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27/09/2021

« Terreal investit de manière significative dans l'industrie du futur », Alexis de Nervaux, directeur de la Transformation digitale

En poste depuis 2018, le CDIO du fabricant de tuiles et briques détaille les innovations et les investissements faits par Terreal pour optimiser son appareil de production, diminuer son empreinte carbone et moderniser son offre commerciale.

Quand a débuté le plan de numérisation mis en place par Terreal ?

Il a commencé en 2017 avec la création d’un poste de CDIO (Chief Digital & Information Officer, en français, directeur de la transformation digitale et des systèmes d’information ndlr) que j’ai pris en janvier 2018 avec pour mission d’analyser l’existant et de définir une stratégie et un plan à 3 ans. Ca a été fait et nous avons désormais une idée précise de là où nous voulons aller et pourquoi nous y allons. Evidemment, comme le digital évolue très vite, il est compliqué d’avoir une feuille de route gravée dans le marbre. Les priorités évoluent, les opportunités logicielles évoluent, de nouveaux outils apparaissent sur le marché. Il faut donc conserver de l’agilité.

Quels sont les grands axes de cette feuille de route ?

Il y a quatre axes : atteindre l’excellence opérationnelle et industrielle de façon à améliorer la profitabilité et la réduction du CO2 ; développer et améliorer l’offre commerciale et l’expérience client ; faciliter l’intégration des récentes et futures acquisitions pour générer des synergies au sein du groupe ; mettre en place une infrastructure informatique robuste et assurer la cyber sécurité. Aujourd’hui on ne peut pas parler de transformation digitale dans l’industrie sans parler de cybersécurité. En tant que DSI et CDO d’une grande entreprise du secteur du BTP en 2017, j’ai vécu de l’intérieur une cyber-attaque en ransomware, ses conséquences, son impact. C’est donc l’un des aspects sur lesquels je me suis concentré en arrivant chez Terreal.

Réduire les émissions de CO2 en diminuant le taux de rebut

Chez Terreal, le taux de rebut est le premier levier pour diminuer les émissions de CO2. « Nous sommes attachés à calculer notre CO2 en termes d'efficacité, donc en termes de tonnes de CO2 par "tonne bonne"», explique Adeline Léger, directrice de la Communication et de la Stratégie Digitale. "Une tonne qui n’est pas bonne, ça augmente notre taux d'émission de CO2. Ensuite, en termes d'économie circulaire nous recyclons les rebuts à tous les niveaux. Qu’ils soient verts (pas cuits), secs (après le séchoir) et cuits (après le four). Le "vert" et le "sec" reviennent dans la matière première. Pour certaines parties de nos usines qui sont situées dans le sud du pays, on broie aussi le cuit pour le remettre dans la matière première. Là où nous ne pouvons broyer ce "cuit", ça finit plutôt dans les chemins communaux qui ont besoin de briques et tuiles concassées pour les stabiliser. Nos usines en Pologne et en Hongrie ont des taux de rebut sous 1%, c’est notre cible pour le reste de nos installations."

Selon le dernier bilan « Gaz à effet de serre », Terreal France à baissé ses émissions de CO2 de 26,6% par rapport à 2011 et de 11% par rapport à 2014.

Pouvez-vous détailler la partie industrie 4.0 ?

D’abord, il faut dire que l’idée derrière la stratégie mise en place c’est d'avoir une approche structurée qui laisse la place aux initiatives locales. Je pense que l'approche qui consiste à faire uniquement des projets pilotés en central peut fonctionner, mais l'expérience a montré, notamment chez Terreal dans le cadre d'un projet MES (Manufacturing Execution System, outil informatique destiné à améliorer – et à simplifier – l'analyse d'une activité – par exemple une activité de production – pour en améliorer la performance ndlr), que ça n’était pas forcément le cas. Pour ce projet, nous avons impliqué, dès la définition des besoins, les opérateurs. Ils sont venus participer à des retours d'expérience clients, ils sont allés chez les éditeurs du logiciel etc. C'est vraiment avec eux qu'on a effectué le choix de la solution que nous avons mise en place. 

Cette solution, c’est Astra Software, testée sur le site de Colomiers et sur la ligne U6. Suite au succès, en 2021 on va déployer la solution sur deux autres sites : Castelnaudary, les Mureaux ; et entre 2022 et 2024 on va rajouter 13 autre sites, soit une moyenne de 4 sites par an, ce qui permettra à l'issue de l'année 2024, si tout se passe bien, d'avoir l'ensemble de nos 16 sites équipés du même MES en France. C'est un investissement conséquent d’à peu près 100 K€ par site.

Un autre projet pilote a été validé. Il s’agit d’une cabine de contrôle et de tri automatique par vision des tuiles. Des tris qui jusque-là étaient faits par des opérateurs. Cette innovation permet d’assigner les opérateurs à des tâches à plus forte valeur ajoutée. Suite au succès de cette cabine, on a décidé d’en étendre le déploiement : une cabine est en production sur le site de Chagny 2, une autre sur le site de Roumazières et une autre vient d’être installée aux Mureaux.

Plusieurs autres initiatives pilotes sont en cours de réflexion : l'une s’appelle Smart maintenance. L’idée est de mettre en place des solutions de maintenance prédictive. Comme on est dans un processus continu de production,  il est primordial d’anticiper tout défaut pouvant aller jusqu’à la casse. Pour cela nous mettons entre autres à l’étude la solution d’Asystom, des boîtiers autonomes installés sur le moteur d’une machine qui vont en analyser les vibrations  afin d’en établir le comportement normal et déclencher une alerte dès le moment où des irrégularités sont détectées. Nous menons ces tests sur les sites de Rieussequel, Ségala, Colomiers  et Saint-Martin.

En parallèle, notre éditeur de MES Astrée nous a proposé de faire en co-développement avec Schneider une solution de maintenance prédictive appelée Easy Maint. L’idée est d’arriver à utiliser les capteurs de la marque ACOEM, et d'étudier s’ils peuvent répondre à notre besoin et de co-développer la solution logicielle intégrée avec ces capteurs.

Nous avons également Smart process, basée sur l’utilisation du big data, mais nous n’en sommes qu’aux prémisses et Smart carrière (Smart quarry en anglais) qui vise à améliorer la gestion de nos ressources naturelles.

Enfin l’autre projet phare, c’est le projet Titan. Sur le site de Roumazières,  dans le cadre de la modernisation d'une ligne de production et à l’initiative de notre prestataire Tecauma, nous avons utilisé la modélisation 3D et la réalité virtuelle. Nous avons fait réaliser une première modélisation 3D de la nouvelle ligne de production sur laquelle nous avons apporté toutes les modifications nécessaires avant sa construction, ce qui a permis de réaliser des économies substantielles. Ensuite le prestataire a fait venir sur site une cabine de réalité virtuelle pour faire travailler les opérateurs virtuellement sur leur nouveau poste. Ça a permis de détecter les risques, des défauts de conception, l'optimisation des postes de travail et permis à l'opérateur de sentir concerné immédiatement. Cette utilisation de la réalité virtuelle assez originale a vraiment été un succès et je pense que c’est quelque chose qu'on réutilisera.

Le projet Titan a été soutenu par la région Aquitaine parce qu'il permet de réduire de 10% nos émissions de gaz à effet de serre en passant une gamme qui était cuite dans un four à rouleaux, dans un nouveau four UT8 robotisé.

Un très bel investissement de 6,4 M€ subventionné par la région à hauteur de 1,5 M€.

Quel est le budget dévolu à l’investissement pour l’industrie 4.0 chez Terreal ?

De manière générale, nous investissons de manière significative dans l'industrie du futur. Dans le cadre du plan de relance, nous avons eu une subvention de 227 000€ soit 40% des dépenses retenues qui équivaut à environ 1M€. D’autres dossiers sont en cours.

Avez-vous créé des jumeaux numériques de vos sites ?

Nous n’en sommes pas encore à ce stade même si nous suivons précisément ce qui se fait en la matière et en particulier pour suivre/optimiser le paramétrage de nos fours et potentiellement en réduire la consommation énergétique.  En effet on connaît le coût de la modélisation 3D aujourd'hui. Le ticket d'entrée est astronomique. Or chez Terreal, comme ailleurs, l’innovation doit s’inscrire aussi dans une logique de ROI. Or le ROI du jumeau numérique par rapport à ce qu'on a aujourd'hui dans notre feuille de route, compte tenu de l'investissement, il n'est pas évident.

Est-ce que la transformation numérique s’applique aussi à votre logistique ?

La robotisation du banderolage pour le conditionnement des palettes a déjà commencé pour les briques en 2017 : on a changé nos housses thermorétractées par du banderolage et en faisant ça, on a économisé 70% de matières premières plastiques et réduit nos coûts de 50%. Avec une très bonne stabilité de la palette et, autre avantage pour le couvreur alors que la housse thermorétractée prenait beaucoup de place, le cellophane écrasé a la taille d’un ballon de football. C’est donc aussi bon pour les déchets. Ça a commencé à Colomiers et nous avons un plan pour le décliner sur toutes les usines de France avec une première qui a été déclinée à Castelnaudary pour les tuiles, à Roumazières également. Et puis les autres vont suivre.

Nous avons également 2 BU qui ont une utilisation assez avancée des systèmes ERP pour le pilotage du stock. En septembre, nous lançons une analyse  approfondie de leur fonctionnement pour éventuellement l'étendre à l'ensemble du territoire français.

Qu'est-ce que la pandémie et les différentes phases de confinement ont révélé des avantages de cette numérisation, robotisation, automatisation ?

Le premier, je vais enfoncer une porte ouverte, c'est clairement le travail collaboratif. On a clairement accéléré sur la mise en place d'outils type Microsoft365. Le 2e c'est l'accélération sur la cybersécurité. On sait d’après les chiffres de l’Anssi que les attaques ont été multipliées par 4 en 2020. Nous avons donc vraiment mis un énorme coup d'accélérateur avec la nomination d'un RSSI que l’on m’a rattaché et on a embauché une personne.

Est-ce que la transformation digitale concerne aussi les relations avec les pros et les particuliers ?

Evidemment. Nous venons de lancer une application « Mon Toit Terreal », disponible depuis le 6 septembre : un configurateur de toit. Qui va fonctionner en deux phases. L’étape une ça a été de modéliser des modèles de maisons standards (maison du sud, maison du nord, maison normande etc...) sur lesquelles on va pouvoir venir sélectionner les tuiles pour se donner une idée du rendu final. La phase deux consistera après une capture par drone et une modélisation de sa maison d’appliquer les tuiles sur sa propre maison pour observer le rendu.

Source Le Moniteur par Adrien Pouthier |