Face aux défis climatiques et à la nécessité de repenser nos modes de construction, un matériau ancestral refait surface : la terre crue. Longtemps oubliée, elle offre pourtant des avantages écologiques et économiques indéniables. Rencontre avec Marie Aeberli, experte régionale en matière de construction en terre crue.
Ces techniques ont été oubliées pendant à peine 100 ans, mais ça a vraiment créé une rupture qui fait qu’aujourd’hui, on a perdu du savoir-faire explique Marie Aeberli, du bureau d’étude Argilamo. Construire avec de la terre crue, cela n’a rien de nouveau, l’homme a toujours habité dans des constructions en terre. Mais aujourd’hui, ce mode de construction revient sur le devant de la scène, porté par des préoccupations environnementales.
Une réponse écologique et économique
L’empreinte carbone d’une brique de terre crue par rapport à celle d’une brique de terre cuite, c’est 80 % de CO2 économisé, affirme Marie Aeberli. La terre crue possède en effet des atouts majeurs : elle ne pollue pas, ne génère aucun déchet et présente de grandes qualités thermiques. Autre point clé : son coût, qui reste compétitif, notamment grâce à l’exploitation des ressources locales.
Un secteur en mutation
Dans la métropole lilloise, plusieurs projets intègrent déjà la terre crue, comme le bâtiment Terrabùndo à Ennevelin (59) près de Lille, ou certaines écoles et salles polyvalentes. La fabrication des briques de terre crue évolue également, en s’appuyant sur le réseau des briqueteries :
La briqueterie de terre cuite est bien implantée sur le territoire, avec une grande quantité d’argile disponible dans les Hauts-de-France. On a de quoi faire un maillage très intéressant et massifié assure-t-elle.Des freins réglementaires encore présents
Si les atouts de la terre crue sont indéniables, son usage reste freiné par un manque de réglementation. Cependant, les choses évoluent. Dès 2030, la législation imposera l’utilisation de biomatériaux pour au moins 25 % des rénovations lourdes. Un virage qui nécessitera une formation massive des professionnels du bâtiment.
« Il y a énormément de formations à faire à tous les niveaux, c’est tout l’écosystème du bâtiment qu’il faut former », souligne Marie Aeberli.
Un potentiel fort dans les Hauts-de-France
Si la région accuse un retard par rapport à d’autres territoires comme la Bretagne ou le Sud-Ouest, elle dispose d’atouts majeurs. « Nos briqueteries sont très performantes », affirme Marie Aeberli. Avec l’essor des constructions durables, la terre crue pourrait bien s’imposer comme un matériau d’avenir.