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11/11/2023

Les ventes de matériaux de construction touchées par la baisse du logement neuf

En recul de 16,9% sur les sept premiers mois de l'année, la construction de logements neufs pèse sur les ventes des fabricants et distributeurs de matériaux de construction. Le segment de la rénovation reste épargné mais redoute des suppressions de postes à terme.

Les difficultés du marché de la maison individuelle pourraient affecter les industriels.

Les difficultés traversées par le logement neuf commencent à prendre une tournure concrète pour les industriels et les distributeurs de matériaux de construction. «L’inflation, les taux d’usure, et la difficulté d’obtenir des prêts pour les primo-accédants affectent la construction résidentielle. Le retournement est très brutal», indique Frédéric Didier, le président de la Fédération française des tuiles et des briques (FFTB).

En glissement annuel sur sept mois à fin juillet 2023, les mises en chantier de logements ont reculé de 16,9% (-21% sur le logement individuel et -13% sur le collectif), et les autorisations de 28,3% (-33,4% sur l’individuel et -24,5% sur le collectif), d’après la Fédération française du bâtiment (FFB), qui prévoit, «si rien n’est fait», un recul d’environ 8 % hors effet prix de l’activité du bâtiment à l’horizon 2025, et près de 150 000 destructions de postes.

Le gros œuvre et l’isolation déjà concernés

«Il y a clairement une baisse de la construction de maisons individuelles, le lieu préféré d’habitation des Français, ce qui se ressent aussi sur l’aménagement extérieur. C’est l’une des familles de produits qui va le plus en souffrir. Avec l’objectif de zéro artificialisation nette, cela va encore davantage baisser», alerte Charles-Gaël Chaloyard, le directeur général de Tout Faire (450 points de vente en France et en Belgique. 1,5 milliard de chiffre d’affaires en 2022, 4 000 personnes), un groupement de négoces de matériaux.

À la fin septembre 2023, la structure accusait un recul de 1,5% de chiffre d’affaires sur un an, dans un contexte d’inflation à 10%, «ce qui traduit bien des baisses de volumes.» Les ventes stagnent depuis janvier, particulièrement pour le gros œuvre et l’isolation. Les produits liés à l’aménagement extérieur souffrent aussi du recul des ventes de maisons. «Il y a bien entendu un impact que nous n’avons pas chiffré. La majeure partie des préoccupations se concentrent sur les maisons individuelles qui accusent une chute libre», ajoute Laurent Martin Saint Léon, le délégué général de la Fédération des distributeurs de matériaux de construction.

Une réduction de la voilure à prévoir dans certaines usines

Du côté des adhérents de la Fédération française des tuiles et des briques (135 lignes de fabrication, 4 500 emplois directs, 900 millions d’euros de chiffre d’affaires), la baisse de la demande liée aux difficultés du logement neuf se fait ressentir depuis le mois de juin. La baisse des ventes de briques entre septembre 2022 et septembre 2023 est estimée entre 35% et 40%. Environ 35% des logements neufs sont en briques. «Il faudra adapter nos structures organisationnelles, réduire le nombre d’équipes, et arrêter certaines installations pour y apporter la maintenance nécessaire, ce qui n’a pas forcément été fait post-Covid avec un marché très soutenu», explique Frédéric Didier, qui fait également part de stocks élevés.

«Les difficultés actuelles du logement neuf nous font peur», corrobore François Deroche, le président de l’Association française pour la pompe à chaleur. Même si les pompes à chaleur sont essentiellement installées dans le cadre de rénovations, les porte-parole de la filière pressentent un impact à partir de la fin de l’année 2023 et du début 2024 pour les pompes installées en maisons individuelles, et dans les deux à trois ans qui viennent pour le marché du logement collectif.

Même topo chez Inoha, une association qui fédère 260 industriels de l’amélioration de l’habitat (aménagement de l’intérieur, jardinerie, rangement, cuisine, salle de bains, chauffage...), avec 500 sites industriels et 50 000 salariés. «Par le pire des cas, cela se traduit par des suppressions de postes. On adapte les structures, avec un peu de chômage partiel aussi. Si les choses continuent, je crains que cela s’empire», souligne son président, Jean-Luc Guéry. Ce dernier met aussi en garde face aux conséquences de l’inflation, «nos produits n’étant pas essentiels.» L’indice Insee des prix à la consommation des meubles et articles d’ameublement a progressé de 3,8% entre septembre 2022 et septembre 2023, celui des luminaires de 4,1% ou celui des articles de jardin de 5,8%. Le poste logements, eau, gaz, électricité et autres combustibles s’est, pour sa part, renchéri de 5,8% en un an.

Des catalogues davantage tournés vers la rénovation

Les hausses de prix pourraient avoir un impact sur le segment de la rénovation, considéré comme une planche de salut par de nombreux acteurs du secteur. Ce marché, qui compte pour 54% de l’activité du bâtiment selon la FFB, a bénéficié d’une hausse de 2,4% de ses volumes sur un an au deuxième trimestre 2023, et de 2,3% pour la rénovation énergétique. «Au niveau des tuiles, le marché est davantage lié à la rénovation. On sait combien la toiture est importante dans ce type de projets, puisqu’on en profite pour faire de l’isolation et réduire la facture d’énergie», ajoute, pour la FFTB, Frédéric Didier.

«Face aux difficultés du neuf, nos adhérents se rendent bien compte qu’il y a une manne sur la rénovation énergétique, et le négoce peut jouer le rôle de tiers de confiance», poursuit Charles-Gaël Chaloyard. Les équipes de Tout Faire sont progressivement formées aux modalités des certificats d’économies d’énergie par l’intermédiaire d’un programme de l’Ademe. Un tiers des négoces du groupement proposaient jusqu’alors des produits de menuiserie, comme les fenêtres : ce chiffre est amené à croître, avec un renforcement du catalogue. La place des produits biosourcés progresse aussi parmi les références de matériaux disponibles.

Les loueurs d'échafaudages inquiets

Les secousses du marché du logement neuf vont jusqu’à concerner, en toute logique, les fabricants et loueurs… d’échafaudages. «Nous avions, début 2022, anticipé que ce marché du neuf pouvait passer en souffrance, sans imaginer que ce serait dans une telle mesure. Les taux bancaires et les tensions sur le marché ont agi comme des signaux faibles», explique Eric Limasset, le président de Lahyer France (200 personnes, 94 millions d’euros de chiffre d’affaires à fin mars 2023), la filiale française du groupe allemand Layher, le premier fabricant mondial d’échafaudages (250 000 tonnes par an). Les matériels sont fabriqués en Allemagne.

Le bâtiment représente 50% de l’activité de Layher France, et le logement neuf représente 25% de ce volume. L’entreprise a recommandé à ses clients de basculer sur le marché de la rénovation (entretien, ravalement, changement de couvertures…) et a augmenté «de façon importante» son stock d'échafaudages pour ce marché. Layher propose aussi à ses clients des astuces pour répondre aux appels d’offres liés au bâti ancien, et commercialise des suites logicielles.

«Tout le monde va se rabattre sur la rénovation. Les fabricants vont s’y réorienter», ajoute Charles-Gaël Chaloyard. Parmi les inconnues, figure l’impact de la refonte du dispositif d’aides gouvernementales MaPrimeRénov’, réorienté sur les gestes de rénovations globales à partir de janvier 2024, et sur une éventuelle réponse du gouvernement face aux tourments du logement neuf. Vendredi 13 octobre, la Première ministre Elisabeth Borne a lancé une concertation avec les élus des intercommunalités pour décentraliser la politique du logement.

Source L'Usine Nouvelle