Bientôt la fin d'une époque commencée au 19e siècle. La tuilerie Monier, la dernière ouverte à Marseille qui en a compté jusqu'à une quarantaine, va fermer au plus tard en juin 2026.
Située à Saint-André dans le 16e arrondissement, l'usine installée depuis 1965 au pied de Foresta, a connu plusieurs propriétaires en 150 ans. L'actuel, BMI, a donc annoncé début septembre aux 52 salariés, que la production de la tuilerie de Marseille, sera transférée à Limoux dans l'Aude, dans une usine ultra-moderne dans laquelle le groupe a investi plusieurs millions d'euros.
La tuile de Marseille coûte trop cher à produire
Les facteurs qui expliquent que l'usine est devenue non rentable sont pluriels : la baisse des commandes en lien avec la crise du logement, la flambée du coût du gaz depuis la guerre en Ukraine et le manque d'investissement sur le site vieillissant. La tuile de Marseille coûte ainsi "deux fois plus cher à produire qu'à l'usine automatisée de Limoux" estime Farid Samba, délégué CGT du site joint par ICI Provence.
À cela s'ajoutent "une capacité de production plus élevée" et "des coûts de production plus maîtrisés" à Limoux que sur le site de Marseille, selon la réponse écrite faite par la communication de BMI à ICI Provence.
Il faut dire que 80% de l'argile de la tuilerie Monier vient de Puyloubier au pied de la Sainte-Victoire et 20% d'Espagne. Avec des coûts de transports importants alors que la matière première est produite sur place dans l'Aude.
Historiquement, l'argile réputée de grande qualité, était extraite au bassin de Séon. Mais il y a trente ans, la menace d'effondrement du centre commercial Grand Littoral construit sur la colline Foresta, a contraint la tuilerie à trouver un autre site d'extraction. L'usine a progressivement perdu en compétitivité. Et depuis 2023, les salariés subissent un à deux mois de chômage partiel dans l'année.
"Un choc pour tout le tissu social autour"
La fermeture annoncée aux salariés à la rentrée n'a donc surpris personne. Elle sera effective au plus tard en juin 2026 soit deux siècles après l'ouverture des premières tuileries qui ont fait la réputation de Marseille dans toute la Méditerranée.
"Ça m'a fait un choc parce que c'est une usine où tous les camarades se sont donnés à 1000%" confie le cœur serré Farid Samba. La carrière du syndicaliste a débuté il y a 22 ans quand l'usine appartenait au groupe Lafarge : "On a passé plus de temps dans cette usine qu'avec nos familles. La page va être dure à tourner pour certains et pour moi aussi".
"C'est un crève-cœur surtout que c'est la dernière tuilerie sur Marseille" regrette-t-il. "On est impacté, mais tout le tissu social autour aussi. La plupart des salariés habitent à l'Estaque ou Saint-André. Donc oui, ça fait un choc, y compris pour les sous-traitants. Ça va impacter beaucoup de sociétés autour".
Les 52 salariés sont concernés par le plan social d'entreprise (PSE) signé jeudi 20 novembre 2025 après deux jours de grève. L'accord arraché par les syndicats prévoit des reclassements internes, un budget de formation à hauteur de 13.000 euros par salarié et 2.000 euros supplémentaires pour les personnels âgés ou handicapés. Et puis au-delà des indemnités réglementaires prévues par la convention "Tuile et Brique", il est convenu des indemnités supra-légales.
L'usine Monier, qui s'étend sur 60.000 mètres carrés avec un four à gaz de 107 mètres de long, sera démantelée à la fin de l'activité. On ne sait pas encore ce que deviendra le terrain de la tuilerie, propriété du groupe BMI. Mais le lieu, juste sous les grandes lettres de MARSEILLE, devrait susciter quelques convoitises.