En France, 4 millions de personnes se trouvent dans des situations de mal-logement.
Pour la Confédération nationale du Logement, le compte n’y est pas. Le 15 janvier à l’occasion de ses vœux pour la nouvelle année, son président, Eddie Jacquemart, a exprimé tout le scepticisme que lui inspiraient les déclarations faites la veille par le Premier ministre.
La veille, dans son discours de politique générale, François Bayrou a estimé « nous avons besoin d’une politique de logement repensée et de grande ampleur. Chacun doit avoir accès à un logement abordable ». Misant comme ses prédécesseurs sur le développement du marché pour résoudre le déficit de logement abordable, il a également promis de « lever les contraintes sur le logement ». « Pas un mot sur le logement social, rien sur l’encadrement des loyers, aucune mention de la rénovation énergétique, ni de l’augmentation des Aides personnalisées au logement (APL) », dénonce Eddie Jacquemart.
Entre flous et rejets des déclarations
Le locataire de Matignon a annoncé vouloir « relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété ». Une proposition qui ne séduit pas à la CNL : « Si le but est de pérenniser les dispositifs d’aides fiscales pour le privé, autant investir cet argent public dans le logement social ! »
Ces annonces font écho à celles de sa ministre du Logement, Valérie Létard, qui défend l’élargissement du prêt à taux zéro. Une mesure qui ne convainc pas la CNL : « Il faut que ce prêt soit donné aux logements sociaux. Autrement, ça pousse des familles modestes à s’endetter, et finalement on les retrouve en commission de surendettement. »
« Nous devons combattre l’idée qu’il n’y a pas d’argent », dénonce Eddie Jacquemart de la CNL
L’organisation de locataires exprime aussi des doutes sur des zones d’ombre des annonces, notamment la promesse d’un soutien aux maires bâtisseurs via un « encouragement à l’investissement », privé compris. « Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’on va intégrer des obligations de construire 25 % de logements sociaux imposés par la loi Solidarité et Renouvellement Urbains, dans les logements privés ? », s’interroge son président.
Une crise du logement qui dure depuis 10 ans
« Les choses ne vont pas dans le bon sens pour les locataires », constate le président de la CNL. En raison de la pénurie de logements, 2,7 millions de familles attendent un logement social, tandis que 4 millions de personnes se trouvent dans des situations de mal-logement. En 2025, les loyers ont augmenté de 3,26 % dans le privé, soit 10 % depuis 2021. Signe de la difficulté croissante d’une partie des ménages à faire face à leur frais de logement, les impayés de loyers auraient augmenté « de façon significative » depuis trois mois, selon l’association et la présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH).
Chaque année, environ 140 000 personnes sont expulsées de leur logement pour loyers impayés, d’après la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL). En réponse, le Collectif souhaite lancer, à l’occasion des 80 ans de la Sécurité sociale, la « Sécurité sociale du logement » : une caisse de solidarité financée par divers acteurs, offrant une aide temporaire aux locataires ou futurs propriétaires en difficulté, à l’image de l’assurance chômage. « Elle permettrait l’accès aux logements pour tous, tout en sécurisant les propriétaires dans leur mise en location. », explique la CNL.
« L’État doit mettre l’argent sur la table »
Au-delà de cette aide ponctuelle, « l’État doit mettre l’argent sur la table » pour répondre « aux réels besoins du secteur » plaide la CNL. Elle demande notamment un investissement dans une solution « plus pérenne » : la construction de logements sociaux. Notant une baisse sans précédent de cette dernière, l’association demande la suppression de la réduction de loyer de solidarité (RLS).
Instaurée en 2018, cette mesure qui a consisté à compenser par des baisses de loyer des réductions équivalentes du montant des APL versées aux locataires de HLM, elle s’est traduite par une baisse de revenus pour les bailleurs sociaux. Résultats, non seulement ils peinent à construire pour répondre à la demande, mais ils sont en plus incapables d’assurer l’entretien et la qualité de service du parc existant. « La RLS reste en place, mais notre souhait est qu’elle disparaît totalement. Toutes les remontées de terrain signalent un recul majeur de la gestion des HLM », affirme Eddie Jacquemart.
L’association dénonce aussi le désengagement de l’Etat en matière de rénovation énergétique. Près de 500 000 logements classés « G » au diagnostic de performance énergétique (DPE) sont désormais interdits à la location. Une « victoire partielle », selon la CNL, qui dénonce néanmoins « un blocage », en raison des promesses non tenues par l’État. « Les 250 millions d’euros d’aide à la rénovation thermique des HLM promise, rappelle Eddy Jaquemart, n’ont jamais été alloués ».