« La matière garde une part de mystère », confie Marie Anne Bruneaux* en évoquant le comportement des argiles à la base de la fabrication des produits terre cuite.
Visite guidée des équipements du CTMNC.
Le CTMNC ou Centre technique de matériaux naturels de construction, opère un travail capital sur la caractérisation de la matière première (argiles) et des phénomènes liés au façonnage, au séchage et à la cuisson des produits terre cuite.
Comment expliquer par exemple la perte de masse et les variations dimensionnelles d’un produit, après une cuisson ? C’est ce que va nous expliquer la responsable technique des laboratoires du CTMNC au cours de la visite.
La terre cuite, un matériau renouvelable ?
Deux laboratoires permettent au CTMNC de caractériser les mélanges argileux issus des carrières d’exploitation ou d’autres gisements. Certains produits d’érosion pourraient, en effet, être utilisés comme des argiles et matières premières entrant dans la composition des produits en terre cuite (voir article sur batirama).
« L’enjeu pour la filière est capital puisqu’elle pourrait bénéficier d’une étiquette “matériaux renouvelables”, précise Marie Anne Bruneaux, manager du service céramique du CTMNC.
De l’argile à l’extrusion du produit
La palette de couleurs de la matière première est très large : rouge, grise, brune, blanc verdâtre… selon les gisements d’argiles. Le mélange dans un malaxeur avec ajout d’eau assure l’obtention d’une pâte propre à être extrudée.
L’ajout d’additifs pourra le cas échéant améliorer les performances du produit. L’extrusion sous vide, à travers une filière (il en existe de nombreuses sortes), donnera la forme définitive aux éprouvettes qui serviront à tester les propriétés du tesson (appellation de l’argile cuite).
Une fois extrudé, l’échantillon sèche naturellement ou alors de façon accélérée dans un séchoir expérimental, capable de reproduire le gradient de température et d’humidité typique des installations industrielles. Un air de plus en plus sec et chaud sera diffusé au fur et à mesure : 3 à 6 heures en accéléré au laboratoire seront alors nécessaires.
Il existe de nombreuses sortes de filières : elles permettent d’extruder le produit sous vide qui en séchant formera un tesson dont les propriétés seront testées
Une cuisson au four
Une argile cuite au four donnera une couleur et un aspect de surface variable en fonction de la température choisie (800 à 1150°C). Les caractéristiques physiques (retrait -diminution de la longueur du produit-absorption d’eau, perte de masse, porosité, résistance mécanique) dépendent, entre autres, de la température de cuisson.
« A l’échelle industrielle, les fabricants doivent gérer de grands fours où l’empilement des produits terre cuite génère automatiquement de petites variations de températures selon l’emplacement des produits.
Certaines argiles peuvent être sensibles à de petits écarts de température » indique Marie Anne Bruneaux. D’où la mission du centre technique qui consiste à déterminer pour les argiles la gamme de température (palier de cuisson) sur laquelle les caractéristiques du tesson restent constantes.
Un travail indispensable notamment lorsque les industriels souhaitent développer une nouvelle usine proche d’un gisement d’argile encore inconnu.
Une argile cuite au four donnera une couleur et un aspect de surface variable en fonction de la température choisie (800 à 1150°C).
Distribution granulométrique
Pour caractériser l’argile, il va falloir observer la répartition granulométrique des particules de matière, d’abord par tamisage (jusqu’à 40µm), puis à l’aide d’un sédigraphe RX (jusqu’à 2,5µm).
Ici, on observe. En effet, c’est l’empilement des grains, via une répartition équilibrée des différentes tailles, qui donnera sa densité au produit final. Ainsi, les grains de sable, appelés “dégraissants”, inertes à la cuisson et de plus grosse taille que les particules d’argile, permettent de limiter les variations dimensionnelles pendant le séchage et la cuisson.
Le sedigraph permet d’observer la répartition granulométrique des particules jusqu’à 2,5µm
Porosimètre au mercure
Le laboratoire est également équipé d’un porosimètre mercure, qui permet de connaître la répartition en taille des pores du matériau. C’est grâce à cet appareil qu’un critère de sensibilité au gel des tuiles avait pu être développé il y a plusieurs années par le CTMNC.
« C’est un problème qui a été réglé depuis longtemps maintenant grâce à l’amélioration des processus de fabrication », indique Marie Anne Bruneaux.
Le CTMNC est très impliqué dans les recherches portant sur l’amélioration de la résistance thermique des produits terre cuite. Même si elles ne sont pas encore bien connues du grand public, ces valeurs sont des arguments incontournables pour convaincre les maîtres d’œuvre ou d’ouvrage, des performances thermiques de leurs projets.
La résistance thermique : un sujet de R&D
« La résistance thermique des briques terre cuite a été multipliée par trois en 15 ans, passant de moins de 0,5 m2.K.W à 1,5 m2.K.W à épaisseur constante », indique Hervé Pétard, secrétaire général de la FFTB.
Alors quelles sont les pistes d’amélioration qui restent à explorer par le Centre technique ? « Elles reposent par exemple sur la préparation des terres, avec la composition des argiles mais également les porosants qui vont venir augmenter le pouvoir isolant de la terre cuite.
De plus, la géométrie des produits a un rôle complémentaire : le dessin des alvéoles permet de rallonger le chemin à parcourir par les flux thermiques et donc d’améliorer les performances thermiques », révèle Marie Anne Bruneaux.
Le CTMNC est accrédité Cofrac pour mesurer la conductivité thermique du tesson constituant les parois des briques, qui sert ensuite de donnée d’entrée au calcul de la résistance thermique du mur par le service Produits et Ouvrages. Cette mesure est à la base de l’option thermique de la Marque NF des briques de terre cuite.
Cet outil permet de faire des mesures de précision de la conductivité thermique des tessons de brique
La soufflerie Mobydick se développe
La soufflerie, constituée de deux énormes ventilateurs montés en parallèle, teste les tuiles sous toutes les conditions (ou presque) : vent, pluie avec aspersion et ruissellement. Toutes les nouvelles tuiles de marque NF, avec option faible pente, subissent ce test.
« Les activités de la soufflerie ne se limitent pas aux tuiles de terre cuite, puisque d’autres produits de couverture, tels que l’acier, le bitume et les panneaux photovoltaïques sont également testés dans la soufflerie Moby Dick 2 », conclut la responsable
Les tuiles des fabricants sont testées sous toutes les conditions dans cette soufflerie.
Essais des produits
Les produits terre cuite fabriqués par les industriels sous marque NF sont prélevés sur site lors des audits annuels pour être testés au CTMNC. Ainsi par exemple les tuiles font l’objet de tests d’imperméabilité, de résistance au gel/dégel et de tests de résistance mécanique.
Ces contrôles imposés par les certifications sont gages de la qualité et de la performance des produits. En ce qui concerne les briques, le centre testera la résistance à la compression, au gel/dégel, et la dilatation à l’humidité. De plus, les briques bénéficiant de l’option sismique de la Marque NF, subiront des essais de compression spécifiques.
* Centre technique de matériaux naturels de construction * manager du service céramique du CTMNC
Source : batirama.com par Fabienne Leroy
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