Pages

01/10/2023

Pyrogazéification, solaire, EPR2… Premiers arbitrages pour la stratégie française énergie climat

À défaut de la proposition de loi de programmation énergie climat, qui était attendue avant l'été, le ministère de la Transition écologique a publié en septembre un document présentant une synthèse des travaux de sept groupes de travail. Analyse de son contenu.

La stratégie française énergie climat, en préparation, devrait redessiner les objectifs de transition énergétique des territoires ultramarins.

«Vous me ferez des propositions que je ne pourrai pas toutes reprendre», a prévenu Agnès-Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, le 12 septembre en introduction de la réunion de restitution des sept groupes de travail, composés de parlementaires, élus locaux, experts, membres d'associations et représentants de filière industriels, sur la préparation de la nouvelle stratégie énergie climat. Depuis mai 2023, ils ont planché sur plus de 100 propositions pour «sortir des énergies fossiles» d’ici à 2050 et atteindre la neutralité carbone en actionnant sept leviers : sobriété énergétique, efficacité, système électrique, production de chaleur et d’énergies bas carbone, zones non interconnectées (ZNI) et bouclage énergétique.

Si l’objectif impose de «repenser les rôles entre l’État, les entreprises et les collectivités territoriales», a expliqué Agnès Pannier-Runacher, c’est principalement sur les élus locaux que reposera la mise en œuvre des propositions retenues. «Avec les services déconcentrés de l’État [ils] doivent porter les projets, anticiper les besoins des territoires, expérimenter, adapter aux spécificités des territoires et faire remonter les points de blocage», a précisé la ministre. Au passage, elle a rappelé que la mission qui lui a été confiée par le président de la République est de «remettre la France sur la bonne trajectoire énergétique». Oubliée la fermeture programmée de 12 à 14 réacteurs nucléaires pour ramener le mix à 50 % de nucléaire à 2035.

100 GW de solaire d'ici à 2035

Pour ne serait que maintenir le nucléaire à 50 % du mix à 2035 et au-delà et répondre à la demande électrique qui ne va cesser de croître pour suivre la décarbonation de l’industrie et la réindustrialisation verte, non seulement il va falloir garder tous les réacteurs existants en optimisant leur disponibilité, explique RTE, le gestionnaire de réseau, mais aussi et surtout construire beaucoup plus de capacités renouvelables, réduire les consommations non indispensables à l’atteinte des objectifs de décarbonation et de réindustrialisation, chercher de nouveaux relais d’efficacité énergétique et impliquer dans l’équation les territoires d’outre-mer. La consommation finale d’énergies doit être réduire de 40 à 50% d’ici à 2050 !

Reste qu’à la lecture du document publié par le ministère de la Transition énergétique, on se demande bien quelles propositions ne pourraient pas être retenues, tant elles semblent toutes reprendre des objectifs déjà affichés par le gouvernement ou avancés par RTE, le gestionnaire de réseau électrique en juin dernier, ou EDF pour ce qui touche au nucléaire, au calendrier de l’éolien en mer, ou aux outre-mer ! À moins que le ministère n’ait déjà fait son marché !

Sans surprise, on y retrouve la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires EPR2 et d’un premier SMR d’ici à 2030 annoncée par Emmanuel Macron en février 2022. Une échéance fixée à 2026 pour décider de 8 EPR2 supplémentaires est précisée. Et en les attendant est rappelée la nécessite d’accélérer encore plus fort dans les renouvelables, notamment le solaire en multipliant par presque 5 la capacité photovoltaïque installée entre 2022 et 2035 (7 GW/an) pour atteindre de 75 GW à 100 GW, contre environ une multiplication par trois prévue initialement. Pour décarboner le chauffage, le fonds chaleur pourrait être porté à 1 milliard d’euros d'ici à 2024 puis grimper jusqu’à 2,4 milliards d’ici 2030. Côté CCUS, les premiers appels d’offres de contrats carbone pour différence seraient lancés dès 2024.

Pas de biométhane de bois

Plus inédites sont les propositions retenues pour les outre-mer et les îles non connectées au réseau (les ZNI). L’objectif d’autonomie énergétique, en clarifiant ce que cela signifie, serait repoussé à 2050 au lieu de 2030. A cet horizon, seule l’autonomie électrique serait visée. Et en plus d’une PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) spécifique, chaque territoire devrait établir un document d’orientation stratégique à 2050, baptisé Futurs énergétiques 2050 ZNI. Initialement réservée à la Métropole, la planification territoriale des ENR serait élargie aux ZNI, qui bénéficieraient d’un plan de sobriété spécifique.

Nouveaux également, les premiers arbitrages d’utilisation de la biomasse, dont on reconnait enfin aujourd’hui qu’il n’y en aura pas assez pour décarboner chaleur, gaz, carburants tout en maintenant le rôle de puits de carbone, d’alimentation et de préservation de la biodiversité des terres et des forêts. La pyrogazéification, qui permet de produire du biométhane à partir d’intrants solides, comme le bois, ne pourra être utilisée qu’avec les déchets disponibles ! Or les gaziers, notamment Engie, misent fort pour cette technologie pour produire d’ici à 2050 100 % de la consommation de gaz. Pas question d’utiliser du bois, donc.

Source L'Usine Nouvelle par Aurélie Barbaux