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07/08/2024

"Sans investissements publics et aides à la rénovation, la construction va vers une grande crise"

Le secteur de la construction Belge craint que la suppression des primes à la rénovation ne mette à mal les entreprises actives dans ce segment pourtant crucial pour décarboner le bâti.

La déclaration de politique régionale (DPR) wallonne a fait son chemin, cette semaine, dans les différentes couches de l'entrepreneuriat du sud du pays. Dans le secteur de la construction, on accueille tièdement le programme de la nouvelle majorité MR - Engagés. La suppression des primes à la rénovation et l'abaissement sans condition des droits d'enregistrement sont au cœur des préoccupations.

Sur les droits d'enregistrement, les représentants du secteur déplorent que le nouveau gouvernement wallon ne se soit pas inspiré de ce qui se fait dans les deux autres Régions. "La diminution des droits d'enregistrement est positive, car elle va débloquer du pouvoir d'achat auprès des ménages", démarre Hugues Kempeneers, directeur général d'Embuild Wallonie. "Ceci dit, on déplore qu'il n'y ait pas, comme en Flandre, un lien entre ces droits et rénovation du bâti. (...) On n'est plus dans le contexte d'explosion des prix de l'énergie d'il y a deux ans, où les Wallons se jetaient sur les travaux économiseurs d'énergie. Avec cette baisse des droits, les ménages risquent de s'acheter une nouvelle cuisine ou une belle piscine plutôt que de rénover", craint-il.

"Avec des prêts ou des garanties, la rénovation énergétique risque de perdre en attractivité"

En Flandre, le droit d'enregistrement standard est de 12%, mais pour l'achat d'une habitation unique et propre qui sert de logement familial, le taux descend à 3%. Une diminution supplémentaire jusqu'à 1% est possible si l'acquéreur procède à d'importants travaux de rénovation énergétique dans les six ans de l'achat. À Bruxelles, l'incitation se fait par le biais de l'abattement fiscal qui augmente de 25.000 euros par saut de classe énergétique avec un minimum de deux classes à gagner par rapport à la situation de départ.

Pas de calendrier et pas de prime

Par ailleurs, Hugues Kempeneers déplore que cette baisse des droits se fasse au détriment des primes à la rénovation et du chèque-habitat, ce crédit d'impôt progressif pour l'achat ou la construction d'une habitation propre et unique et que le nouvel exécutif régional compte supprimer. Le gouvernement wallon précise, dans la DPR, qu'il compte plutôt miser sur des prêts et des garanties afin que le soutien à la rénovation reste budgétairement soutenable.

"Il ne faut pas croire que quand on est propriétaire, on est riche. 25% des ménages propriétaires vivent avec moins de 2.000 euros net par mois. On a besoin de mécanismes simples qui incitent à la rénovation. Avec des prêts ou des garanties, la rénovation énergétique risque de perdre en attractivité alors que l'on doit rénover 20 logements par heure pour atteindre les objectifs 2050", avertit-il.

"L'idée n'est pas de supprimer toutes les aides à la rénovation, mais de rendre celles-ci plus simples, plus lisibles, plus accessibles et plus efficaces."

Autre souci, légué par le précédent exécutif: l'absence d'un calendrier contraignant de rénovation énergétique. Si le Plan Air Climat a bien été validé par le gouvernement, les différents arrêtés d’exécution n’ont pas été pris par le précédent gouvernement afin de le rendre contraignant. "Les premières obligations européennes arrivent très vite, dès 2030. Sans cadre incitatif et sans obligation, on va se réveiller face à un mur. On a 1,678 million de logements à rénover, ça ne se fait pas en deux jours", résume le directeur général.

Vers des faillites?

En bout de ligne, ce sont les entreprises de la construction qui risquent de trinquer. "Si le secteur échappe à la crise pour le moment, c'est grâce aux investissements publics et à la rénovation. En touchant à ces deux éléments, on plonge le secteur dans une grande crise, et je n'exclus pas que cela se traduise par des suppressions d'emplois et des faillites." Avant d'ajouter: "Il y a de l'inquiétude, mais tout ceci est aussi une opportunité. La construction est un secteur clé pour réindustrialiser la Wallonie, de la production des matériaux, par exemple avec le biosourcé, jusqu'à la récupération et le traitement des déchets."

Du côté de la ministre de l'Énergie et du Logement, Cécile Neven (MR), on se veut rassurant. "La DPR constitue un accord de gouvernement qui donne le cap. Je n'envisage pas sa mise en place opérationnelle sans consulter les parties prenantes", explique-t-elle dans une réaction par mail à L'Echo.

"Le rythme actuel de rénovation est évidemment trop faible. L'objectif du gouvernement est de tripler ce rythme. Dans tous les cas de figure, des obligations européennes en matière de rénovation vont devoir être traduites dans un calendrier soutenable tant pour le secteur que pour les citoyens. Ce calendrier sera travaillé en parallèle avec les questions de finançabilité, parce que l'idée n'est pas de supprimer toutes les aides à la rénovation, mais de rendre celles-ci plus simples, plus lisibles, plus accessibles et plus efficaces", détaille-t-elle encore.

Source L'Echo par Maxime Delrue