Installée dès 1610, la poterie des Enfants de Boisset à Anduze a calibré ce qu’on appelle aujourd’hui un vase d’Anduze. L’entreprise n’a jamais quitté la famille d’origine.
Au début du XVIIe siècle, la poterie n’est que très peu ornementale. "On ne faisait pas alors de vase traditionnelle", explique Richard Jurquet, qui gère l’entreprise les Enfants de Boisset, dans la plaine de Labahou à Anduze.
Et pour cause, la tradition n’avait pas encore été perpétuée, ni même entamée. "C’était donc une poterie de village, qui fabriquait des briques, des tuiles, ou des carreaux en terre cuite. Bref, des objets pour la vie quotidienne."
"La terre se prêtait aux fabrications de grosses pièces"
L’ancêtre des Enfants de Boisset s’était aussi essayé aux modèles plus grands, en fabriquant des jarres à huile, la particularité locale étant d’y adjoindre, déjà, un pied. "La terre se prêtait aux fabrications de grosses pièces", raisonne Richard Jurquet. La poterie sort aussi de ses ateliers de grandes bassines utilisées pour sécher les cocons dans les filatures.
Surgit alors la "légende" au milieu du récit, selon Richard Jurquet. Une légende peut-être, mais l’inspiration qui a fait naître la tradition des vases est bien issue de quelque chose. "L’histoire dit que c’est de la foire de Beaucaire, où l’on trouvait des vases Médicis et florentins, qu’est venue l’inspiration."
Une histoire contée, sans doute, mais surtout un produit qui se développe dans un environnement favorable : "Le début de la fabrication des vases a correspondu avec l’arrivée de plantes exotiques en France, qu’on souhaitait mettre dans de grands pots."
"On a une terre qui ne craint pas le gel"
L’orangerie de Versailles voit le jour en 1663 et l’idée essaime dans la noblesse française, favorisant la production de grands vases.
"Enfin à Versailles, les orangers étaient dans des caisses en bois, ce qui a créé la polémique : il y en avait qui préféraient la terre cuite, s’amuse Richard Jurquet. Mais les vases étaient moins solides, même s’ils sont plus adaptés aux végétaux." Vers 1750, le vase d’Anduze tel qu’on le connaît aujourd’hui possède ses canons, avec sa guirlande et son écusson.
"Un gros vase comme ceux d’un mètre de haut, ce sont environ 60 kg de terre. Une fois cuit, il fait près de 40 kg. Mais les plus gros peuvent peser jusqu’à 120 kg !"
Pour des durées de vie, variables, mais toujours allongées : "On parle avec des gens qui nous disent qu’ils ont des vases qui datent de 15 ans. En même temps, on trouve régulièrement des amphores qui ont 2 000 ans. La terre cuite est quasi inaltérable, d’autant qu’ici, on a une terre qui ne craint pas le gel. On a des vases qui ont 200 ans. Notre plus vieux, ici, est de 1805, et il est toujours debout."
Des vases expédiés jusqu'aux États-Unis
Si le vase d’Anduze a connu ses lettres de noblesse à Versailles, la clientèle de cette harmonie italo-cévenole provient principalement "de tout le Sud. Les touristes préfèrent des pièces plus petites." Pourtant, toutes les semaines, l’entreprise familiale expédie des vases, jusqu’aux États-Unis.
Parfois, un client critique fait remarquer que la forme du vase n’a pas changé depuis plus de deux cents ans. "Mais on ne va pas changer la tradition !
On fabrique de nouvelles choses à côté, mais on veut garder notre technique de fabrication de la terre vernissée." Histoire qu’elle continue à franchir les générations.
Terre et famille, une histoire liée
Transmission. "Le dernier Boisset, c’est l’arrière-grand-père de ma femme. Pendant des générations, la poterie est passée de père en fils. Depuis quatre générations, c’est de mère en fille." Si Cécile, l’héritière familiale, laisse son mari conter, lui est venu à la poterie par hasard, ou presque : "oi, c’est la fille du potier qui m’intéressait avant la poterie. Ma femme m’a proposé d’y travailler, j’ai juste dit ça me va. J’ai fait une rencontre avec un métier et une famille." Leur fille, Céline, revenue dans l’entreprise, devrait prendre la succession.
Labahou. La boutique cache le premier trésor de la famille, la terre : "Ici, on a de la terre à briques qui contient beaucoup d’impuretés, donc difficile à préparer. Mais c’est une terre très armée, défend Richard Jurquet. Elle sèche très bien et, une fois cuite, elle est très solide." L’atelier s’est rapproché de la carrière, alors que l’artisanat familial possédait un four à Boisset. Désormais, tout est dans la plaine de Labahou. Car "une poterie, c’est un four avec une maison autour."