Pages

02/09/2016

La grande épopée de la céramique en Bourgogne

Construite entre 1869 et 1900 à Ecuisses, la villa Perrusson vient d'être restaurée. Elle temoigne du savoir-faire des céramistes bourguignons du XIXe siècle.
Longtemps, cette industrie a prospéré en Saône-et-Loire, dans le sud de la Bourgogne. Plus qu'un savoir-faire, c'est un art, dont il reste de beaux vestiges à découvrir le long du canal du Centre.
C’est une opulente villa, protégée par quelques arbres et entourée d’un jardin ondulant autour d’elle, comme s’il cherchait à la charmer. Mais la vénérable demeure du XIXe siècle semble l’ignorer, préférant jouer avec le soleil en lui offrant ses beaux médaillons colorés, ses tuiles vernissées et ses crêtes dorées qui évoquent furieusement le château de Versailles. Bienvenue à la villa Perrusson, dont l’extérieur vient d’être restauré. Un travail qui redonne tout son faste à ce vestige de l’âge d’or de la céramique en Saône-et-Loire, dans le sud de la Bourgogne.
Pendant un siècle, dès 1860, une quarantaine de manufactures ont en effet prospéré ici, le long du canal du Centre. C’est d’ailleurs le creusement de ce canal à la fin du XVIIIe siècle, qui révèle la richesse du sous-sol en argile, matière première indispensable dans la fabrication de la céramique. La région dispose aussi d’autres atouts, avec la proximité du charbon à Montceau pour alimenter les fours, l’arrivée du chemin de fer et les nombreuses voies d’eau disponibles pour le transport. Tout est réuni pour donner naissance à cette véritable vallée de la céramique. La révolution industrielle est là, les usines tournent à plein : carreaux et récipients en grès, décors en faïence, poteries, tuiles, briques, toutes les formes de céramique sont fabriquées dans ces usines. Seule la porcelaine, par manque de kaolin, ne sera pas produite en Saône-et-Loire. Le verre et l’arrivée du plastique viendront tuer cette industrie.
Mais revenons à la belle villa Perrusson, tout près du Creusot. Résidence du céramiste Jean-Marie Perrusson, elle était implantée à deux pas de son usine. Elle lui servait aussi de « showroom » afin de mettre en valeur sa production. C’est ce qui explique la richesse des décors. Il fallait épater le client ! Avec le même objectif, l’industriel participe en 1889 à l’exposition universelle. Au pied de la toute jeune Tour Eiffel, il implante un kiosque orné de céramiques, dont on retrouve aujourd’hui le clocheton sur sa maison.
A Paris, il côtoie d’autres Bourguignons, notamment Paul Charnoz, de Paray-le-Monial, venu présenter une superbe fresque en carreaux de grès incrustés. Spécialité de Charnoz comme de Perrusson, ces carreaux colorés, aux beaux motifs floraux, remporteront un vif succès au début du XXe siècle. On les retrouve encore au sol ou au mur d’hôtels et cafés de la région, et même dans la basilique clunisienne de Paray-le-Monial ! Visiter le musée Paul-Charnoz permet de tout comprendre de la fabrication complexe de ces carreaux. C’est là que sont conservés la fascinante fresque de l’expo de 1889 et une imposante rosace présentée à celle de 1900. De l’usine, il ne reste plus rien, ou presque.
Pour retrouver la poussière et le bruit des machines, il faut faire quelques kilomètres, jusqu’à Digoin par exemple, où la manufacture, créée en 1875, résiste encore. La visite, assurée par la passionnée propriétaire des lieux, est émouvante : à perte de vue s’alignent des centaines de moules inutilisés dans des hangars démesurés. L’usine a compté jusqu’à 600 salariés, il en reste à peine 20. Pourtant, cette vision qui pourrait être déprimante donne surtout l’irrépressible envie de sauvegarder ces savoir-faire et ce fabuleux patrimoine.
Voir

  • Villa Perrusson, à Ecuisses (71). Ouvert tous les jours jusqu'au 2 octobre 2016, de 14h à 18h. Visite commentée de l'extérieur de la villa (45 min). 4 €.
  • Musée Paul-Charnoz, à Paray-le-Monial (71). Ouvert tous les jours jusqu'au 28 août 2016, de 14h30 à 18h. Entrée libre. Visite possible hors saison sur rendez-vous uniquement.
  • Manufacture de Digoin, à Digoin (71). Visite sur rendez-vous, en appelant le 03 85 25 51 51. 5 € (attention, l'usine est fermée en août).
  • Musée de la céramique, à Digoin (71). Dans une belle maison de 1742, le musée présente une riche collection de céramiques produites dans les manufactures de la cité depuis le XIXe siècle. Horaires de l'été : du lundi au vendredi, 9h-12h et 14h-18h. Le samedi et le dimanche, 14h30-18h (6 €). Le reste de l'année, se renseigner au 03 85 53 88 03 ou 06.07.50.75.26.
  • La Briqueterie, à Ciry-le-Noble (71). Fermée en 1967, la visite de cette usine permet de bien comprendre ce qu’était l’industrie de la céramique le long du canal du Centre. Toutes les machines sont en état de marche. Ouvert tous les jours jusqu’au 28 août 2016, de 14h à 18h (3 €). 03.85.79.12.90.
  • Maison de la mosaïque contemporaine, à Paray-le-Monial (71). Exposition temporaire toute l’année. Jusqu’au 15 septembre 2016, expo « Bestiaire minéral », ou comment l’animal stimule la créativité des mosaïstes. Ne pas manquer la saisissante chouette d’Olivier Perret. Ouvert tous les jours, 15h-18h, entrée libre. Chaque été, une exposition de grands noms de la mosaïque se tient en plus dans la tour Saint-Nicolas, vestige d’une église gothique du XVIe siècle, en face du superbe hôtel de ville de Paray-le-Monial. Enfin, la maison de la mosaïque propose toute l’année des formations à cet art si complexe.

Source Télérama part Patrice Jouêtre

Aucun commentaire: