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04/09/2012

Pouilly-en-Auxois : un siècle au fil des tuiles


Avec les orages d’été et les inquiétudes qu’ils suscitent sur la pérennité des toitures, retour sur les antiques tuileries de Pouilly-en-Auxois.

Avec le concours de Jean-François Bligny, président de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, l’occasion est offerte de se pencher sur les tuileries de Pouilly et, ainsi, de parcourir l’Histoire.

Jusqu’au milieu du XIX e siècle, l’habitat rural en Auxois n’utilisait pas la tuile. La couverture traditionnelle était la lave, le chaume ou bien encore l’association des deux. Le seul usage de la céramique de bâtiment était alors les carrelages de sol réservés aux greniers pour les céréales.

Sous l’Ancien Régime, les tuileries ne pouvaient appartenir qu’à la noblesse ou au ­clergé. Les beaux carreaux vernissés du château de ­Châteauneuf sont issus apparemment d’une tuilerie près de Cîteaux. « De petites ­tuileries (Dilhan, Grignard) existaient à Pouilly mais l’expansion de la tuile est avant tout dû à l’apparition concomitante en Auxois de deux nouveautés : le canal de Bourgogne (1833) et la tuile mécanique inventée par ­Gilardoni en 1840 », explique Jean-François Bligny.
Premier site industriel pollien

La grande tuilerie de Pouilly a été construite en 1856. Vingt ans plus tard, M. Drouhin, son propriétaire, demande l’autorisation d’installer une ligne de chemin de fer industrielle entre son usine et ses carrières, le long du chemin Regnard, cette petite route à sens unique qui va de la route de Semur à l’extrémité du port. « La terre, argile marneuse peu calcaire, ­convenant parfaitement comme matière première pour les tuiles et briques, était à l’origine extraite à l’emplacement de la salle de sports, ce qui explique le niveau du parking de celle-ci », souligne le spécialiste.

L’usine était proche du port à la fois pour recevoir le charbon et expédier les produits. La couche de terre de qualité n’excédant pas dix mètres, la carrière doit se déplacer le long de la route de Bellenot. Les chemins de l’époque n’étant ni goudronnés ni même empierrés correctement, les étroites roues de fer des chariots y creusaient rapidement des ornières et des fondrières ; la circulation devenait impossible en hiver.

Une petite voie de chemin de fer permettait de faire rouler des wagonnets sans cahot par tous les temps. Des rails légers sur des traverses métalliques, à l’écartement de 60 cm formaient ce qu’on appelait de la voie Decauville, du nom de son constructeur.

« À Pouilly, les rails et les wagons provenaient des usines Pétolat de Dijon. Quand la ligne Épinac-Les Laumes et la gare de Pouilly sont ­construites, en 1890, on aménage un croisement sommaire sur le passage à niveau côté Bellenot. Au-delà, la ligne de la tuilerie se divisait en deux branches, l’une revenant à la carrière “salle de sport” et l’autre, longeant le grand chemin de fer, montait à la carrière de Bellenot », précise Jean-François Bligny.

Quelques années après, seule cette dernière direction subsiste. Plusieurs fois par jour, une jument tirait quelques wagonnets. Ceci fonctionne jusque dans les ­années 1950, quand la tuilerie achète un camion tout- terrain de l’armée américaine. La carrière passe alors de l’autre côté de la route. La voie disparaît, suivie de peu par la tuilerie.
Un labeur harassant

Le travail aux fours était très dur. Le dénommé Rabian (père d’Émile de Créancey) était enfourneur, emploi délicat pour bien disposer les tuiles et briques. Il se souvenait avoir travaillé 490 jours consécutifs en 1946. « Rythmant la vie de Pouilly, une sirène retentissait aux changements de poste, et lorsque l’on l’entendait distinctement, la tuilerie, à l’ouest du bourg, c’était signe de pluie », ­conclut le président de la société des sciences historiques et naturelles de Semur.
Source Le Bien Public

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