« On fait du neuf qui fait vieux », s'esclaffe Édith Royer.
Avec son mari, à la tête de l'emblématique tuilerie de Soulaines-Dhuys, ils
s'emploient à façonner, créer, couper, tailler et cuire tuiles, carreaux et
briques. À la mode d'autrefois. Autrefois, quand la tuilerie fonctionnait déjà
à plein régime. À l'époque, il y a un siècle, la région ne comptait pas moins
de 110 tuileries. Aujourd'hui, les Royer se partagent le marché avec la poterie
Drouilly d'Armance. Pour les Royer, propriétaires et exploitants de la tuilerie
depuis cinq générations, le marché couvre un large panel de clients. Du
particulier à l'architecte en passant par le couvreur et les Monuments
historiques. Parce que faire du neuf qui fait vieux, ça peut rapporter gros. En
termes de notoriété plus qu'en termes d'espèces sonnantes et trébuchantes.
Cuisson à 1 000 °C
Leur palmarès compte déjà, entre autres, les antéfixes
gallo-romaines du baptistère Saint-Joseph de Poitiers, les pots creux du
pavillon des filtres à Versailles, les carreaux médiévaux vendus à l'abbaye de
Fontenay et bientôt la faîtière de la future Maison du tourisme à Troyes.
Véritables garants de la méthode traditionnelle de
fabrication, les Royer exposent ainsi les derniers vestiges d'un art bientôt
perdu. S'ils possèdent l'un des derniers fours à bois encore en activité, ils
ne l'utilisent que tous les deux mois. Et pour cause : d'une capacité de 80 t,
soit 100 m3 de tuiles, carreaux, briques et autres poteries, le four nécessite
plusieurs jours de remplissage.
Une fois les deux ouvertures scellées, avec des briques, un
feu est allumé quotidiennement, pendant quatre jours, pour commencer la cuisson
et finir le séchage des produits. Au bout des quatre jours, un autre feu prend
le relais, celui-ci veillé nuit et jour pendant cinq jours. Une fois la
température de 1 000 °C atteinte, la terre devient solide et les produits
prennent une couleur rouge, due à l'oxyde de fer.
Mais avant la cuisson, c'est lors de la fabrication que les
méthodes ancestrales sont également employées. Après l'extraction des 400 t
d'argile de leur propre carrière, non loin de Soulaines-Dhuys, la terre est
placée dans l'entonnoir de la mouleuse et donc moulée à la forme désirée.
Les machines, tout comme les ateliers, semblent tout droit
sortis du début du siècle dernier. Le séchoir donne la même impression :
pénombre et poussière au milieu desquelles s'entassent, face contre face, afin
que les sels minéraux ne remontent pas à la surface, des milliers de tuiles.
Plates, kanales, faîtières : toutes les tuiles passent ensuite à la presse ou
sont rebattues à la main. Débute alors le long cycle du séchage. « Pour
respecter le cycle naturel de la terre », s'émeut l'épouse Royer.
Labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant depuis le 21 mars
2008, la tuilerie-poterie Royer n'exclut pas de se montrer sous un nouveau jour
et d'élargir sa gamme le temps d'une collaboration originale. Contactés par des
jeunes designers, c'est naturellement attirés par le challenge et l'opportunité
d'offrir une tribune et une vitrine à de jeunes artistes que les époux Royer
ont accepté leur proposition.
Objectif : détourner des poteries et en faire des objets du
quotidien. Résultat : une brique transformée en pot à crayons ou encore un mur
transformé en graff géant avec la caricature de Jean-Louis Royer ! Tous les
coups sont permis !
Bio : S'ils se sont rencontrés sur les bancs de l'école de
céramique, les Royer se sont séparés (géographiquement) momentanément le temps
pour Jean-Louis de revenir travailler avec son père. Quelques mois plus tard,
sa femme le rejoint, ils reprennent l'activité, la pérennisent et aménagent une
salle d'exposition et un atelier poterie en 1999. De stages pour particuliers
en centres aérés, les visiteurs peuvent ainsi découvrir les tenants et les
aboutissants de l'art de la poterie.
Pratique
Tuilerie-poterie Royer
8 route de Joinville, Soulaines-Dhuys
Tél. 03 25 92 75 06/ 06 88 71 92 94
Source
L’Est Eclair
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