En 2021, le site mablyrot a utilisé 75 % de gaz fossile. Son objectif est de réduire à 16 % d’ici 2030 et d’atteindre 61 % de biocombustibles.
C’est un challenge de taille. Comment réduire au maximum les émissions de dioxyde de carbone quand on évolue dans un secteur gourmand en énergies fossiles ? En innovant et en investissant. Illustration à la briqueterie Bouyer Leroux qui va créer sa propre unité pour transformer des biocombustibles en sciure pour la cuisson.
Décarboner 90 % de l’activité de production de briques à l’horizon 2027, tel est l’objectif – ambitieux – du groupe Bouyer Leroux, qui va investir pour cela 62 millions d’euros au total à travers ses différents sites. Se présentant comme le numéro 1 français sur le marché des briques de mur et briques de cloison en terre cuite, il compte en Roannais une unité de production, basée au quartier des Tuileries, à Mably.
« Notre objectif est de décarboner toutes nos usines le plus vite possible. Nous sommes soumis, par l’État, à des quotas de rejet de CO2. L’emploi d’énergies fossiles a un coût », replace Sébastien Elissade, Directeur énergies environnement du groupe. À Mably, le bilan carbone est relativement moins bon qu’ailleurs. C’est pour ça qu’on a lancé ici en priorité un plan massif de décarbonation ».
Coques de tournesol dans l’argile
Si la briqueterie locale a déjà réduit de 40 % son empreinte carbone en améliorant la performance énergétique de ses process industriels et en réduisant sa dépendance aux intrants fossiles, la marche à franchir est encore haute. Pour l’atteindre, les équipes font feu de tout bois. Cette usine produit actuellement 12.000 tonnes de CO2 par an. Avec les projets en cours, elle espère en économiser 7.500.
Pour limiter au maximum les consommations énergétiques, chaque étape de fabrication est optimisée.
Pour le séchage des briques, l’air chaud extrait des fours dans la zone de refroidissement des produits est envoyé vers les séchoirs. Pour la cuisson, le four, long de 120 mètres et large de 9 mètres, est équipé de technologies modernes afin de le rendre le plus étanche possible. Dans l’usine, où l’éclairage a été entièrement repensé, la majorité des moteurs électriques est équipée de variateurs afin d’ajuster les consommations aux puissances nécessaires.
Un autre tournant majeur a été pris récemment : depuis six mois, la briqueterie a revu son process en intégrant directement un additif (ici de la coque de tournesol) dans son mélange d’argile avant cuisson, à hauteur de 2 à 3 %.
Ce biocombustible, issu des résidus de l’industrie céréalière, a la faculté de faire rapidement monter en température la matière, tout en améliorant ses qualités premières d’isolant. « Cette technologie est nouvelle à Mably, mais largement éprouvée sur d’autres sites du groupe », observent Sébastien Elissade et David Séguy, directeur de l’usine. De quoi faire passer déjà la part d’énergie renouvelable de 20 % à 40 %.
Une usine à sciure bientôt créée sur place
Pour réduire encore les intrants fossiles, le site compte également augmenter notablement le recours à des biocombustibles pour alimenter directement le four.
Outre les sous-produits de l’industrie agroalimentaire et le biogaz issu du centre d’enfouissement technique voisin de Suez, l’usine utilise en effet déjà de la sciure de bois pour la cuisson.
Et pour répondre à ses besoins futurs, le groupe va même créer ici sa propre usine à sciure. Elle sera située dans une partie des anciens locaux Cancalon, aujourd’hui inutilisés. La matière première, des biocombustibles divers, y sera broyée, criblée et séchée. « On pressent qu’il y aura sur ce marché de forte pression dans les prochaines années », justifient les responsables.
D’où ce projet qui renforcera l’autonomie du site envers les ressources biomasse, lui qui aura besoin de 15.000 tonnes de sciure au total par an.
« Cette nouvelle unité permettra aussi de valoriser ces locaux vieillissants, tout en nous aidant à atteindre notre objectif de décarbonation ».
L’investissement pour ce projet, lauréat du programme France Relance, s’élève à 4,7 millions d’euros. Il a bénéficié de 2,2 millions de subventions.Davis Séguy et Sébastien Elissalde.
« Desormais, il nous faut trouver des biocombustibles pertinents, sans conflit d’usages, comme des bois de feuillus restés au sol qui ont un vrai potentiel car ils sont très peu valorisés ». Fidéliser les fournisseurs et assurer l’approvisionnement de l’usine à sciure sera un enjeu majeur pour les prochaines années, reconnaissent les responsables.
Et de résumer : « Tous ces projets ne constituent pas la fin de l’histoire… On passe d’un monde carboné où tout était facile à un monde décarboné ou tout sera plus compliqué. Cela nous oblige à être ingénieux et à travailler collectivement ».
D’ailleurs, l’entreprise lance un message à l’adresse de l’Agglomération et se positionne déjà sur les rangs en tant que client potentiel de l’énergie fournie par son futur méthaniseur.
Ombrières en vue. Des équipements photovoltaïques seront déployés sur les surfaces de stockage. De quoi couvrir l’ensemble des besoins électriques du site.
2.000: Les collaborateurs du groupe Bouyer Leroux, qui réalise 450 millions d’euros de chiffre d’affaires. 550 font partie de la SCOP (société coopérative de production), dont les 45 salariés du site mablyrot. Le groupe compte sept sites au total et son siège est situé dans le Maine-et-Loire.
160.000 tonnes ont été produites ici en 2021, deuxième meilleure année historique du site mablyrot. 50 camions sortent chaque jour de cette usine qui tourne en continu en équipes 5X8 pour le volet production.
3 En heures, le temps du processus de fabrication des briques. Le four est chauffé à 900 °C.
Au cœur d’un bassin argileux historique
L’usine qui a intégré le groupe Bouyer Leroux en 2013 est située dans la zone d’activité des Tuileries de Mably, lieu historique de fabrication de tuiles et de briques.
Ce secteur a une forte tradition de terre cuite liée à la nature du sol, un bassin argileux important. L’actuelle usine « est le prolongement d’une activité historique qui a su traverser les décennies grâce à un ancrage local fort », note le groupe. Ici, Bouyer Leroux bénéficie d’une surface totale de 40 hectares, comptant une vaste carrière.
Elle fournit plusieurs types d’argiles qui sont associés sur le site en fines tranches pour donner une homogénéité à la matière finale. Cette carrière alimente l’ensemble des besoins en argile de l’usine et a été exploitée jusqu’à 30 mètres de profondeur. L’autorisation préfectorale peut aller jusqu’à 60 mètres. De quoi assurer une réserve pour au moins 35 ans.
Source Le Pays