauer