Pages

02/06/2022

Landes : Un ciment vert à base d’argile crue, le projet béton de la start-up Matterup

Chaque année, le secteur du bâtiment émet plus de 123 millions de tonnes de CO2, selon le ministère de la transition écologique. Un chiffre qui le place parmi les activités les plus polluantes, avec le transport par exemple. Pour fabriquer du ciment, qui intervient dans la composition du béton, il faut par exemple le chauffer à 1.400 °C pendant treize heures, un procédé très énergivore. Mathieu Neuville, l’un des fondateurs de la start-up landaise Matterup s’est intéressée à l’argile crue, disponible en abondance, pour mettre au point un produit alternatif.

Ancien chercheur ingénieur en R & D chez Laffarge puis Total, Mathieu Neuville a travaillé durant quatre ans avec des associations, des artisans et des bureaux d’études. « On associe à cette argile un activateur et un précurseur, ce mélange-là permet d’avoir une réaction à froid, sans cuisson, et d’apporter les propriétés mécaniques désirées », explique-t-il, sans rien révéler des secrets de fabrication de la formule, protégée par 35 brevets internationaux. Ce ciment à base d’argile extraite dans des carrières locales ou récupérée dans les terres d’excavation des chantiers, est ensuite valorisé sans cuisson et constitue ainsi une solution bas carbone.

Un site de production pilote lancée en février 2022

Créée fin 2018 et rapidement soutenue par des partenaires de poids comme la Région, le Département ou le ministère de la Transition écologique, elle réalise une levée de fonds de plus d’un million d’euros en 2020. Dès 2021, elle lance sa première usine pilote, à Saint-Geours-de-Maremne, dans les Landes. La société, qui emploie 17 salariés, a commencé sa production de ciments et bétons à base d’argile crue en février 2022. « On produit en propre un certain nombre d’éléments : des dalles gazon, perméables avec lesquelles on peut créer des parkings, des méga blocks pour fabriquer des murs de soutènements pour talus, des digues etc., détaille Julie Neuville, associée et chargée de la communication et du marketing chez Materrup. On propose également des bancs pour mettre dans les espaces publics. »

L’objectif est de montrer que ces produits sont utilisables immédiatement, en affichant une volonté de travailler avec les cimentiers et bétonniers pour aider ceux qui le souhaitent à faire une transition. Une marketplace a aussi été créée pour la vente en direct, auprès d’artisans mais aussi de particuliers. « On veut démocratiser les matériaux bas carbone et faciliter leur mise sur le marché », explicite Mathieu Neuville.

De nouvelles usines en préparation

Les performances mécaniques et énergétiques de ce béton à base d’argile sont les mêmes qu’un béton conventionnel et son prix est pour l’instant « équivalent à un béton premium teinté dans la masse », pointe Julie Neuville. La massification de la production va mécaniquement engendrer une baisse des coûts qui sera en partie répercutée sur le tarif final. « Il y avait un vrai besoin d’apporter une solution certifiée [par le centre scientifique et technique du bâtiment CSTB] et économique, estime Mathieu Neuville. Et les maîtres d’ouvrage et architectes voulaient construire différemment. »

Le plan de développement de Materrup, qui a une dizaine de recrutements en cours, est d’implanter de petites usines près des grosses métropoles pour les alimenter en béton « vert », notamment pour limiter les émissions de carbone liées au transport. Des projets sont envisagés dans les régions parisienne, toulousaine et bordelaise, dont certains pourraient sortir de terre dès 2023. Cerise sur le gâteau : les bétons concoctés avec l’argile locale prendront des teintes différentes selon la nature des sols, plutôt roses à Toulouse et jaunes à Bordeaux. Voilà qui devrait amener un peu de couleur, à côté du gris uniforme du béton traditionnel.

Source 20Minutes