Malgré l'adoption d'un guide de bonnes pratiques sanitaires validé par les pouvoirs publics, la filière ne parvient pas à relancer son activité. Entre masques manquants et commande en panne, tout bloque.
Le 17 mars à midi, presque tous les chantiers de France se sont arrêtés d’un coup. Près d’un mois plus tard, les faire repartir se révèle plus compliqué que prévu. Aux craintes des salariés pour leur santé, aux calculs des entreprises sur leurs dépenses supplémentaires vient s’ajouter l’attentisme des collectivités locales, en particulier des municipalités. Même dans les 30 000 communes où une liste a obtenu la majorité dès le premier tour, l’élection du maire par le conseil municipal n’a pas pu avoir lieu, l’ancienne équipe restant en poste pour gérer les affaires courantes. Bref, aucun rouage de la machine ne s’est remis en route.
Pourtant, dans un souci d’apaisement, les grandes fédérations patronales du secteur et le gouvernement s’étaient mis d’accord sur la rédaction d’un guide des bonnes pratiques de travail dans le contexte de l’épidémie de Covid, fondé sur les recommandations de l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) et validé par les ministères du Travail et de la Santé. Publié le 2 avril, ce document n’a apparemment pas suffi, pas plus que la pression de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, pour une reprise au plus vite. «Tout le monde a la trouille», résume un acteur du secteur.
«On peut dire ce qu'on veut , il n'y a pas de masques»
Dans le bâtiment et les travaux publics, le télétravail n’est pas possible, la distanciation injouable dans bien des situations de chantier, les vestiaires et les réfectoires ingérables sauf à multiplier les préfabriqués. Quant à la limitation des contacts… «Rencontrer pas plus de cinq personnes par jour ? On fait partie de ceux qui dans une journée, en rencontrent bien plus… soupire Patrick Liébus, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). Et puis, on n’a pas de masques. On peut dire ce qu’on veut, il n’y a pas de masques.»
Certes, un petit nombre d’entreprises ont pu reprendre les outils. «Les chantiers redémarrent très doucement. 25% à 30% des boîtes ont recommencé à travailler, surtout quand les artisans sont seuls.» Pour eux, la grande inquiétude tient davantage aux décisions des clients qu’à l’épidémie. «Nous travaillons beaucoup avec les commerçants, les restaurants, les hôtels. Il y en a plein qui ont annulé leurs commandes et le phénomène s’accélère», dit encore Liébus. Le guide des bonnes pratiques n’a-t-il servi à rien ? «Si. Il a rappelé aux gars les fondamentaux pour protéger les salariés et les clients. Sinon, ils s’en fichaient.»
Commande «qui fond comme neige au soleil»
La lecture du guide montre à quel point l’application des mesures de précaution n’est pas simple dans ces métiers où les situations sont incroyablement diverses. Au point que pour répondre à leurs spécificités, certains groupements professionnels ont édité en plus leurs propres fiches. Dans tous ces documents, une constante : travailler en temps de Covid, c’est plus lent et plus cher. «Le guide a été validé par la terre entière et il tient la route, reconnaît-on à la Fédération française du bâtiment (FFB). Mais sur le terrain, la distanciation n’est pas évidente et notre gros problème, c’est la pénurie de masques.» Là aussi s’ajoute la question de la commande, «qui fond comme neige au soleil».
A l’autre bout de la chaîne, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) constate elle aussi que le redémarrage n’est pas flagrant. «Nous avons lancé une enquête auprès de nos entreprises», explique-t-on à la communication de la fédération. Leurs clients sont «à 70% publics», dont beaucoup de collectivités restées en quelque sorte coincées entre deux élections car les conseils d’agglomération n’ont pas pu élire leurs exécutifs. «Ce sont les agglomérations qui sont donneuses d’ordre maintenant.» Or là, «il n’y a pas d’appels d’offres et le vrai sujet d’inquiétude, c’est le carnet de commandes de l’après-crise». Auquel s’en ajouterait un autre, d’ordre juridique, «si le gouvernement avait l’idée folle de reconnaître le Covid comme maladie professionnelle». Ce que réclame la CGT en s’appuyant, elle aussi, sur la pénurie de masques.
Source Libération par Sibylle Vincendon
Le 17 mars à midi, presque tous les chantiers de France se sont arrêtés d’un coup. Près d’un mois plus tard, les faire repartir se révèle plus compliqué que prévu. Aux craintes des salariés pour leur santé, aux calculs des entreprises sur leurs dépenses supplémentaires vient s’ajouter l’attentisme des collectivités locales, en particulier des municipalités. Même dans les 30 000 communes où une liste a obtenu la majorité dès le premier tour, l’élection du maire par le conseil municipal n’a pas pu avoir lieu, l’ancienne équipe restant en poste pour gérer les affaires courantes. Bref, aucun rouage de la machine ne s’est remis en route.
Pourtant, dans un souci d’apaisement, les grandes fédérations patronales du secteur et le gouvernement s’étaient mis d’accord sur la rédaction d’un guide des bonnes pratiques de travail dans le contexte de l’épidémie de Covid, fondé sur les recommandations de l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) et validé par les ministères du Travail et de la Santé. Publié le 2 avril, ce document n’a apparemment pas suffi, pas plus que la pression de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, pour une reprise au plus vite. «Tout le monde a la trouille», résume un acteur du secteur.
«On peut dire ce qu'on veut , il n'y a pas de masques»
Dans le bâtiment et les travaux publics, le télétravail n’est pas possible, la distanciation injouable dans bien des situations de chantier, les vestiaires et les réfectoires ingérables sauf à multiplier les préfabriqués. Quant à la limitation des contacts… «Rencontrer pas plus de cinq personnes par jour ? On fait partie de ceux qui dans une journée, en rencontrent bien plus… soupire Patrick Liébus, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). Et puis, on n’a pas de masques. On peut dire ce qu’on veut, il n’y a pas de masques.»
Certes, un petit nombre d’entreprises ont pu reprendre les outils. «Les chantiers redémarrent très doucement. 25% à 30% des boîtes ont recommencé à travailler, surtout quand les artisans sont seuls.» Pour eux, la grande inquiétude tient davantage aux décisions des clients qu’à l’épidémie. «Nous travaillons beaucoup avec les commerçants, les restaurants, les hôtels. Il y en a plein qui ont annulé leurs commandes et le phénomène s’accélère», dit encore Liébus. Le guide des bonnes pratiques n’a-t-il servi à rien ? «Si. Il a rappelé aux gars les fondamentaux pour protéger les salariés et les clients. Sinon, ils s’en fichaient.»
Commande «qui fond comme neige au soleil»
La lecture du guide montre à quel point l’application des mesures de précaution n’est pas simple dans ces métiers où les situations sont incroyablement diverses. Au point que pour répondre à leurs spécificités, certains groupements professionnels ont édité en plus leurs propres fiches. Dans tous ces documents, une constante : travailler en temps de Covid, c’est plus lent et plus cher. «Le guide a été validé par la terre entière et il tient la route, reconnaît-on à la Fédération française du bâtiment (FFB). Mais sur le terrain, la distanciation n’est pas évidente et notre gros problème, c’est la pénurie de masques.» Là aussi s’ajoute la question de la commande, «qui fond comme neige au soleil».
A l’autre bout de la chaîne, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) constate elle aussi que le redémarrage n’est pas flagrant. «Nous avons lancé une enquête auprès de nos entreprises», explique-t-on à la communication de la fédération. Leurs clients sont «à 70% publics», dont beaucoup de collectivités restées en quelque sorte coincées entre deux élections car les conseils d’agglomération n’ont pas pu élire leurs exécutifs. «Ce sont les agglomérations qui sont donneuses d’ordre maintenant.» Or là, «il n’y a pas d’appels d’offres et le vrai sujet d’inquiétude, c’est le carnet de commandes de l’après-crise». Auquel s’en ajouterait un autre, d’ordre juridique, «si le gouvernement avait l’idée folle de reconnaître le Covid comme maladie professionnelle». Ce que réclame la CGT en s’appuyant, elle aussi, sur la pénurie de masques.
Source Libération par Sibylle Vincendon
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