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27/10/2007

Le bâtiment et les transports au coeur du Grenelle de l'Environnement

"Une révolution sur les bâtiments neufs publics, qui devront passer à une norme de 50 kWh/m2/an ou devenir à énergie positive, contre 260 aujourd'hui": Jean-Louis Borloo, Ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables ne cachait pas sa satisfaction en sortant d'une matinée de travail consacrée à la première table ronde du Grenelle de l'Environnement sur le changement climatique. Au cœur des discussions, le bâtiment et les transports auxquels plus d'une heure a été consacrée chaque fois, mais aussi l'énergie.

Ce premier round de travail a été ouvert par François Fillon, en présence d'une brochette de ministres concernés par les thèmes évoqués, aux côtés de Jean-Louis Borloo et de la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Nathalie Kociusko-Morizet. Le Premier Ministre aurait indiqué que ce qui était arrêté lors de ces deux jours engageait le gouvernement, selon des sources convergentes. Le Président de la République doit clôturer les réunions, jeudi à 16 heures. Mais on attend de lui des arbitrages sur des points très difficiles comme le nucléaire.
Les participants auraient conservé pour le bâtiment neuf des objectifs très ambitieux: 50 kWh/m2 en 2010 pour les bâtiments publics, les bureaux et tertiaire; pour les logements individuels et collectifs neufs la cadence est la suivante: THPE (- 20%) en 2010, BBC (Basse consommation, 50 kWh/m2/an) en 2012 et énergie positive en 2020.
Dans le parc non-résidentiel existant publics, un "objectif de performance adapté" est retenu pour 2015. A cette date, aussi devront être effectués les travaux d'adaptation aux handicapés. "Au total, les bâtiments publics de l'Etat, des régions et des administrations – soit 360 millions de m2 – feront l'objet d'un audit énergétique en 2008 et devront se mettre aux normes entre 3 et 5 ans", s'est félicité Jean-Louis Borloo. Il a cité en exemple son ministère où un programme de travaux de 400 000 euros va être mené par Schneider pour ramener la consommation de 240 kWh/m2 à 50. Pour le logement existant, le gouvernement se donne un peu plus de temps puisque l'objectif retenu serait de 80 kWh/m2 en 2020 selon un participant. Toutefois, le relevé de conclusions ne cite pas de date, sauf pour les logements dits "passoires" (2012) et parle de "mise à l'étude d'une obligation de rénovation, distinguant propriétaires occupants et locataires", avec un objectif de performance de l'ordre de B ou C sur l'échelle des diagnostics de performance énergétique (soit 51 à 150 kWh/m2).
Enfin, un texte de loi va être déposé pour lutter contre l'étalement urbain, a assuré le ministre d'Etat
Selon Jean-Louis Borloo, ce programme se traduirait par un besoin de 180.000 emplois par an dans le bâtiment pendant la période, dont 100.000 jeunes à former. Un groupe de travail sera consacré à la formation compte tenu des besoins "massifs" et "urgents" dans le bâtiment. Un autre groupe de travail sera consacré au financement de ces mesures: prêts bonifiés (dont éventuellement le prêt à 0%) pour que "le remboursement ne dépasse pas l'économie d'énergie induite par les investissements".
Lors d'une intervention, Christine Boutin s'est inquiété de la compatibilité de ce programme avec la nécessité de construire 500.000 logements. Martin Hirsch, Commissaire aux solidarités actives, s'est inquiété aussi du risque de fracture énergétique et du sort réservé aux ménages les plus pauvres, vivant dans des logements souvent de mauvaise qualité.

La route malmenée
Côté transports, même si un certain flou subsiste quant à la portée des mesures annoncées, les grandes lignes sont tracées. Première d'entre elles, la réalisation début 2008 d'un nouveau schéma national des infrastructures de transport laissant peu de place à la route. Exceptés les aménagements relatifs à la sécurité et les contournements d'agglomération demandés par les représentants des élus, Jean-Louis Borloo a indiqué ne pas vouloir augmenter de façon significative les capacités routières et aéroportuaires.
Conformément à ce qui figurait dans le document de travail, l'accent est mis sur l'intermodalité. Ainsi, s'appuyant sur l'exemple de l'autoroute ferroviaire Bettembourg-Perpignan, le ministre a annoncé le lancement de deux nouveaux grands axes, nord / sud est et nord / sud ouest. "Des investissements seront réalisés dans du matériel roulant spécifique à hauteur de 800 millions d'euros et nous n'oublierons pas la régénération des sillons". Les voies navigables tirent également leur épingle du jeu. "On démarre Seine Nord tout de suite", a assuré Jean-Louis Borloo, pour 4 milliards, avant d'évoquer également le lancement d'études pour le canal de la Moselle.
"Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il ne faut plus opposer les modes de transport, rapporte Hervé Cornède, représentant du Medef et délégué général de TLF (fédération des entreprises de transport et de logistique de France). Le fer, la voie fluviale ou le cabotage maritime doivent devenir de véritables alternatives."
Pour financer en partie ces projets, les principes d'une "écopastille" et d'une taxe poids lourds ont été retenus. L'achat d'une voiture particulière "écologiquement vertueuse" donnera lieu à une remise financée par un malus annuel infligé aux voitures les plus énergivores et polluantes. "Une opération blanche en terme de finances publiques", a précisé le ministre. Quant à la taxe poids lourds, elle s'appliquera vraisemblablement sur le seul réseau non concédé même si certains experts, à l'image d'Olivier Louchard du Réseau Action Climat, pensent possible son application au réseau concédé. Quoi qu'il en soit, Hervé Cornède indique que les seules entreprises de transport ne pourront pas supporter cette éco redevance et que sa répercussion sur le consommateur final est inévitable. "Sans oublier la nécessité d'un système équilibré dans le cadre de la concurrence européenne."
De l'avis général, ces nouvelles recettes devront être affectées à l'agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) en plus d'autres mesures comme le fléchage d'une partie de la TIPP ou une part accrue des recettes des radars automatiques. "Il faudra que l'agence prenne de l'envergure, qu'elle devienne un véritable laboratoire à même de faire la comptabilité socio-économico-environnementale des projets, précise Hervé Cornède. De sorte qu'on se rende compte qu'un projet comme le Lyon-Turin n'est peut-être pas prioritaire."
Les transports publics n'ont pas été oubliés. S'appuyant sur le chiffrage des besoins établi par le Gart (groupement des autorités responsables de transport), Jean-Louis Borloo a annoncé la construction pour 17 milliards d'euros de 1 500 km de transports en commun en site propre hors Ile-de-France, notamment des tramways. 4 milliards devraient être pris en charge par l'Etat.
Les premiers arbitrages complémentaires seront annoncés dès demain par Nicolas Sarkozy et les modalités pratiques seront précisées d'ici au 15 décembre prochain. Des modalités pratiques très attendues car si le diable est dans les détails, le succès du Grenelle aussi. Tout ne sera pas réglé pour autant, notamment en ce qui concerne certains dossiers fiscaux qui ne pourront être tranchés qu'au niveau communautaire. Pour faire avancer ces dossiers, les représentants du gouvernement comptent bien profiter de la présidence française de l'union européenne au second semestre de l'année prochaine.

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