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22/06/2024

Cette entreprise bretonne veut transformer la vase encombrant les ports en matériaux de construction

À Brest (Finistère), Yann Santerre a imaginé un procédé permettant de solidifier les sédiments marins et de les mouler à la forme souhaitée. De quoi offrir un débouché prometteur aux millions de mètres cubes de vase s’accumulant chaque année dans les ports. Une usine pilote est en projet sur le port de Brest.

Pour ces carreaux muraux et de sol produits, pour le moment, de manière artisanale, comptez entre 120 et 150 € du mètre carré.

Elle s’accumule dans chaque port, nécessitant des opérations de dragage pour garantir l’accès aux bateaux. La vase fait partie intégrante du paysage breton, région maritime par excellence, avec ses 2 470 km de trait de côte, soit un tiers du littoral métropolitain.

Un matériau 100 % minéral obtenu sans cuisson

Le devenir de ces sédiments, une fois collectés, pose problème aux collectivités. Une partie est utilisée pour l’amendement des cultures, mais la majorité termine en décharge ou est rejetée en mer, quand les ports ne renoncent pas tout bonnement à l’extraire. « Il n’existe pas aujourd’hui de débouché stable », déplore Daniel Cueff, vice-président Mer et littoral à la région Bretagne, venu visiter les locaux.

Source Ouest-France par Delphine Van Hauwaert 

Eco-conception. A Brest (29), Gwilen revisite les matériaux de construction à partir de sédiments marins

Il vient de décrocher le premier prix de la Fabrique Aviva, soit 60 000 euros pour accélérer le développement de sa toute jeune boite. Architecte et ingénieur structure, Yann Santerre a créé Gwilen, projet innovant, qui transforme les sédiments marins en un nouveau matériau de construction pour le design et l'architecture. Le procédé désormais stabilisé, les premières applications validées, la jeune entreprise entame sa première année d'exploitation.

Dans son ouvrage La pensée sauvage (Plon, 1962), Claude Lévi-Strauss compare la posture de l’ingénieur à celle du bricoleur. Quand l’un évolue dans la science abstraite, l’autre ancre sa création dans le réel. « Le premier impose au monde ses concepts quand le second construit à partir de ce qu’il a à sa disposition », résume Yann Santerre. De cette analyse, qu’il affectionne particulièrement, le fondateur de Gwilen se réclame définitivement de la seconde posture. « Aujourd’hui, on a tous besoin d’être davantage bricoleur qu’ingénieur pour pouvoir créer à partir de l’existant et préserver notre environnement. »

Créer à partir des ressources durables. Changer sa focale pour que le laid devienne beau et le déchet matière. S’inspirer de la nature pour apporter de nouvelles solutions. Tels sont les préceptes suivis par cet architecte et ingénieur des Ponts et Chaussées. « Je me suis lancé dans le projet Gwilen de façon très intuitive« , explique celui qui a grandi au bord de la mer, à quelques encablures de l’embouchure de la Vilaine. Témoin privilégié de l’envasement de l’estuaire, il a gardé et nourrit une sensibilité particulière quant au cycle de vie des sédiments marins. De cette matière inerte généralement cataloguée dans la rubrique déchets, Yann Santerre y a vu une ressource inexploitée et un potentiel considérable. Tel un bricoleur, il a donc cherché et travaillé à l’utilisation de ces sédiments comme matière première. L’alliage de sa sensibilité à sa formation d’architecte et d’ingénieur structure a fait le reste. Gwilen (qui est le nom de La Vilaine en breton) est née.

Inspiré de la nature

Sans ciment ni résine, la vase est transformée en un matériau solide via un procédé sans cuisson haute température. Le procédé est désormais stabilisé et repose sur une mutation intrinsèque des sédiments ou diagénèse. « Nous avons cherché à ajuster la consommation énergétique de la production à la performance usuelle du produit, ou comment consommer le moins d’énergie possible pour atteindre l’objectif visé », explique Yann Santerre dont la ligne de mire reste l’optimisation des moyens par rapport aux usages. Ce qu’on appelle l’énergie grise.

Le produit fini se rapproche de la terre cuite. Ses caractéristiques sont semblables, si ce n’est cet aspect mat et douçâtre qui distingue le matériau Gwilen. Dans certains bains, des pigments naturels ont été ajoutés pour teinter la matière dans la masse. La palette des couleurs ouvre alors un champ plus élargi d’applications. « Dans un premier temps, nous travaillons avec des architectes et des designers qui réalisent du mobilier et des objets de décoration« , explique Yann Santerre, le fondateur, qui vient d’installer son entreprise dans un atelier pilote, à Brest.

Approcher la phase industrielle

Gwilen a déjà fait belle impression à différents salons que ce soit à celui de Milan en Italie ou à Paris Design Week (salon Maison & Objets). La jeune entreprise a été accompagnée dans cette ouverture par la CCIMBO. Elle est aussi soutenue par Brest métropole dans le cadre de l’appel à projets « Réussir les transitions dans l’économie » et par la Région Bretagne via le dispositif Invest TPE.

En 2021, Gwilen vient d’être sacrée lauréate du concours national La Fabrique Aviva et a reçu, à ce titre, un prix de 60 000 euros. « Cette enveloppe servira à amorcer, plus tôt que prévu, notre programme de R&D en faveur de l’industrialisation de notre process », annonce Yann Santerre.

Pour ce faire, le jeune entrepreneur breton s’est associé à Mathieu Cabannes, titulaire lui aussi d’un double diplôme d’ingénieur-architecte. Architecte installé à Paris, Mathieu Cabannes travaille justement sur l’ouverture des applications de Gwilen au monde de la construction. « Chaque année, entre 40 et 50 millions de mètres cube de vases sont dragués dans les ports et canaux en France, ce qui, en parallèle, représente la quantité de béton prêt à l’emploi produit pour la construction. Gwilen se positionne comme un nouveau débouché dans la valorisation des sédiments. Plus qu’une alternative, c’est un enjeu de territoire », se positionne Yann Santerre, entrepreneur intuitif.

Source Bretagne Economique par Maude Duval