Pages

04/08/2020

Petits éléments de couverture : la toiture devient multifonctions

Après une année 2019 plutôt stable en termes de ventes, 2020 s’annonce pleine d’interrogations pour les fabricants de tuiles, qui continuent d’innover pour s’adapter aux évolutions du bâtiment.

Tous matériaux confondus, les petits éléments de couverture restent le produit de prédilection pour couvrir les toits de France. Si la terre cuite domine largement le marché, les tuiles de béton (9 %) se rencontrent surtout dans le Nord et l’Est, tandis que les ardoises naturelles, qui couvrent 12 % des toits en pente, se concentrent dans l’Ouest.

La tuile fibres-ciment (5 %) et le shingle (3%) complètent le tableau. La tuile métallique, quasi inexistante en France, présente une longévité et une légèreté qui pourraient séduire, en neuf comme en rénovation ; notamment les tuiles aluminium de Prefa, fabriquées depuis les années 70 en Autriche et en Allemagne.

Bilan environnemental : le nouveau critère clé
Les fabricants majeurs améliorent en continu les caractéristiques techniques de leurs produits, avant tout pour faciliter la pose. Les performances portent aussi sur la durabilité, sur la résistance mécanique et sur le bilan environnemental des produits, qui devient un critère clé, au regard de la future réglementation.

La tendance aux faibles pentes des toits modernes pousse les industriels à travailler sur l’étanchéité entre les joints. Ils jouent sur le recouvrement, la structure de la tuile et sa surface, dont les rainures favorisent le ruissellement.

La mode des toits plats, arrivée par le Finistère et l’Alsace ces 10 dernières années, semble marquer le pas. Quelques soucis d’étanchéité ont eu raison de la nouveauté, qui n’en est plus tout à fait une. Le toit plat ne préoccupe donc plus vraiment les fabricants de petits éléments de couverture.

Focus sur les tendances produits
Un cornet ou un nez plus effilé et des teintes contemporaines, côté design. Et un jeu longitudinal et latéral plus important, pour s’adapter à toutes les pentes et simplifier la pose. Les tuiles continuent d’évoluer dans leur esthétique. Revêtant toutes sortes de formes, teintes et formats, elles s’adaptent aux spécificités régionales, se faisant classiques et discrètes, pour se fondre dans l’existant, en imitant les teintes et la patine des éléments de toiture anciens.

Ou, au contraire, modernisent leur aspect pour gagner les constructions contemporaines, en débordant parfois en façade. Le nuancier de tuiles s’élargit en permanence. Dans les constructions contemporaines, les toits sombres sont plébiscités par les architectes, avec les coloris noir anthracite et gris anthracite, notamment sur les tuiles à pureau plat, qui se développent bien.

A l’opposé, un blanc titane sortira bientôt chez Koramic. Côté tuile béton, BMI-Monier lance au premier semestre 2020 une série de teintes métalliques, à l’effet inédit.

Une grande souplesse de pose
Chez Wienerberger, comme chez les autres fabricants, on modernise certains modèles tout en conservant leurs atouts traditionnels. L’un des objectifs est de faciliter la mise en oeuvre : avec un pureau variable, les coupes sur chantier sont réduites.

De même, une tuile avec un jeu latéral sera ajustée aisément. Mélinda Zivan, directrice marketing Koramic (Wienerberger), évoque les derniers développements : « Dans la catégorie des 12 tuiles /m2 fortement galbées, la Romane 1.2 dispose d’un jeu latéral de 7 mm et d’un pureau variable de 25 mm, ce qui est rare et lui donne un bel atout en rénovation. Le cornet de la tuile s’est aussi effilé, pour moderniser un peu la ligne. »

Tendances marché : étale en 2019, l’activité fluctue en 2020
Les bons chiffres des deux premiers mois de 2020 auguraient d’une année positive, autant dans le neuf qu’en rénovation. Mais la pandémie de Covid-19 a porté un rude coup à l’activité économique, faisant chuter les chiffres d’affaires négociants de 30 % en mars et de 12 % en avril.

Après l’arrêt progressif de la majorité des lignes de production, à partir du 17 mars, les stocks constitués avant le confinement ont permis de répondre à la demande des négoces et à la reprise progressive des chantiers : durant la semaine du 27 avril, les livraisons s’établissaient à environ 65% de leur niveau de la même période en 2019.

Dès le 2 avril, plusieurs lignes de production redémarraient progressivement. « Quelques jours sont nécessaires après l’allumage des fours, avant de sortir les premières tuiles. Notre activité industrielle a repris vers le 10 avril et a retrouvé un rythme normal depuis mi-mai », indique Christophe Bertrand, directeur des ventes affaires et prescription BMI Monier. « Les chantiers de rénovation, avec un seul corps de métier présent à la fois, ont repris les premiers. Dans le neuf, les plus petits chantiers ont rouvert à 40-50 % début mai. Par contre, les gros chantiers de promotion, où beaucoup de monde se croise, devraient reprendre plutôt vers septembre. »

L’absence de transactions immobilières pendant les semaines de confinement et la reprise à petit rythme par la suite font craindre un volume de ventes revu à la baisse sur le reste de l’année et jusqu’en 2021. Le manque de visibilité est particulièrement inconfortable pour les équipes commerciales.

L’interview de l’expert Olivier Lafore, directeur marketing et communication d'Edilians
Comment appréhendez-vous le marché de la tuile ces derniers mois ?


Olivier Lafore : En 2019, le marché de la maison individuelle s’est légèrement redressé et celui de la tuile aurait dû suivre cette tendance. Cependant, il a fini l’année à -3%. La dynamique de 2018 en rénovation, segment qui consomme au moins 60 % des tuiles, s’est largement tassée en 2019. Le faible retrait de la tuile en terre cuite est aussi dû à un transfert de la maison individuelle vers le collectif, plus axé toit plat. Pour autant, la terre cuite ne souffre pas d’un déficit d’image. Ce matériau est traditionnel, naturel et cuit au gaz, avec peu d’émissions de CO2. Il revient même à la mode dans le neuf : les architectes apprécient de jouer sur les formes et les couleurs des éléments et sur les pentes des toits.

Voyez-vous des changements côté mise en oeuvre ?

La couverture est en majorité l’affaire de TPE, dont les carnets de commande sont composés de petits chantiers. De nombreuses interventions viennent en sus de la couverture : isolation, étanchéité, zinguerie, … La surface de tuiles posée est finalement assez faible, d’autant plus sur les toits à faibles pentes, qui sont en vogue.

Zoom sur l’ardoise naturelle, stable dans la durée
Après la forte croissance de la décennie 1990-2000, le marché de l’ardoise de schiste a connu un léger recul, puis s’est stabilisé autour de 200 000 tonnes annuelles, majoritairement en 3,5 mm d’épaisseur. Ce matériau, naturel et d’une longévité sans égal, provient désormais intégralement d’Espagne.

« Ce « rythme de croisière », à 70 % lié à la rénovation, devrait se maintenir. La construction neuve de l’ouest de la France maintient ses volumes, le marché étant guidé par les règles d’urbanisme, la culture locale et les habitudes de pose », note Erwan Galard, Responsable marketing & communication France de Cupa Pizarras, acteur très majoritaire qui commercialise sa propre production.

Béton et ardoise fibre-ciment jouent la carte environnementale
A l’heure où les matériaux naturels ont la cote, l’ardoise fibres-ciment et la tuile béton mettent en avant une « vertu environnementale » qui s’ajoute à leurs qualités esthétiques et techniques et à leur bon rapport qualité-prix. Depuis 3 années consécutives les ventes d’ardoise synthétique remontent en France, notamment en rénovation. En 2019, ce segment représente environ 70 000 tonnes, dont 70 % sont fabriquées près de Rennes par Cedral (le reste se répartissant entre le Belge SVK et le Tchèque Cembrit).

La fibres-ciment affiche une qualité et une esthétique améliorées, tout en étant deux fois plus économique que l’ardoise naturelle. Rectangulaire ou losangée, petit ou grand format, bord droit ou épaufré : l’éventail de possibilités esthétiques s’adapte à toutes les toitures.

L’ardoise fibres-ciment, certifiée Qualité Bâtiment
L’ardoise synthétique revendique aussi de préserver les ressources naturelles et d’être fabriquée avec peu d’énergie et en générant peu de déchets (le mélange fibres -ciment-charge minérale est moulé). Cedral (groupe Etex) regroupe son expertise du fibres-ciment en toitures et façades, en intégrant désormais la gamme d'ardoises Eternit sous sa marque. Ses ardoises sont certifiées QB, un référentiel du CSTB qui prend en compte les qualités intrinsèques du matériau et des données environnementales de sa fabrication.

La tuile béton, solution bas carbone
La tuile béton aligne aussi des bons points par rapport aux enjeux environnementaux. BMI Monier, acteur majeur du domaine, a mené une démarche avec le laboratoire Cerib, pour créer une Fiche de Données Environnementale et Sanitaire (FDES) attestant de la faible empreinte carbone de ses tuiles béton (11,6 kg équivalent CO2 par m2).

La fabrication nécessite peu de transformation et génère peu de déchets. La cuisson du ciment utilise des déchets industriels, les peintures de finition ne rejettent pas de COV et sèchent par évaporation. La tuile béton absorbe du CO2 et le transforme en calcaire et se recycle en granulats en fin de vie. La prochaine évolution est pour bientôt, avec des produits en béton allégé. Déjà commercialisées en Europe du Nord, ces tuiles sont 10 % moins lourdes et leur bilan carbone est meilleur.

Les FDES, une référence bien utile

En tenant compte du cycle de vie du produit, de l’extraction des matières premières à sa fin de vie, sans oublier le transport, la mise en oeuvre et l’usage du produit, elles sont utilisées dans l’expérimentation E+C- et permettent d’anticiper la RE 2020.

Elles aident les professionnels dans leurs choix pour rendre un bâtiment plus durable, moins impactant pour l’environnement et la santé des usagers. La réglementation environnementale, qui fixera les niveaux de performances Energie et Carbone des bâtiments neufs, prend effet à l’été 2021.

Photovoltaïque : ces tuiles qui rendent les toits actifs

Dans la perspective de la RE 2020, la production d’électricité est plus que jamais d’actualité. Les tuiles solaires, 2 à 3 fois plus chères que les panneaux solaires traditionnels, ont un rendement inférieur mais elles sont beaucoup plus discrètes.

En forte croissance depuis 2017, le marché du toit photovoltaïque (+16 % en 2018) reste dominé par les panneaux solaires. La tuile photovoltaïque poursuit son développement centré sur l’autoconsommation des maisons individuelles.

Quelques nouveautés devraient se faire une place sur les toits des futurs bâtiments passifs (les tuiles thermiques et les tuiles hybrides, elles, en sont vraiment au balbutiement en France). En terre cuite, béton ou ardoise, les produits développés depuis 2 000 sont le plus encastrés possibles et clipsés, pour assurer une bonne étanchéité. Esthétique et longévité sont leurs atouts majeurs.


Des tuiles solaires conformes aux exigences des ABF
Les derniers développements de tuiles solaires en terre cuite Edilians témoignent de leur intérêt pour répondre aux exigences futures de la RE 2020. Olivier Lafore, directeur marketing et communication, précise : « Nous commercialiserons pleinement la Rhona Solaire en septembre 2020. Destinée à la région Rhône-Alpes-Côte d’azur, c’est en fait une tuile terre cuite grand format à emboîtement à relief Rhona 10, sur laquelle sont appliquées des cellules photovoltaïques.

Le travail réalisé sur l’emboitement et la forme permet une pose rigoureusement identique à celle de la version terre cuite traditionnelle. Une autre tuile solaire, La HP 10 solaire, sortira à peu près en même temps. Plate, lisse et très contemporaine, elle est adaptée à toutes les architectures du territoire. » Entre-temps, Edilians lancera une tuile solaire retravaillée dans son aspect esthétique, pour répondre aux exigences des ABF.

Offensive américaine en vue
L’Américain Tesla, qui installe son Solar Roof aux Etats-Unis, annonce un retour très positif des propriétaires. Il garantit 25 ans sa tuile composite, adaptée à quasi toutes les pentes de toit. L’industriel annonce de fortes résistances à la grêle, aux vents forts et au feu, y compris sur la version en verre de sa tuile solaire. Et vante la capacité de sa batterie Tesla Powerwall, qui permettrait l’autonomie énergétique d’une maison. Le produit est en cours de classement pour répondre aux normes européennes. Les premières installations en Europe devraient intervenir très prochainement.


Source Batirama.com par Emmanuelle Jeanson


Aucun commentaire: