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19/06/2018

Huit bonnes idées pour construire durable

La smart city devra consommer peu de matières, produire son énergie, isoler mieux et durer longtemps. Les matériaux sont au cœur de ces enjeux.

La transition énergétique étend ses exigences dans la construction. Dans le neuf, le label d’État E+C- crée un nouveau standard de bâtiments à énergie positive et bas carbone. Les matériaux de construction allient l’ingéniosité et l’innovation pour rehausser leurs performances thermiques, offrir des solutions de recharge, chauffer les habitations et les bureaux, avec une empreinte écologique réduite dès leur production. Percées dans des façades en matériaux biosourcés ou recyclés, les ouvertures laissent entrer la lumière (mais pas toujours) et la chaleur (mais pas trop). "L’innovation est présente à tous les étages : dans les enduits de façade, les toitures solaires, mais aussi à l’intérieur avec des peintures qui captent et encapsulent les polluants", décrit Romain Bres, ingénieur matériaux et consultant du cabinet Acies, spécialiste du financement de l’innovation.

"Trois défis accompagnent la reprise économique du BTP : la recyclabilité, les écomatériaux et la maison à énergie positive, qui devra être au cœur du BIM, la maquette numérique qui permet d’anticiper la bonne cohésion du projet sur toutes ces questions", ajoute Romain Bres. En jouant du biomimétisme, la R & D des matériaux copie la nature soit pour ses propriétés mécaniques, comme une canopée offrant ombrage et lumière, soit pour ses propriétés physico-chimiques, avec des revêtements aussi multifonctionnels que la peau qui protègent, soutiennent, isolent tout en permettant la circulation d’informations. Du parking au toit, L’Usine Nouvelle a exploré huit familles de matériaux innovants pour des villes durables.

1 - Des murs bas carbone

Ecocem produit du ciment à base de laitier, un coproduit des hauts fourneaux qui remplace le très énergivore clinker. L’entreprise irlandaise inaugure le 14 juin un second site en France, près de l’usine ArcelorMittal de Dunkerque (Nord), portant sa capacité de production à 1,4 million de tonnes. En avril, l’aciériste a porté sa part au capital d’Ecocem de 30 à 49%. Un partenariat vertueux qui intervient entre deux cancres du climat : le ciment est le deuxième émetteur industriel de gaz à effet de serre, derrière la sidérurgie. Les bétons aussi font leur mue, en recourant au chanvre ou au lin pour réduire leur empreinte carbone. Et pour ployer sans rompre, le Superhydrophobic engineered cementitious composite (SECC) – ou béton centenaire – développé à l’Université du Wisconsin, intègre des fibres d’alcool polyvinylique qui facilitent l’évacuation de l’eau et augmentent de 200 fois sa ductilité. Bostik (groupe Arkema) mise sur les finitions. Le groupe a développé une résine pour peinture de toit qui réduit de 15% le coût de climatisation et un enduit de lissage pour les murs intérieurs qui diminue de 15% la déperdition de chaleur.

2 - Des murs dépolluants

Depuis la prise de conscience des effets des composés organiques volatils (COV) – les formaldéhydes et autres – sur la santé, plusieurs produits de finition visant à réduire leur dispersion dans l’air sont apparus. Les vernis et peintures dépolluants recourent à deux techniques différentes : la captation chimique (qui piège et retient les COV par adsorption) et la photocatalyse (qui les détruit). Mais l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur a montré les limites de ces produits. Les matériaux photoactifs (additionnés de dioxyde de titane) se révèlent peu efficaces, voire nocifs lorsqu’ils finissent par se dégrader. Les peintures qui encapsulent les COV, plus récentes, peinent aussi à prouver leur efficacité en conditions réelles, selon l’UFC-Que Choisir. Les professionnels de la construction écologique leur préfèrent les peintures écosourcées, sans solvants ni dérivés pétroliers, dont la résistance aux conditions extérieures reste toutefois limitée.

3 - Une toiture solaire


Tesla a lancé, début 2018, la production de tuiles et ardoises solaires dans son usine de Buffalo (État de New York). Pas en reste, Imerys Toitures (vendu récemment) et Luxol proposent en France des tuiles solaires intégrées dans le châssis, qui ressemblent plus à des mini-panneaux photovoltaïques. L’italien Dyaqua a opté, à l’inverse, pour un modèle imitant des tuiles traditionnelles en terre cuite, destiné aux centres historiques et bâtiments classés. Bien que moins exposés, les murs aussi sont concernés. La britannique Build Solar a conçu des briques de verre équipées de cellules photovoltaïques, pour valoriser la lumière qu’elles laissent passer. D’autres solutions de production et de réduction de la consommation d’énergie sont rassemblées dans le projet Comepos (Conception et construction optimisées de maisons à énergie positive), coordonné par le CEA Liten.

4 - Des routes pleines d’énergie

Dotée d’un échangeur de chaleur, la Power Road d’Eurovia (groupe Vinci) capte la chaleur du soleil pour l’utiliser directement – pour le déneigement de pistes d’aéroports par exemple – ou pour chauffer ou rafraîchir les bâtiments environnants. En ville, le captage de chaleur en surface permet de refroidir les chaussées en été et peut ainsi contribuer à résorber l’effet îlot de chaleur. L’équivalent de deux places de parking, soit 25 m² équipés, suffit à chauffer un logement de 70 m. De quoi concurrencer Colas (groupe Bouygues) et sa route solaire Wattway, déjà testée sur une vingtaine de sites en France et à l’international et qui pourrait être commercialisée courant 2019.

5 - Un recyclage in situ


Le BTP produit les trois quarts des déchets annuels en France. Pour les recycler à 70 % d’ici à 2020, comme l’exige une directive européenne, les solutions de recyclage in situ de ces déchets massifs se multiplient, et exigent d’innover sur la formulation des matériaux recyclés. C’est avec cet objectif qu’Eurovia s’apprête à présenter fin juin une route 100 % recyclée in situ. Des mini-usines au plus près des chantiers, c’est aussi le credo d’Etnisi. Cette start-up de Marcq-en-Barœul, près de Lille (Nord), recycle dans du carrelage des déchets ultimes. Son fondateur, Espérance Fenzy, a testé des matériaux inattendus – rebuts de démolition, de décharge, mais aussi marc de café, balles de tennis ou coques de moules de la braderie de Lille.

6 - Des matières autocicatrisantes

De multiples laboratoires développent des matériaux autoréparables. Dans le béton, c’est un champignon qui sécrète des minéraux qui comblent les fissures. Dans le verre, des chercheurs japonais ont observé la reconstitution à température ambiante d’un polymère vitreux utilisé dans les smartphones. Et chargé de nanoparticules d’oxydes de fer, le bitume peut être réparé au passage d’un véhicule de chantier capable de lui appliquer un champ électromagnétique. Presque tous en restent au stade de la recherche. Arkema, dont l’intérêt pour les matériaux innovants s’est renforcé avec le rachat de Bostik (adhésifs et mastics) en 2015, a dû revoir la formulation de ses élastomères autocicatrisants lancés sous la marque Reverlink.

7 - Un bilan carbone négatif


La mission des isolants modernes est d’économiser plus de carbone qu’ils n’en émettent sur la totalité de leur cycle de vie. Dans cette famille, on retrouve plusieurs structures sandwich contenant des aérogels, certains trois fois plus efficaces que la laine de verre. Spin-off du groupe chimique PCAS, Enersens est l’un des leaders mondiaux des superisolants. La pépite de Bourgoin-Jallieu (Isère) produit un aérogel de silice parmi les isolants les plus efficaces du marché, que Parex Group intègre dans ses mortiers. L’enjeu est énorme : au cours des quarante prochaines années, nous devrions construire dans le monde quelque 230 milliards de mètres carrés, soit l’équivalent de la vile de Paris chaque semaine. Or les émissions carbone du secteur ont augmenté de presque 1 % par an entre 2010 et 2016.

8 - Du verre hyperactif

Saint-Gobain et Riou Glass se sont spécialisés dans les verres aux multiples propriétés : isolants, chauffants, ultrarésistants ou anti-éblouissement. Le siège de l’Inpi à Courbevoie, le Café Kube à Paris, le Lambeth civic centre à Londres… Ces bâtiments qui collectionnent les certifications environnementales ont choisi le verre SageGlass de Saint-Gobain. Ce vitrage électrochrome se teinte ou s’éclaircit automatiquement ou à la demande grâce à une impulsion électrique, pour optimiser la quantité de lumière et de chaleur tout en préservant la vue. Outre le gain sur le chauffage, la climatisation et l’éclairage, sans store ni volet, "de nombreuses études démontrent qu’une vue sur l’extérieur et une exposition aux variations de la lumière naturelle amélioraient la productivité et la santé", rappelle Armand Ajdari, le directeur R & D et innovation chez Saint-Gobain, et ce, en préservant le cycle circadien des élèves d’une école, des malades d’un hôpital ou des employés d’un bureau. Le groupe innove encore, avec des verres contenant des couches transparentes permettant de laisser entrer plus ou moins la chaleur. Des recherches qui devraient aussi servir l’autonomie des véhicules électriques, en réduisant les besoins de climatisation et de chauffage.

Source L'Usine Nouvelle

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