Avec les orages d’été et les inquiétudes qu’ils suscitent
sur la pérennité des toitures, retour sur les antiques tuileries de
Pouilly-en-Auxois.
Avec le concours de Jean-François Bligny, président de la
Société des sciences historiques et naturelles de Semur, l’occasion est offerte
de se pencher sur les tuileries de Pouilly et, ainsi, de parcourir l’Histoire.
Jusqu’au milieu du XIX e siècle, l’habitat rural en Auxois
n’utilisait pas la tuile. La couverture traditionnelle était la lave, le chaume
ou bien encore l’association des deux. Le seul usage de la céramique de
bâtiment était alors les carrelages de sol réservés aux greniers pour les
céréales.
Sous l’Ancien Régime, les tuileries ne pouvaient appartenir
qu’à la noblesse ou au clergé. Les beaux carreaux vernissés du château de
Châteauneuf sont issus apparemment d’une tuilerie près de Cîteaux. « De
petites tuileries (Dilhan, Grignard) existaient à Pouilly mais l’expansion de
la tuile est avant tout dû à l’apparition concomitante en Auxois de deux
nouveautés : le canal de Bourgogne (1833) et la tuile mécanique inventée par
Gilardoni en 1840 », explique Jean-François Bligny.
Premier site industriel pollien
La grande tuilerie de Pouilly a été construite en 1856.
Vingt ans plus tard, M. Drouhin, son propriétaire, demande l’autorisation
d’installer une ligne de chemin de fer industrielle entre son usine et ses
carrières, le long du chemin Regnard, cette petite route à sens unique qui va
de la route de Semur à l’extrémité du port. « La terre, argile marneuse peu
calcaire, convenant parfaitement comme matière première pour les tuiles et
briques, était à l’origine extraite à l’emplacement de la salle de sports, ce
qui explique le niveau du parking de celle-ci », souligne le spécialiste.
L’usine était proche du port à la fois pour recevoir le
charbon et expédier les produits. La couche de terre de qualité n’excédant pas
dix mètres, la carrière doit se déplacer le long de la route de Bellenot. Les
chemins de l’époque n’étant ni goudronnés ni même empierrés correctement, les
étroites roues de fer des chariots y creusaient rapidement des ornières et des
fondrières ; la circulation devenait impossible en hiver.
Une petite voie de chemin de fer permettait de faire rouler
des wagonnets sans cahot par tous les temps. Des rails légers sur des traverses
métalliques, à l’écartement de 60 cm formaient ce qu’on appelait de la voie
Decauville, du nom de son constructeur.
« À Pouilly, les rails et les wagons provenaient des usines
Pétolat de Dijon. Quand la ligne Épinac-Les Laumes et la gare de Pouilly sont
construites, en 1890, on aménage un croisement sommaire sur le passage à
niveau côté Bellenot. Au-delà, la ligne de la tuilerie se divisait en deux
branches, l’une revenant à la carrière “salle de sport” et l’autre, longeant le
grand chemin de fer, montait à la carrière de Bellenot », précise Jean-François
Bligny.
Quelques années après, seule cette dernière direction
subsiste. Plusieurs fois par jour, une jument tirait quelques wagonnets. Ceci
fonctionne jusque dans les années 1950, quand la tuilerie achète un camion
tout- terrain de l’armée américaine. La carrière passe alors de l’autre côté de
la route. La voie disparaît, suivie de peu par la tuilerie.
Un labeur harassant
Le travail aux fours était très dur. Le dénommé Rabian (père
d’Émile de Créancey) était enfourneur, emploi délicat pour bien disposer les
tuiles et briques. Il se souvenait avoir travaillé 490 jours consécutifs en
1946. « Rythmant la vie de Pouilly, une sirène retentissait aux changements de
poste, et lorsque l’on l’entendait distinctement, la tuilerie, à l’ouest du
bourg, c’était signe de pluie », conclut le président de la société des
sciences historiques et naturelles de Semur.
Source
Le Bien Public
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