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18/10/2021

Comment Edilians fait face à l'explosion des prix de l’énergie et modernise la production de tuiles en terre cuite

Pour fabriquer ses tuiles en terre cuite, Edilians a besoin de gaz et d'électricité. Confronté à la forte hausse des prix de ces deux énergies, l’industriel va augmenter ses tarifs. Un ajustement qui n’empêche pas la modernisation de ses usines, comme à Phalempin (Nord).

Le marché de la tuile terre cuite a bénéficié de l'essor de la rénovation en 2020.

En janvier 2022, Edilians augmentera en moyenne les prix de ses produits de 10%. “Nous sommes inquiets des hausses de prix de l’énergie, cela devient dramatique”, expose Pascal Casanova. Le président du groupe estime que les dépenses de l’entreprise en électricité et en gaz ont triplé en un an. “Avec nos contrats, nous avons un temps de latence par rapport aux hausses et nous ajustons notre consommation en fonction de l’activité”, poursuit-il. Or, la demande est au beau fixe, se réjouissent les managers du leader français de la tuile en terre cuite (1100 personnes, 320 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020, 14 usines en France et une au Portugal).

A l’usine de Phalempin (Nord), l’ex-Imerys Toiture, rebaptisé Edilians en 2018 à la faveur de son rachat par le fonds Lone Star, produit des tuiles depuis 1918. 75% de l’alimentation énergétique du site est assurée au gaz, 25% à l’électricité.

L’enjeu principal - faire fonctionner le four en feu continu - exige que la production suive, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Dans les prochaines années, Pascal Casanova caresse le rêve de découpler les fours des séchoirs (l’étape intermédiaire entre le pressage et le poudrage des tuiles). Les séchoirs, qui consomment moins, pourraient éventuellement se passer du gaz.

Les tuiles nécessitent environ trois jours de cuisson - ici à Phalempin (Nord). Photo: Franck Stassi

Biogaz et hydrogène vert en réflexion

D’autres sources d’énergie sont envisagées à l’échelle du groupe, qui en revanche n'imagine pas de démarrer en cavalier seul. “Le biogaz est une solution alternative, mais on ne justifie pas à nous seuls des projets. Les communes ou les agglomérations doivent s’y intéresser, et nous pouvons être consommateurs”, indique Pascal Casanova. Deux projets sont actuellement en discussion en France. L’idée d’un mélange hydrogène et gaz naturel est aussi dans les tuyaux, à condition que l’hydrogène soit vert, précise Edilians.

Hors énergie, le groupe a traversé en juin - juillet une période de turbulences sur son approvisionnement en palettes bois, en s’appuyant sur la consignation, depuis trois ans, de celles-ci. Edilians propose plusieurs gammes de produits (profilés de façade, eaux pluviales, tuile terre cuite, accessoires fonctionnels, étanchéité à l’air, solaire, isolation) et, pour appuyer son ancrage local, commercialise des tuiles sous onze appellations locales, à l’image de la tuile Phalempin.

Des investissements pour améliorer la productivité

Ces tensions sur l’énergie et les matières interviennent dans un contexte porteur pour la filière. Si en septembre, les producteurs de tuiles en terre cuite ont affiché des ventes en repli, c'est une première depuis mai 2020. La faute à un ralentissement des ventes de maisons individuelles. Pas de quoi inquiéter Edilians, qui espère parvenir à un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros en 2021. A la sortie du premier confinement, les acteurs de l’amélioration de l’habitat ont, dans leur globalité, enregistré une très forte hausse de la demande.

“Le boom de la rénovation et l’accélération de la transition énergétique ont aidé notre développement. Dans une maison, 30% de l’énergie peut être perdue par le toit s’il est mal isolé”, constate Olivier Lafore, directeur marketing chez Edilians, dont plus de 70% de l'activité est orientée sur le marché de la rénovation. Le dispositif gouvernemental MaPrimeRenov contribue aussi au dynamisme du marché.

Ces robots déposent les tuiles sur les supports de séchage.

De quoi conforter le groupe dans sa stratégie soutenue d’investissements, qui s'élèvent à 25 millions d’euros en 2021. “Nous remettons l’accent sur nos plus petites usines”, précise Pascal Casanova. A Phalempin, un plan de 3,5 millions d’euros, dont 2 millions sur l’année 2021, s’achève. 25% de la ligne de production ont été entièrement repensés et dotés de cinq robots. La mouleuse avait été modernisée en 2016, parallèlement à une rénovation des bureaux. La zone d’encastage (où sont placés les produits à cuire) avait suivi en 2018. Entre 70 et 80 palettes de tuiles courtes peuvent être produites par jour, contre quatre auparavant.

Des ventes en photovoltaïque amenées à doubler

Pour se diversifier, après avoir lancé en 2002 des panneaux solaires correspondant à des modules de tuiles, Edilians a lancé fin 2019 puis début 2021 des tuiles en terre cuite intégrant en surface des panneaux photovoltaïques. “Cela simplifie le travail des couvreurs. La grande difficulté réside dans la crainte des couvreurs à poser ces produits-là. Leurs caractéristiques correspondent aux exigences des architectes des bâtiments de France”, commente Olivier Lafore. Le photovoltaïque représente 5 millions d’euros de chiffre d’affaires d'Edilians, avec un doublement espéré fin 2022. L’industriel collabore également au projet européen Life HeroTile, destiné à concevoir des tuiles plus claires et ventilées au moyen d’une micro-perforation (objectif 2025).

Autant de nouveautés pour lesquelles il faudra des bras. “On manque cruellement de compétences. Dans certaines usines, nous ne pouvons pas être à 100% de production faute de personnel qualifié”, regrette Pascal Casanova. Un programme de formation interne, sur trois ans, vient d’être relancé. Les mécaniciens et les automaticiens sont les profils les plus difficiles à pourvoir.

Source L'Usine Nouvelle par Franck Stassi