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21/09/2018

COMMENT FONCTIONNE UN LBO?

Comprenons comment fonctionne un LBO (en anglais leveraged buy-act ; traduire achat à effet de levier). Il existe une multitude d’opérations possibles entrant dans la dénomination LBO mais prenons un cas classique : un groupe industriel de fabrication de matériaux de construction souhaite se séparer d’une de ses divisions en charge de la production de briques. Les raisons peuvent être multiples : réorientation stratégique, besoin de dégager des ressources financières pour d’autres projets, peu de synergies avec le reste du groupe etc.

Notre groupe industriel va donc mandater une banque d’affaires afin de la conseiller dans cette cession. Après avoir étudié la société et le marché, la banque d’affaires va contacter plusieurs acteurs qui pourraient être intéressés par cette société. Ces acteurs peuvent être des concurrents de notre groupe qui souhaiteraient se renforcer sur le secteur de la production de tuiles. Ces acteurs peuvent aussi être ce qui est communément appelé des fonds de LBO.

Qu’est-ce qu’un fonds de LBO aussi appelés « private equity » ? Le terme « fonds » est souvent utilisé à tort dans la presse. Le fonds n’est que le véhicule d’investissement dans lequel des personnes ont placé de l’argent (des banques, des assurances, des personnes fortunées, des mutuelles etc.). Ce véhicule est géré par une société de gestion (KKR, Carlyle, CVC, Blackstone pour ne citer que les plus connus). C’est la société de gestion qui va gérer ce véhicule et réaliser des investissements selon une stratégie définie dans le règlement du fonds.

PLUSIEURS FORMES DE STRATÉGIE D’INVESTISSEMENT

Cette stratégie d’investissement peut prendre plusieurs formes : investissement dans des PME ou des grands groupes, choix d’un secteur ou pas, espérance de rendement variable, type de support (capital ou dette). Le seul dénominateur commun à la stratégie d’investissement des fonds de « private equity » est comme leur nom l’indique d’investir dans des sociétés « privées, c’est-à-dire des sociétés non cotées. Les puristes me diront que ce n’est pas toujours le cas, j’en suis conscient, néanmoins dans l’immense majorité des cas, les investissements se font dans des sociétés non cotées.

Notre banque d’affaires a donc identifié 3 fonds qui pourraient être intéressés par notre division en charge de la production de briques. Elle transmet alors un certain nombre de documents aux sociétés de gestion concernées afin que celles-ci aient une idée un peu plus précise du fonctionnement de la société, des perspectives du marché, du business plan de l’historique financier.

Une de ces sociétés de gestion, nous l’appellerons LBO Investment Managers, est intéressée par la société. Cependant à la différence des concurrents industriels de notre groupe de fabrication de matériaux, le fonds qu’elle gère ne dispose pas d’une montagne de cash sur son bilan.

CONSTITUER UNE HOLDING
LBO IM va donc devoir réfléchir à une façon intelligente d’acquérir la société sans pouvoir mettre autant de cash que ses concurrents. Elle va constituer une société de holding qui se portera acquéreuse des titres. Dans cette holding, le fonds va apporter du cash qui constituera le capital de notre holding. Cependant le montant apporté en capital ne suffit certainement pas pour acheter la société. Il va donc falloir faire appel  à d’autres types de financement. En premier lieu le financement bancaire.

LBO IM va donc appeler différentes banques et leur demander si elles seraient intéressées pour participer à l’acquisition de notre division de fabrication de briques. Les banques disent alors à LBO IM : « cette société est super mais nous ne prêtons pas directement à la société, comment comptez vous donc nous rembourser ? »

LBO IM leur répond alors : la fabrication de briques générera des profits que nous pourrons remonter à la holding sous forme de dividendes. Les dividendes que recevra la holding vous seront alors reversés pour payer les intérêts et le capital. Après plusieurs modélisations, les banques se rendent compte que la fabrication de briques générera suffisamment de profits pour que ceux-ci soient remontés en dividendes et remboursent la dette. Elles donnent alors leur accord pour prêter de l’argent à la holding constituée par LBO IM.

LBO IM peut également faire appel à d’autres types de financement obligataire un peu plus chers que la dette bancaire mais qui ne diluent toujours pas le capital (dette junior).

PROCESSUS D’ENCHÈRES
Ça y est notre fonds a suffisamment d’argent pour acquérir la division de fabrication de briques. À l’issue d’un processus d’enchères, LBO IM s’avère avoir présenté la meilleure offre et devient donc propriétaire de la division de fabrication de briques. Les années passent, le marché de la brique se porte bien et la société cible génère de beaux profits qui permettent de rembourser les intérêts et le capital. En ayant mis moins de capitaux pour acquérir la société cible, le fonds réalise un très beau rendement annuel comme le montre la mini-modélisation.

La société a augmenté son activité, amélioré sa rentabilité et augmenté ses profits. Cela lui donne une valeur plus forte au moment de la revendre quatre ans plus tard. D’autre part, la dette a entièrement été remboursée dans la holding. La société a même du cash sur son compte à hauteur de 25,38€ ce qui améliore sa valeur de revente.

Pour 60€ investis par le fonds et une fois toute la dette remboursée, le rendement annuel ressort à 25,7%/an. Si le fonds avait mis 100% de son investissement en capital, il aurait obtenu un rendement de 10,7%, beaucoup plus faible. L’intérêt de mettre de la dette est donc évident.

EFFET DE LEVIER, EFFET DE MASSUE
Néanmoins si vous avez investi sur le mauvais cheval et que la rentabilité de société se dégrade, votre effet de levier se transforme en effet de massue. Vous devez rembourser votre dette et les intérêts alors que les dividendes sont plus faibles. C’est ce qui est arrivé à Vivarte. Une trop grande part de dette dans le montant de l’acquisition qui rend la société incapable de faire face à ses échéances quelques années après.

Ainsi tout l’enjeu d’une opération à effet de levier est de correctement mesurer le risque pris et donc la quantité de dette que la société pourra supporter. En 2007, les banques prêtaient à tout va, les sociétés de gestion s’imaginaient que les arbres montaient au ciel, les structurations des opérations étaient alors proprement délirantes.

Dans l’imaginaire collectif, l’arrivée au capital d’un fonds de LBO est souvent vue comme quelque chose de catastrophique : la société de gestion va serrer les vis, licencier du personnel etc. D’une part, il semble logique que l’actionnaire d’une société chercher à optimiser l’utilisation des ressources à sa disposition. C’est la logique du profit et il est éminemment souhaitable qu’une entreprise ne gâche pas ses ressources.

Source Contrepoints

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