Pages

16/05/2019

Impression 3D, la fabrication additive sort du laboratoire

De premiers objets prototypes ont été imprimés : un paravent, du mobilier urbain, des récifs coralliens.

La technique d'impression actuellement pratiquée est celle de l'impression par strates empilées qui présente des limitations comme le devers maximal. Cette volonté d'imprimer des formes complexes avec davantage de liberté a conduit l'architecte Amaury Thomas a créé Soliquid. La technique développée par cette start-up consiste à injecter du béton composite dans une matrice de gel pour conserver le béton en place le temps de la solidification. Une vraie liberté de forme est autorisée. « Nous avons mis au point un système complet avec un bac à gel, une pompe, le système d'impression, détaille Amaury Thomas . C'est plus contraignant que l'impression, car il faut extraire la pièce du bac avec un palan si elle est lourde, enlever le gel déposé à sa surface, etc. A priori, d'autres matériaux que le béton à prise rapide peuvent être imprimés. Tous les matériaux qui se solidifient dans l'eau à l'abri de l'air peuvent être utilisés comme des géopolymères. »
AUTRES MATÉRIAUX D'IMPRESSION
Mousse de PU - BatiPrint3D (Nantes)
L'université de Nantes (44) a développé BatiPrint3D, un procédé d'impression 3D robotisée de mousse de polyuréthane (PU). Cette expertise a été mise à profit en septembre 2017 sur le chantier de construction de la maison Yhnova, un projet porté par le bailleur social Nantes Métropole Habitat avec, comme partenaires, le cabinet d'architecture Tica et Bouygues Bâtiment Grand Ouest. La maison, qui est depuis habitée, a une surface de 95 m2 et presque 4 mètres de hauteur. La mousse PU imprimée sert à la fois de coffrage perdu pour le béton coulé et d'isolant. Autre résultat, la SATT Ouest Valorisation édite Power-ADD, un logiciel de programmation de trajectoires pour la fabrication additive, qui, sur le projet, s'est appuyé sur les outils Delcam d'Autodesk (PowerShape et PowerMill).
Argile et fibres de riz - Wasp (Italie)
Les Italiens de la société Wasp installée à Massa Lombarda, près de Bologne, sont les plus avancés concernant l'impression de terre crue. Leur imprimante extérieure avec portique d'une hauteur de 12 mètres sert à imprimer des maisons. Une version intérieure plus petite, la DeltaWasp, est destinée à imprimer des objets en argile, qui sont ensuite cuits pour obtenir de la céramique. Wasp travaille aussi avec l'IA AC, l'Institut en architecture avancée de Barcelone, dans le cadre de l'Open Thesis Fabrication programme. Un premier prototype de mur de 40 cm de large supportant un escalier a été imprimé avec de l'argile mélangée à des fibres de riz et renforcé avec des éléments en bois.
Frittage métallique - Arup (Amsterdam)
Le bureau d'Arup à Amsterdam a dessiné, pour une installation artistique, des nœuds à usage structurel issus d'une fabrication additive par frittage métallique. Modélisée au départ avec le tandem Rhino et Grasshopper, la forme des nœuds a été optimisée grâce aux outils logiciels d'Altair Engineering (solveur HyperMesh et optimisation topologique OptiStruct). Le nœud imprimé est 75 % plus léger et moitié plus petit qu'un nœud classique permettant d'alléger la structure globale de plus de 40 %. En aéronautique, les pièces obtenues par frittage métallique sont déjà certifiées pour des usages exigeant une très grande résistance. C'est le cas, par exemple, des injecteurs de carburant du moteur avionique Leap, dont 30 000 unités étaient imprimées à fin 2018.
Sable et plastique recyclé - Nasa (USA)
Autodesk est partenaire de la Nasa sur un programme de recherche dans le cadre de la colonisation d'autres planètes et les possibilités de construction sur Mars ou sur la Lune en exploitant la régolithe, un mélange de sable et de gravillons qui se trouve en surface du sol. Ce matériau meuble peut être rigidifié avec une résine terrestre de type plastique recyclé de bouteilles et imprimé en 3D. « Les tests menés montrent que le résultat imprimé est plus résistant que le béton. Sa résistance est 30 % meilleure en traction, 20 % meilleure en flexion et deux fois meilleure en compression que le béton. Un deuxième test va être effectué en imprimant un réservoir cryogénique de six mètres de diamètre », détaille Fikret Kalay, responsable de la recherche avancée en robotique chez Autodesk. Impression 3D, la fabrication additive sort du laboratoire
Pour la construction de la maison Yrys du groupe MFC (Maison France Confort), XtreeE a imprimé en 3D les moules de quatre poteaux extérieur et d'un mur intérieur décoratif dans lesquels a été coulé un BFUP.
En cours d'industrialisation, la fabrication additive dans le secteur du bâtiment pose des questions inédites sur la mise au point des matériaux, la création d'une chaîne numérique de la conception à la fabrication.
L'impression 3D ou la fabrication additive a récemment été médiatisée avec la maison Yhnova, à Nantes (44), imprimée sur site avec le procédé BatiPrint3D, et avec la maison Concept Yrys du Groupe MFC dont les colonnes aux formes organiques ont été imprimées par XtreeE. Afin de garantir la résistance structurelle de ces deux projets, seul le coffrage du béton a été imprimé. Plus ambitieux, les nouveaux projets en développement entendent industrialiser le procédé et imprimer des éléments structurels. C'est le cas des cinq maisons du programme Viliaprint à Reims (51) de Plurial Novilia, avec Coste Architectures, Demathieu Bard et XtreeE pour l'impression 3D, de la maison en métropole lilloise de Vilogia avec Envergure Architectes, Bouygues Bâtiment ainsi que du futur siège social de Constructions 3D. Les centres de recherche universitaires et les écoles d'ingénieurs sont mobilisés. « L'impression 3D requiert une vision globale et nous travaillons sur trois volets en même temps : la partie architecturale avec le BIM et la mise au point de solutions robotisées adaptées à la construction, le développement de nouveaux matériaux à bas carbone, comme la terre crue, l'argile ou les géopolymères ainsi que l 'organisation du projet et du chantier avec le lean », résume Zoubeir Lafhaj, titulaire de la chaire de recherche industrielle construction 4.0 à l'École centrale de Lille (59).
Pour son imprimante béton, Sika met en avant une impression 3D très rapide, à environ un mètre par seconde et une précision inférieure au millimètre. Une forme optimisée
La fabrication additive autorise une certaine liberté dans le design (le free form) avec des formes fluides et organiques, mais il faut tenir compte des limites d'une fabrication par empilement successives de couches. « Il existe des règles à suivre avec un éventail de contraintes à connaître comme la pente autorisée par rapport à la verticale. Suivant l 'usage en compression ou en traction, le devers d 'une pièce doit ainsi être limité entre 10 et 25 à 30° max. Il faut aussi tenir compte de la précision et de la dimension minimale des couches », explique Axel Théry, cofondateur de Constructions 3D.
La matière imprimée est coûteuse et son utilisation est optimisée en créant des cavités. Entre 30 et 70 % de la matière serait économisée. « On imprime un corps creux en s' inspirant de l'ossature bois pour que ce soit porteur. Pour l ' isolation, il est possible d'exploiter la présence de ces creux pour injecter de la mousse PU ou insuffler de la ouate de cellulose », argumente l'architecte Fabien Prouvost, fondateur de l'agence Envergure Architectes. Un process numérique
La modélisation 3D est indispensable pour concevoir les formes imprimées. L'optimisation de la forme des cavités dépend du procédé d'impression et de l'usage de la pièce. Chez XtreeE, « nous avons développé des applications dans nos logiciels de modélisation pour optimiser le design, les réservations et pour simuler l ' impression des éléments en fonction de la forme du renfort intérieur, par exemple, en nid d 'abeilles ou en sinusoïdes , explique son cofondateur et directeur général Alain Guillen . Limiter l'usage de matière minimise l' impact environnemental et permet d'imprimer plus rapidement ». Le modèle validé est alors converti automatiquement en code pour programmer le bras robotisé (XtreeE, BatiPrint3D, Constructions 3D) ou le portique (Wasp, Sika, Be More 3D). « Des logiciels dits trancheurs ( slicers) découpent le modèle CAO 3D validé tranche par tranche pour imprimer les couches de béton les unes après les autres. Un code de commande d'impression est généré avec les trajectoires pour piloter le robot. Des pauses dans l'impression doivent être prévues pour des interventions manuelles, comme la pose d 'un linteau ou de réservations », précise Jean-Marie Vergas, directeur technique & développement d'A3D Project, partenaire du programme de recherche PrintArch.
Prototype de maison pour Vilogia en métropole lilloise avec procédé d'impression 3D Inno'Shape, développé par Bouygues Bâtiment et la start-up hollandaise CyBe. Caractériser le matériau
Actuellement, il n'existe pas de DTU pour la mise en œuvre des matériaux imprimés ni de méthodologies standardisées pour des tests de résistance ou de pérennité. Aussi, jusqu'à présent, les premières réalisations en impression 3D étaient non structurelles. « L'impression 3D demande de mettre en place une méthodologie d'études pour caractériser la performance des matériaux et des pièces imprimées. Il se pose en particulier la question de l'adhérence entre les couches imprimées », souligne Olivier Herr, responsable innovation chez Sika. Les projets à l'étude témoignent d'une volonté d'industrialiser en imprimant des éléments structurels de grandes dimensions pour des bâtiments habités. Ces nouveaux usages passent par une demande d'Atex auprès du CSTB.
Constructions 3D a planifié d'imprimer cette année ses nouveaux locaux, un bâtiment d'environ 70 m 2 de surface et de 3 m de hauteur à la forme complexe. « Notre mortier technique joue un rôle structurel qui n'est pas reconnu par les normes. Aussi, dans certains vides des murs imprimés, nous allons couler des éléments en béton classique pour le passage des efforts », précise Axel Théry. Sur le projet de Plurial Novilia, Florent Haas, directeur de l'agence Champagne de Demathieu Bard, explique que « le béton imprimé des murs aura un rôle structurel et servira aussi comme élément de coffrage pour le béton armé. Il nous faudra aussi étudier les raccords au sol, la manière d'incorporer les réservations aux façades, prendre en compte les différents lots techniques, ainsi que les arrondis, etc. ». Du béton oui, mais pas que…
Le mortier technique utilisé en impression offre une résistance à la traction très faible et à la compression entre 75 et 100 Mpa suivant les fabricants. Il doit être suffisamment fluide pour circuler dans le système d'alimentation et la tête d'impression puis doit - une fois imprimée - durcir en quelques minutes et ne pas s'affaisser. Un gage de qualité est aussi l'obtention d'une cohésion entre les couches successives.
L'industriel Sika a développé une imprimante 3D qu'il a présentée début 2018. « Sika a fait le choix d 'un portique qui permet d'obtenir une précision d'impression inférieure au millimètre pour une couche imprimée en 5 mm de largeur pour un centimètre d'épaisseur. Une autre innovation du système réside dans le système d 'alimentation qui fonctionne en continu, ce qui évite de devoir recharger un malaxeur à béton », précise Olivier Herr. Performant, le béton bénéficie de l'existence d'une filière organisée qui travaille à l'établissement d'une certification.
Mais l'impression d'autres matériaux est expérimentée comme la terre crue et l'argile (Wasp en Italie), la mousse de PU (BatiPrint3D à Nantes), le bioplastique fondu extrait d'huile de olza (DUS Architects aux Pays-Bas), le bamboo à Miami (SHoP Architects), la céramique (chez Imerys ou Wasp)…
Source Cahiers techniques du bâtiment par François Ploye

Aucun commentaire: