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24/07/2020

Photovoltaïque : le retour de l'intégré au bâti ?

Le marché du photovoltaïque donne de premiers signes de frémissements en direction de l'intégré au bâti. Plusieurs acteurs français et européens y croient plus que jamais avec, en ligne de mire, l'immense gisement de toitures.

Les tuiles de Sunstyle International recouvriront en partie le pavillon français lors de l'exposition universelle de Dubaï, en 2021.

Depuis les années 2010, on le croyait définitivement enterré. C'était sans compter la ténacité et la conviction d'acteurs qui, pendant des années, patiemment, discrètement, ont retravaillé leurs solutions pour les déployer à grande échelle. La décennie 2020 signera-t-elle le retour du photovoltaïque intégré au bâti ? Les signaux semblent aujourd'hui au vert.

Après le boom des grandes centrales photovoltaïques au sol et sur toiture, les acteurs regardent désormais en direction des toitures et de l'immense gisement solaire qu'elles représentent (680 TWh à l'échelle européenne selon SolarPower Europe). Les solutions en intégration au bâti, comme les tuiles ou les panneaux en façade, comptent bien se faire une part sur ce marché.

Un contexte favorable
L'intégration au bâti se définit en opposition à des éléments qui sont ajoutés sur le bâtiment, comme le sont actuellement les panneaux solaires (en « surimposé »). L'idée est qu'une partie du bâtiment devienne productrice d'électricité : les tuiles, les panneaux en façade, les vitrages…

Le concept est né au début des années 2000. La France a d'abord poussé cette filière, avec un tarif d'achat spécifique. « Mais la réglementation française exigeait que l'intégré au bâti remplisse plusieurs fonctions (couverture, étanchéité, production d'électricité, ombrage…). Cela a fait beaucoup de tort à la filière », explique Étienne Wurtz, directeur de recherche au CEA. Quelques contre-références et les surcoûts de l'intégré au bâti conduiront finalement, après le moratoire de 2010, à supprimer progressivement le soutien spécifique à cette filière et à la condamner, faute de compétitivité.

L'intégration au bâti se définit en opposition à des éléments qui sont ajoutés sur le bâtiment, comme le sont actuellement les panneaux solaires. L'idée est qu'une partie du bâtiment devienne productrice d'électricité : les tuiles, les panneaux en façade, les vitrages…

Mais loin d'abandonner, quelques acteurs ont décidé de poursuivre leurs travaux. La forte baisse des coûts dans le photovoltaïque et le succès de l'autoconsommation rebattent en effet les cartes. Ces dernières années, le photovoltaïque s'est fortement développé via de grandes centrales au sol et de grandes toitures en surimposé, avec un modèle économique basé sur la revente totale de l'électricité au réseau. « Quand la surface est grande, il n'y a pas vraiment de réflexion sur l'autoconsommation. En revanche, sur une maison individuelle ou sur un immeuble, on peut y réfléchir. Avec la baisse des taux d'emprunt et les coûts d'installation actuels, la production d'électricité suffit pour rembourser le prêt chaque année. Au bout de 12 à 15 ans, l'installation peut donc rapporter de l'argent », estime Étienne Wurtz.
Dans un contexte de pression foncière, l'intégré au bâti peut également permettre de massifier le solaire en toiture, y compris dans des zones contraintes en termes d'architecture ou de patrimoine.

Conquérir les toitures, même en ville
Aujourd'hui, le marché de la tuile photovoltaïque tend à se développer le premier. Il s'agit de tuiles en matériaux traditionnels, recouvertes de photovoltaïque en laminé. « Depuis trois ans, nous travaillons avec une équipe suisse à faire évoluer notre produit, explique Éric Scotto, président d'Akuo Energy et de Sunstyle International. À l'origine noir, nous lui avons apporté la couleur pour qu'il s'adapte aux toitures de villes comme Paris ou au sud de la France, où la terre cuite domine ». La couleur peut faire varier la performance de la tuile, de 85 à 115 watts. « Mais le paramètre esthétique rentre aujourd'hui dans l'équation », estime le chef d'entreprise.

La société Edilians fait également le pari de l'environnement urbain pour déployer sa tuile photovoltaïque. Cette entreprise de tuilerie traditionnelle a lancé sa tuile solaire en 2002. Elle équipe aujourd'hui quelques 15 000 installations, essentiellement dans le secteur résidentiel. « Dans le tertiaire, le modèle est plutôt de poser de grandes installations en revente totale. Dans ce cadre, notre produit est plus cher et ne convainc pas », explique Pierre Laumesfeld, responsable commercial de l'activité solaire d'Edilians. L'entreprise devrait déployer plusieurs projets dans les mois à venir dans des métropoles françaises. « Notre technologie est jugée moins impactante au niveau de l'architecture, notamment par les Architectes des bâtiments de France (ABF) ». Les marchés du neuf et de la grosse rénovation sont visés.

Créer un écosystème durable
Convaincre, c'est le défi de la filière aujourd'hui. « Nous avons méthodiquement tout repris à zéro : les certifications pour être "assurables", les projets de démonstration avec des architectes connus… », raconte Éric Scotto, d'Akuo. Après avoir équipé dès 2008 le marché de Saint Charles (9 MW) à Perpignan (Pyrénées-Orientales), la tuile solaire de Sunstyle va s'installer sur le pavillon français lors de l'exposition universelle de Dubaï, en 2021. D'autres projets architecturaux d'envergure sont dans les cartons, mais aussi des projets de plus petite échelle, dans le résidentiel.


Des projets de production en France et en Europe
Dans le cadre du plan de relance, la Commission européenne devrait soutenir plusieurs projets de production sur le photovoltaïque intégré au bâti (BIPV en anglais). « L'objectif est de massifier la production alors qu'on était jusque-là sur des marchés de niche », explique Étienne Wurtz.
Le fabricant norvégien REC a, dans ses cartons, une usine de 2 GW à Sarreguemines (Moselle). Akuo a également fait le choix d'installer son unité de production en France, à Châtellerault (Vienne). L'usine, qui produit depuis 2019 près de 50 MW, a été conçue pour monter en puissance.

Mais avant le déploiement, il a fallu former des installateurs. « La difficulté de la tuile solaire est qu'il faut réunir les compétences de couvreur et d'électricien. On a voulu créer un métier intermédiaire, mais c'est complexe », analyse Étienne Wurtz, du CEA.
À côté de son usine de production de tuiles solaires, située à Châtellerault (Vienne), Akuo a lancé, depuis un an, une formation pour les artisans couvreurs. Une autre formation est délivrée dans le lycée de Conflans (Yvelines).

Edilians a fait un pari différent : « Nous avons développé une technologie pour les couvreurs : le branchement est simplifié au maximum en toiture. En revanche, les raccordements au réseau et au tableau électrique doivent être réalisés par un électricien. L'idée est que chaque corps de métier intervienne sur son métier », indique Pierre Laumesfeld.

Demain, des façades productrices d'électricité ?
La tuile est le premier maillon de l'intégré au bâti, et le plus mature. « À plus long terme, la vraie intégration sera en façade. Aujourd'hui, on ne sent que des frémissements du marché mais la croissance est exponentielle. Demain, le photovoltaïque ne doit plus se voir », estime Étienne Wurtz. Il s'agit d'intégrer des films photovoltaïques sur des panneaux de façade. Comme pour la tuile solaire, les coloris peuvent varier pour s'adapter aux contraintes architecturales. Cette solution est en phase de démonstration aujourd'hui. « La production d'électricité permettra de couvrir les surcoûts de réalisation. L'idée est de travailler sur l'adéquation entre la production et la consommation, avec une orientation est/ouest pour suivre les courbes d'autoconsommation et éviter un pic de production en milieu de journée ».

Et quid des vitres solaires ? « L'idée est tentante, possible techniquement, mais les clients ont de fortes attentes sur la transparence des vitrages. Il y a encore du travail pour améliorer la clarté », analyse l'expert.

Source Actuenvironnement

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