Comment s’est soldée l’année 2020 marquée par la crise sanitaire ?
L’entreprise a fait montre d’une vraie résilience. Wienerberger France a limité le recul de chiffre d’affaires à 2 %, pour atteindre un total de 183 millions d’euros (pour un effectif de 790 collaborateurs). De même, au niveau groupe, le chiffre d’affaires n’enregistre qu’une légère baisse de 3 % (à 3,4 milliards d’euros) et de 5 % de la profitabilité avec 566 millions d’euros d’Ebitda à périmètre constant. Ces chiffres résultent exclusivement de l’effet du premier confinement, durant lequel nous avons toutefois maintenu les livraisons. En France, nous avons bénéficié d’une reprise dès la mi-mai et nous avons orienté tous nos efforts pour assurer l’approvisionnement des chantiers. Le marché de la couverture et donc celui des tuiles en terre cuite s’est très bien porté en 2020, celui des murs en brique terre cuite a bien résisté. C’est l’activité façades (briques de parement) qui a été la plus affectée, du fait des contraintes sanitaires plus marquées qui ont concerné la reprise de ce type de travaux.
Les tendances de marché qui s’installent davantage dans la durée suscitent-elles des points d’inquiétude pour vos activités ?
En couverture, les fondamentaux sont très porteurs, car ils sont portés par la rénovation qui représente environ 70 % du marché et de nos propres débouchés. En structure, pour les briques terre cuite, nous intervenons en très grande majorité dans le neuf et là, effectivement, nous avons des points de vigilance, bien connus de tous : baisse du nombre de logements commencés et autorisés, critères durcis d’octroi des crédits bancaires aux particuliers, pression foncière, perspectives de zéro artificialisation nette. Ils ne se sont pas ressentis sur nos bilans l’an dernier mais nous devons surveiller et anticiper de potentielles difficultés à moyen terme. Nous y réagissons par nos atouts que sont la proximité avec nos clients, des gammes larges de produits et l’avant-garde sur l’innovation qui forme l’ADN de Wienerberger, l’inventeur du mono-mur, entre autres.
« Je vois dans la flambée observée des cours, un message pour susciter le retour à davantage de souveraineté industrielle »La flambée des prix des matériaux atteint-elle Wienerberger France ?
De manière incidente, non pas directement : le bois pour les palettes, le plastique pour les housses d’emballage, le polyuréthane pour les isolants intégrés à nos produits de sarking (isolation toiture) ou les matières textiles des écrans de sous-toiture. Sur le cœur d’activité, tel n’est pas le cas… car nous maîtrisons la matière première : la terre cuite issue de l’argile est produite localement, au plus près de nos usines. Plus encore dans le contexte du moment, nous nous félicitions de cette proximité et je vois dans la flambée observée des cours, ceux du bois ou de l’acier entre autres, un message pour susciter le retour à davantage de souveraineté industrielle, française ou en tout cas européenne. Que constate-t-on en effet, sinon que c’est la matière importée d’origines lointaines dont les prix explosent. Tirons-en collectivement les leçons de bon sens.
Quelles sont vos priorités en matière de préservation de l’environnement ?
Elles sont nombreuses ! Premier point : l’énergie. Le groupe Wienerberger a fixé une trajectoire claire : atteindre la neutralité carbone en 2050 avec une étape majeure en cours qui consiste à réduire nos émissions de CO2 de 15 % en 2023 par rapport à 2020, au moyen d’une enveloppe d’investissements de 180 millions d’euros sur trois ans au niveau du groupe. C’est un challenge passionnant ! En France, nous avons déjà baissé les émissions de 30 % en trente ans, depuis 1990. Mais nous intensifions également nos efforts. Sur le process, cela consiste à augmenter la part du biogaz par rapport à un gaz d’origine fossile, ainsi que celle de la biomasse. Le choix d’argiles moins " riches " en calcaire diminue aussi les émissions de CO2. Et nous investissons pour améliorer le traitement des fumées, avec par exemple 1 million d’euros en cours sur ce sujet dans l’usine d’Achenheim (Bas-Rhin).
Par ailleurs, nos produits évoluent constamment, notamment selon l’objectif d’optimiser leur masse, à performance thermique et mécanique constantes, à l’instar de notre récent NATURbric fabriquée à Durtal (Maine-et-Loire) pour les marchés de l’ouest de la France.
Concernant notre alimentation en électricité, nous avons obtenu pour l’ensemble des sites français la certification d’une électricité 100 % verte, elle provient de l’hydraulique et de l’éolien.
Nous sommes dans une démarche d’économie circulaire, pour le recyclage en production, par exemple de nos casses sèches de terre cuite. Par ailleurs, plus de 500 000 de nos palettes s’inscrivent dans un circuit de consignation afin de réduire la consommation de bois perdu, ce qui limite d’autant l’impact de la hausse actuelle du cours du matériau vierge.Enfin, sur la biodiversité, toutes nos carrières d’argile en France ont élaboré leur plan de préservation. Nous nous engageons pour les gérer avec le moins d’impact possible, revitaliser les milieux naturels et enrichir la biodiversité avant, durant et après leur exploitation. Les chiffres sont là pour prouver la réalité de notre engagement : nous cumulons 30 hectares de terrains entièrement dédiés aux espèces protégées, et donc non exploités.
Ces efforts se mettent en œuvre dans le cadre d’une organisation révisée en conséquence, puisque nous avons constitué l’an dernier au sein de Wienerberger France une équipe dédiée au développement durable de sept personnes autour de Robert Lacroix. Sa composition est pluridisciplinaire, reflet de notre volonté de prendre en compte le sujet dans toute sa globalité : on y retrouve des ingénieurs process, la direction de la R&D, des spécialistes du financement, des achats et du transport.
« La filière minérale est pénalisée »
Comment votre activité aborde-t-elle le cap de la RE 2020 ?
La terre cuite répond aux exigences de la RE 2020. Celles-ci sont nombreuses mais nous savons et saurons les suivre. La trajectoire dessinée, avec les seuils progressifs, s’avère réaliste pour nos produits. Il subsiste pour nous un point de désaccord, majeur : la méthode de l’analyse du cycle de vie (ACV). Nous désapprouvons le mode dit " dynamique " retenu par la France, qui agit de manière isolée en Europe. Nous ne souhaitons pas la guerre des matériaux mais agir ainsi, c’est les mettre en situation de concurrence inégale, de sorte à porter atteinte à la liberté de choix du consommateur. Nous ne sommes pas contre le bois, mais nous réclamons une égalité de traitement or en l’état, la filière minérale est pénalisée. L’ACV normée européenne doit constituer la seule méthode à retenir. Avec la profession et la filière minérale, nous espérons encore infléchir le cours des décisions. Vis-à-vis de nos clients professionnels et de nos partenaires, nous lançons le 11 mai une série de séances d’informations en digital sur la RE 2020, la " table des experts ", avec des spécialistes représentants de bureaux d’études.
Quels sont vos investissements en cours en France ?
Outre ceux liés à la maîtrise de l’énergie et de l’environnement, le principal se déroule depuis l’an dernier dans notre usine de Flines-lez-Raches (Nord) pour un montant de plus de 4 millions d’euros. Il s’agit d’une adaptation de process afin de lancer une nouvelle gamme de briques et de plaquettes de notre gamme Terca. Rappelons qu’au titre de notre recherche constante d’innovation, nous avons récemment développé, dans la gamme Koramic, la tuile " Ultima TPF " pour les très faibles pentes, de l’ordre de 12 degrés. Et dans la gamme Porotherm, la " Climamur " qui répond aux attentes de confort d’été et d’hiver.
Vous manifestez le fait de rendre l’industrie attrayante. Quelles sont vos principales actions ?
La plus originale est sans conteste notre participation, comme mécène, à " L’Industrie magnifique ", rencontre biennale de l’art et de l’industrie par l’exposition d’œuvres artistiques liées à chaque entreprise participante dans l’espace public à Strasbourg. Cette année du 3 au 13 juin, celle de Patrick Bastardoz magnifiera la brique et la tuile fabriquées dans nos trois usines alsaciennes : " Terre de ciel " inspirée des tours de Babel s’élèvera à 7 mètres et nos salariés à Achenheim ont eu le plaisir de la voir grandir dans nos ateliers avant que son assemblage final ne s’expose à la vue du public, sur la célèbre place Broglie.
Source Le Moniteur par Christian Robischon (Bureau de Strasbourg du Moniteur)