L'entreprise de fabrication de produits en terre cuite qui a fêté ses 110 ans en 2020, s'est spécialisée au détour des années 2010 dans les produits de façade jusqu'à en devenir l'un des 3 premiers fabricants français. Son PDG, 5e génération d'exploitant, explique au Moniteur ses ambitions dans le contexte de la décarbonation du pays.
Comment se porte votre activité ?
Rairies Montrieux a longtemps fabriqué du carrelage en terre cuite de façon régionale pour un chiffre d’affaires de 6M€ jusqu’aux années 2010.
A cette époque, le carreau de carrelage en terre cuite traditionnel est un peu passé de mode et nous nous sommes tournés vers les produits de façades. Sur ce créneau, nous sommes aujourd’hui l’un des trois premiers fabricants en France de plaquettes et depuis 7 ans, nous connaissons une progression de 15% chaque année. Nous produisons près de 10 000 t par an de plaquettes en terre cuite qui permettent de couvrir entre 250 000 et 300 000 m² ou l’équivalent de 300 immeubles recouverts par an.
Nous sommes confiants pour les dix prochaines années, par rapport au potentiel d’ITE et de rénovation qui existe (voir encadré). Nous investissons donc très fortement pour accompagner cette activité.
Rairies Montrieux produit près de 10 000 t par an de plaquettes en terre cuite.
Sur quels postes avez-vous prévu d'investir ?
Pour améliorer notre bilan carbone, nous avons 3 investissements prévus pour les trois prochaines années. Le premier pour un filtre pour la cheminée de notre usine qui sera installé fin août pour un montant de 220 000 €.
La toiture de l’atelier des émaillés va être entièrement refaite en photovoltaïque et la troisième année, nous construirons un nouveau bâtiment de 1400 m2 dont la toiture sera à 70% équipée de panneaux.
Un investissement de 160 000 €. Par ailleurs, nous avons procédé à un investissement très important pour l’empaquetage de nos produits avec l’achat de 7 robots pour 1 M€, ce qui est une étape très importante pour nous. Nous avons étoffé notre équipe de maintenance, mais permis de réaffecter des collaborateurs à des taches plus valorisées que l’empaquetage. Cet investissement a été aidé à 40% par France Relance. Tout comme notre nouveau four à gaz.
Vous parlez de bilan carbone, quels sont les postes d'émissions à surveiller pour un producteur de terre cuite ?
La fabrication consiste à écraser la terre, à la mélanger aux couleurs puis à l’étirer pour lui donner sa forme, la sécher et la cuire au four pour une durée de 48h. Dans le cycle de production, il y a donc deux périodes d’utilisation d’énergie : le séchage et la cuisson. Depuis vingt ans nous utilisons une chaudière biomasse (grâce à laquelle nous recyclons du bois) qui nous permet de sécher nos produits sans énergie fossile. Cela représente 40 % de l’énergie de la filière. Nous avons ensuite 3 types de cuissons : gaz, électrique et bois. Cette dernière est faite à partir de bois de récupération, en fin de vie. Les fours électriques ne fonctionnent que la nuit et en heures creuses avec l’énergie la moins chère. Quant au gaz, nous avons récemment fait l’acquisition d’un nouveau four qui consomme 50% de moins que l’ancien.
Rairies Montrieux fait extraire l’argile à côté de son site de production, une terre très grasse de très bonne qualité, idéale pour les produits de façade, qui permet de proposer toutes les couleurs.
Qu'en est-il du recyclage et de l'économie circulaire ?
La terre cuite est un produit inerte qui ne pose pas de problème de pollution. Toute la casse industrielle est valorisée de diverses manières (sous-couche routière, paillage ou pour consolider les chemins d’accès aux maisons par exemple).
D'autre part, les produits que nous ne pouvons pas utiliser, ce que nous appelons nos « choix usine », nous avons pu par exemple les proposer pour un projet de l’architecte Gaëtan Engasser avec un bilan carbone de zéro. Nous avons fourni 350 tonnes de produits, une vingtaine de différents (mal calibrés, avec des aspérités) à un ingénieur qui a fait une proposition de façade à l’architecte qui a gagné le concours ! La matière déjà produite permet d’économiser de l’énergie et des émissions de GES, et ses défauts font qu’elle est vendue moins cher. La main d’œuvre coûte plus cher mais le bilan final est neutre. C’est donc très intéressant. Sachant que la manufacture de la céramique présente un taux incompressible de 5% de « choix usine », nous avons décidé de chercher un chantier de réemploi zéro carbone par mois à fournir avec ces « choix ».
Pour poursuivre votre croissance, envisagez-vous de vous développer à l'export ou avec des acquisitions ?
Paul-Vincent Diquéro, notre directeur général, arrivé il y a 10 mois, s’occupe de la gestion, du marketing et de l’export. Il a déjà obtenu le contrat pour la façade d’un supermarché en Australie en préfabrication.
Un chantier à 100 000 €. C’est une très belle référence. Mais pour nous, l’export se fait surtout vers la Belgique et la Suisse. Aujourd’hui, l’export représente 5% de notre activité. Notre ambition est de passer à 20% d’ici 3, 4 ans. Nous avons beaucoup d’espoir notamment avec l’Angleterre qui s’ouvre petit à petit à la plaquette.
En revanche nous n’envisageons pas de croissance externe. Il faut des gros moyens pour cela : notre industrie demande des capitaux très importants ce qui nécessiterait de recourir à des banques et ce n’est pas dans nos projets.
Terre cuite et RE 2020
La terre cuite est un matériau géosourcé issu des carrières proches de notre site industriel. C’est déjà vertueux pour l’environnement. Ensuite, la plaquette en terre cuite possède non seulement de très belles propriétés esthétiques en termes de façade mais elle possède des avantages techniques : c’est un produit qui permet d’obtenir un résultat esthétique de type brique tout en utilisant une faible épaisseur de terre cuite. C’est donc un produit attractif recherché par les architectes qui peuvent imaginer des façades belles, stylisées et décoratives mais surtout très pérennes. La terre cuite demande un entretien minimum pour une pérennité maximum.
En terme de pérennité, la terre cuite est classifiée dans sa FDES avec une durée de vie de 100 ans qui est le nombre maximal admissible par cette classification. Nous travaillons beaucoup techniquement pour mettre en place la terre cuite sur l’ITE (Isolation Thermique par l’Extérieur). Elle est présente dans les avis techniques de presque tous les différents systèmes constructifs associés à ce modèle. Ce travail permet aujourd’hui d’avoir des systèmes qui permettent de mettre en œuvre la terre cuite sur ossature bois et façade ossature bois. En conclusion, la plaquette de terre cuite demande peu d’énergie pour sa cuisson du fait de sa faible épaisseur pour une impression visuelle très diversifiée.
Olivier Laval, directeur technique de Rairies Montrieux
Source Le Moniteur par Adrien Pouthier