Le 1 juin 1963, les employés de l’usine Cancalon se réunissaient pour le remise des médailles du travail.
C’est une histoire qui débute au XIXe siècle et qui s’arrête en partie en 1986, avec la fermeture de l’usine Cancalon, spécialisée dans la fabrication des tuiles. Une histoire qui perdure néanmoins avec l’exploitation du même gisement d’argile, extrait par l’entreprise Bouyer-Leroux pour la fabrication de briques. Joseph Cariat et Robert Pradeilles, respectivement responsable Entretien et directeur d’exploitation de l’usine Roanne Brique, tous deux aujourd’hui retraités, témoigneront de leur métier et de ses évolutions, samedi 21 et dimanche 22 septembre après-midi, à l’Espace de la Tour, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine.
Dans les années 1960, l’usine était prospère. Nous étions après guerre, il fallait tout reconstruire. Nous avons vu arriver des travailleurs italiens, portugais, ou encore polonais, que nous avions formés sur le tas.
Né aux Tuileries, Joseph Cariat avait 14 ans lorsqu’il a intégré l’usine Cancalon. Intéressé plus particulièrement par la mécanique, il a gravi les échelons jusqu’à devenir responsable de l’entretien de l’ensemble des machines à Cancalon, puis à Roanne Brique. « Dans les années 1960, l’usine était prospère. Nous étions après guerre, il fallait tout reconstruire. Nous avons vu arriver des travailleurs italiens, portugais, ou encore polonais, que nous avions formés sur le tas », se souvient le désormais retraité. Joseph Cariat se rappelle aussi des sorties d’usine, lorsque les ouvriers se retrouvaient pour boire un verre ou jouer à la belote. « Au fil des années, j’ai vu aussi peu à peu les liens sociaux se distendre. Aujourd’hui, les ouvriers viennent de plusieurs communes et rentrent directement chez eux après le travail. »
« Peiné de voir l’usine être démolie »
Sollicité régulièrement et durant un long moment après son départ à la retraite, Joseph Cariat peut se vanter d’être « la mémoire du site ». Une usine Cancalon qu’il a évidemment été « peiné de voir démolir ». Mais, par-dessus tout, l’ancien responsable ne pourra oublier « la disparition tragique de deux collègues, tués accidentellement sur le site ».
De son côté, Robert Pradeilles, ancien directeur d’exploitation, a toujours eu le souci d’améliorer les conditions de travail des employés, témoigne-t-il. L’un de ses combats a été d’amener le gaz naturel jusqu’au site, le rendant ainsi « beaucoup plus propre. Nous avons d’ailleurs obtenu la norme ISO 14001 pour nos actions sur l’environnement ». Car, à son arrivée en 1990, le four de la briqueterie était encore alimenté avec du coke de pétrole venu des États-Unis par bateau et acheminé jusqu’à Roanne par péniches sur le canal, et ce depuis le choc pétrolier de 1974.
Les odeurs nauséabondes, l’un de ses combats
Un autre des combats mené par Robert Pradeilles a été « de faire cesser les odeurs nauséabondes qui enveloppaient le site. En effet, la décharge de Roanne jouxtait l’usine et la carrière, et nous vivions dans les odeurs des déchets en décomposition et des boues en provenance de la station d’épuration », raconte-t-il. Entouré de ses équipes, le directeur qu’il était a obtenu le transfert des boues sur une usine de traitement à Vichy et l’utilisation de chaux sur les déchets. « Sans compter les oiseaux qui se ravitaillaient sur la décharge et qui laissaient échapper leurs trouvailles sur nos stocks d’argile ; des déchets que l’on retrouvait dans nos fabrications ! », abonde le retraité. Robert Pradeilles se réjouit aujourd’hui « de savoir que l’usine, entièrement automatisée, perdure dans des locaux neufs, avec un atelier de stockage et de préparation d’argile bien à l’abri ».