Six millions trois cent mille euros le coup de ciseau ! Au printemps dernier, Alain Rousset, le président du Conseil régional d’Aquitaine, et Olivier Butel, le directeur industriel du groupe Terreal, tranchaient un beau ruban inaugural : celui d’une des quatre lignes de production de la plus grande tuilerie de France, désormais moins énergivore.
Cela se passait à Roumazières, sur les terres argileuses de Charente limousine, où l’entreprise emploie 350 salariés et fabrique 227 000 tonnes de tuiles les bonnes années. Les quatre fours, chauffés à 1 000 °C, consomment beaucoup de gaz : plus de 200 gigawatt-heures (GWh), soit l’équivalent de la consommation domestique annuelle d’une ville comme Mont-de-Marsan.
Face à l’urgence climatique, cela n’était plus tenable. En 2020, Terreal s’engageait à réduire de 10,5 % minimum ses émissions de gaz à effet de serre en cinq ans. Dans notre région (où l’entreprise est aussi présente à Chasseneuil-sur-Bonnieure en Charente et à Montpon-Ménésterol en Dordogne), cela correspond à 4 500 tonnes de CO2 à ne plus rejeter chaque année. Le projet, ambitieux, répondait au nom de code Titan.
Terreal à Roumazières (Charente) emploie 350 salariés et fabrique 227 000 tonnes de tuiles les bonnes annéesEn pleine crise Covid, il a fallu bien des efforts pour le mettre en œuvre. Les délais ont été tenus. A Roumazières, l’industriel a privilégié un four à cuisson lente, trois fois moins gourmand en énergie fossile. Pour cela, la ligne dédiée à l’élaboration des tuiles lisses et colorées de la gamme Zen a été équipée de 23 nouveaux robots. L’opération fut épaulée par la Région, qui allouait une subvention de 1,33 million d’euros (M€) dans le cadre d’un « contrat partenarial d’efficacité énergétique ».
Chez Terreal à Roumazières (Charente), la ligne dédiée à l’élaboration des tuiles lisses et colorées de la gamme Zen a été équipée de 23 nouveaux robots.
Dans le même temps, Terreal investissait 1,5 M€ dans l’amélioration des performances du four et du séchoir de l’usine voisine de Montpon-Ménestérol, dédiée à la production de tuiles plates de type « Monuments historiques ».
Aujourd’hui, le groupe ne relâche pas ses efforts. Le projet Titan est entré dans sa deuxième phase. Il mobilise une nouvelle enveloppe d’environ 13 M€, dont deux aides conséquentes de l’Etat. La première s’élève à 1,1 M€ via le fonds chaleur de l’Ademe et le programme « Décarb-IND » dit de « soutien aux projets d’envergure d’efficacité énergétique ». La seconde, d’un montant de 3,1 M€, figure au plan France 2030.
Capter la chaleur des fumées
Objectif : atteindre la neutralité carbone avant 2050. Comment ? « En déployant un échangeur thermique déjà éprouvé dans notre usine de Chagny en Bourgogne », répond Olivier Butel. « Cela consiste à capter la chaleur des fumées à 120 °C pour alimenter les tunnels de séchage à 80 °C. Deux des quatre lignes de Roumazières, dont celle déjà modernisée, sont concernées », détaille Bernard Peuch, chef de projet. L’équipement est tout juste installé ; sa mise en route imminente.
Cet échangeur thermique à l’usine Terreal de Roumazières (Charente) doit être mis en service dans le courant du mois de mai 2024. Il captera la chaleur des fumées à 120 °C pour alimenter les tunnels de séchage des tuiles à 80 °C.Cet échangeur thermique à l’usine Terreal de Roumazières (Charente) doit être mis en service dans le courant du mois de mai 2024. Il captera la chaleur des fumées à 120 °C pour alimenter les tunnels de séchage des tuiles à 80 °C.
Terreal
La ligne dévolue aux accessoires en terre cuite (faîtières, rives, etc.) va faire l’objet de toutes les attentions. L’idée ? « Affiner les détails du process – on compte près de 200 paramètres – et les adapter au plan de charge grâce à l’intelligence artificielle. Cela peut sembler anodin, mais un bon réglage, c’est 10 à 15 points d’efficacité énergétique ! Ici, on peut gagner 120 tonnes de CO2 par an », assure Bernard Peuch.
Bien d’autres solutions sont à l’étude : optimisation des séchoirs, recours à l’énergie solaire thermique et, pourquoi pas, à l’énergie électrique. Tous les scénarios sont examinés. Terreal a été prié par son nouveau propriétaire (le groupe autrichien Wienerberger, lire notre encadré) d’accélérer encore ses efforts. Les objectifs sont les suivants : moins 25 % d’émission carbone en 2030 (depuis 2015) ; moins 40 % en 2030 (depuis 2020).
Dans le giron du groupe autrichien Wienerberger
Le 1er mars 2024, Terreal est passé sous le pavillon autrichien du groupe Wienerberger (216 sites de production dans vingt-huit pays). Le rachat, annoncé en 2022, devait être validé par des autorités de la concurrence en Europe. La transaction concerne 28 usines en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne et aux États-Unis. Environ 3 000 salariés de Terreal rejoignent Wienerberger. « Ils vont activement contribuer à façonner le futur du secteur de la construction », se félicite Heimo Scheuch, le patron du groupe autrichien. « Cette étape renforce la position de Wienerberger en tant que principal fournisseur de solutions innovantes de toiture […] en Europe et en Amérique du Nord », poursuit-il, en évoquant notamment le marché des panneaux photovoltaïques. Wienerberger a trouvé un chiffre d’affaires de 4,2 milliards d’euros en 2023.