Il ne s’agit pas d’un ajustement anodin. Depuis mars 2025, le tarif a été diminué à plusieurs reprises, entraînant une baisse totale de 19,5 % en six mois pour cette tranche de puissance. « Nous nous attendions à la baisse du tarif de rachat », admet Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), dans Les Échos. Il explique que les « tergiversations du début d’année » ont provoqué un afflux de dossiers cherchant à verrouiller le précédent tarif avant qu’il ne disparaisse.
Électricité : quand l’État sabre les aides pour les panneaux solaires
Derrière cette décision se cache une mécanique redoutable, le gouvernement a introduit un système de dégressivité automatique des aides selon le volume de projets raccordés. Et la filière a été trop performante. Entre mars et mai 2025, les demandes de raccordement ont plus que doublé les objectifs, déclenchant automatiquement la baisse de tarif. La DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat) estime que cette réforme permet de « cibler les aides vers les projets les plus efficaces », comme le rappelait le décret publié au Journal officiel le 26 mars dernier.
Mais cette rationalisation ressemble surtout à une politique d’étouffement déguisée. D’autant que des appels d’offres simplifiés vont remplacer dès l’automne le guichet ouvert actuel pour les grandes toitures. Place désormais à la concurrence entre porteurs de projets pour obtenir des tarifs encore plus tirés vers le bas. « Ce qui nous importe le plus, c’est qu’on ne réduise pas les volumes des appels d’offres à peau de chagrin », s’inquiète encore Jules Nyssen, dans des propos rapportés par Les Echos. La CRE prévoit en effet de concentrer les soutiens budgétaires sur une poignée de dossiers, au détriment de la diversité des projets locaux.
L’autoconsommation sur toiture menacée par une politique erratique
Il faut rappeler que cette catégorie intermédiaire de projets, hangars agricoles, bâtiments industriels ou ombrières de parkings, constitue le maillon clé entre le solaire domestique et les centrales au sol. Or, l’État semble les considérer comme des variables d’ajustement budgétaire. En février 2025, les particuliers avaient déjà subi un diviseur par trois du tarif d’achat, désormais plafonné à 40 euros le MWh. Aujourd’hui, le recul s’accélère. Selon la CRE, les aides au photovoltaïque atteindraient encore 2,9 milliards d’euros en 2025, contre 2,1 milliards en 2024, mais cette hausse reste alimentée par les anciens contrats historiques à tarifs élevés.
Les nouveaux projets, eux, sont confrontés à une rentabilité fragilisée, d’autant plus que la France peine toujours à finaliser sa programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La présidente de la CRE, Emmanuelle Wargon, justifie cette stratégie en affirmant que « le solaire et l’éolien ont encore de la marge », notamment parce que la demande d’électricité reste inférieure à son niveau pré-Covid. Une logique technocratique qui peine à convaincre les professionnels du secteur, pour qui la transition énergétique ne peut pas être rythmée par les caprices du calendrier budgétaire.
Un marché devenu incertain, des porteurs de projets refroidis
Les effets sur le terrain ne se sont pas fait attendre. La mise en place d’une caution de 10 000 euros imposée depuis mars à tout nouveau dossier a déjà réduit d’un tiers les demandes, selon les chiffres du SER. L’instabilité des règles, les baisses imprévisibles de tarifs, et la perspective d’appels d’offres plus restrictifs, refroidissent les porteurs de projets.
À ce rythme, la France risque de rater ses propres objectifs. Et de dissuader les entreprises et collectivités locales de participer à l’effort de transition énergétique. Car à force de raboter, il ne restera bientôt plus rien à soutenir. La trajectoire énergétique du pays, elle, demeure dans le brouillard. L’État ne cesse de vanter les promesses de l’électrification, voitures électriques, pompes à chaleur, industrie décarbonée, mais continue d’étrangler l’un des leviers les plus accessibles de production d’électricité renouvelable.