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13/08/2017

La réforme forcée du Code du travail avance encore d’un pas

Une nouvelle réforme s'annonce, tandis que 24 fédérations syndicales de la CGT poursuivent leurs recours juridiques contre la loi Travail version 2016.

S’il y a bien une promesse de campagne qu’Emmanuel veut tenir et vite, c’est celle de réformer une nouvelle fois le Code du travail. Objectif : des salariés toujours plus flexibles ! Le projet de loi permettant à Emmanuel Macron  de gouverner par ordonnances a été présenté ce mercredi 28 juin en Conseil des ministres.

Le projet de loi permettant à Emmanuel Macron et au gouvernement d’orchestrer une nouvelle casse du Code du travail par ordonnances a été présenté ce mercredi 28 juin en Conseil des ministres. L’objectif principal est d'accorder plus de flexibilité à l'entreprise, autrement dit de fragiliser les droits des salariés.

Ce projet de loi encadre les futures ordonnances, destinées, selon la ministre du Travail Muriel Pénicaud, à assurer "plus de dialogue social et économique, qui amène plus de liberté, plus de sécurité". Ce qui est assurer, c’est que députés et sénateurs seront privés de débattre sur le fond de la réforme. La majorité est seulement conviée à habiliter l’Elysée et Matignon  légiférer sans en passer par aucun amendement et aucun vote. Un déni de démocratie qui n’est pas sans rappeler que la précédente Loi travail, dite Loi El-Khomri était elle aussi passée en force, Manuel Valls ayant eu recours au 49-3 pour l’imposer.

Les contours de la mouture 2017 promettent de modifier les domaines de négociation réservés à la branche professionnelle et à l'entreprise, de fusionner des instances représentatives du personnel (CE, CHSCT…), de plafonner les dommages et intérêts pour licenciement abusif...

D'autres sujets sont sur la table, comme la rupture de contrat de travail qui pourrait permettre au salarié démissionnaire de percevoir des allocations chômage sous conditions. D’autres pans de « nouveautés » devraient concerner le licenciement économique ou le recours au contrat de chantier (un contrat qui menace le CDI), selon le projet rendu public par le ministère.

Cette réforme va plus loin que la très décriée loi travail, qui avait déclenché l'an dernier la plus grande mobilisation sociale jamais connue sous un gouvernement dit de gauche. Mais, entre-temps la donne a changé, ce qu'a rappelé le Premier ministre Edouard Philippe en Conseil des ministres. Relevant "l'importance" de cette réforme, il "a tenu à rappeler que ce texte avait une légitimité politique", selon le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner. Effectivement, dans les derniers jours de campagne des élections législatives qui ont vu triompher la République En Marche et offert une majorité de députés à Emmanuel Macron, des infos avaient fuitées. Un peu tard pour que l’opinion publique ne prenne conscience du danger, sans doute.

Certes, l'exécutif prend soin d’organiser une série de réunions de concertations entre  organisations syndicales et patronales. Elles vont se poursuivre tout l'été. Une période dont chacun sait qu’elle n’est pas propice aux mobilisations. Comment ne pas y voir la raison pour lquelle le gouvernement souhaite aller vite. Le projet de loi d'habilitation sera examiné au Parlement (députés et sénateurs) du 24 au 28 juillet.

Quant aux ordonnances et à leur contenu réel, elles seront présentées "fin août aux partenaires sociaux, ils en auront la primeur", a assuré la ministre lors d'une conférence de presse. Elles doivent être adoptées en Conseil des ministres d'ici le 20 septembre. Gageons que cette loi Travail sera au cœur des débats de la Fête de l’Humanité qui se déroulera à La Courneuve les 15, 16 et 17 septembre prochains.

Du côté des syndicats de salariés, la CGT et Sud notamment, ont commencé à informer et à mobiliser, comme hier à Paris lors d’une manifestation devant l’Assemblée nationale. Jugeant que le "dialogue social est pipé d'avance", la CGT appelle déjà à une journée d'actions et de grèves dans toutes les entreprises et services le 12 septembre. La CFE-CGC se montre également de plus en plus critique, fustigeant le "grand flou" sur les intentions du gouvernement, François Hommeril, le patron du syndicat des cadres, estimant que le lien entre le chômage et "la prétendue complexité du Code du travail" est "un fantasme total".D'autres préfèrent attendre la fin des discussions avant de se prononcer (CFDT, FO, CFTC). FO était en première ligne aux côtés de la CGT lors de la fronde contre la loi travail, mais son secrétaire général Jean-Claude Mailly se montre plus nuancé pour l'instant, saluant dans Le Monde mercredi une concertation allant "dans le bons sens" tout en mettant en garde contre une "loi travail grand patron". Même position à la CFDT, qui réclame une réunion multilatérale avec toutes les organisations syndicales et patronales pour discuter des ordonnances en septembre. "On verra à ce moment, la position à prendre en termes de mobilisation ou pas", a relevé Laurent Berger, son secrétaire général.

Côté patronal, la future réforme est très attendue, mais les avis divergent sur son contenu

Pierre Gattaz, président du Medef, milite pour que les accords de branche ne priment "que par exception" afin de donner "la possibilité au chef d'entreprise de négocier le plus de choses possible avec ses salariés, directement". Avec ce que cela sous-entend de pressions dans les négociations. Cette ligne, la CPME qui représente les petites et moyennes entreprises semble s’en distinguer un peu, en souhaitant que la branche conserver ses verrous, mais en appelant à "sécuriser la rupture pour sécuriser l'embauche, car beaucoup d'entreprises refusent d'embaucher, tétanisées par les prud'hommes", a expliqué François Asselin, son président.

Pour le gouvernement, l'enjeu est de réduire le taux de chômage, à 7% en fin de quinquennat en 2022, contre 9,4% prévu cette année par l'Insee. Des chiffres qui resteront de toutes façons observés, commentés et vécus au quotidien par des milliers de travailleurs, quoiqu’il arrive à ce projet de légiférer vite et fort.

Source L'Humanité par Laurence Mauriaucourt

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