Pages

24/01/2016

Madagascar: L’utilisation des briques cuites encouragées par l’État

Les Malgaches connaissent bien, et depuis fort longtemps, l’utilisation de la terre comme matériau de construction. C’est à l’Anglais Cameron qu’on doit, dès 1829, l’utilisation de briques d’argile séchées au soleil. Elle est assemblée par un mortier traité superficiellement par fouettage d’herbes ou badigeonnage de lait de chaux.
L’élaboration de la pâte d’argile servant à la fabrication des briques, reste la même que celle de la terre à bâtir. Les premières constructions de briques crues comportent des pièces de bois pour les éléments horizontaux (linteaux, planchers) et pour les piliers de véranda. La brique crue se combinera très vite à la brique cuite dès son apparition, mais elle reste cependant un matériau de base très économique.
Bien que ce procédé donne de bons résultats sur la qualité de la cuisson, il est abandonné au profit de la technique hollandaise qui, si elle donne des qualités de cuisson très irrégulière, permet un rendement très supérieur. « Il reste aujourd’hui quelques rares exemplaires du four à la française, implantés près de riches résidents dans les environs de Tananarive. Il est aussi à noter que la technique de cuisson des briques entraînera la fabrication de tuiles du type écaille, tuiles qui remplaceront jusqu’à l’arrivée de la tôle ondulée, ces couvertures de chaume et les rares couvertures de bois réservées aux palais et riches demeures » (Jean-Pierre Testa, École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, 1971). La technique hollandaise qui doit se généraliser vers la fin du XIXe siècle, remplaçant définitivement la technique introduite par Jean Laborde, reste très largement utilisée de nos jours. « On peut toujours voir en saison sèche dans les rizières, d’importants troncs de pyramides laissant échapper des filets de fumée qui en indiquent le fonctionnement.» Ces fours sont constitués par les mêmes briques crues destinées à la cuisson. La base de la pyramide comporte un certain nombre de foyers qui sont remplis de bois. Les briquetiers continuent ensuite la construction avec les briques crues préalablement séchées au soleil. Elles sont disposées de manière à ce que la flamme soit divisée et répartie au maximum, dans le corps de la pyramide. La partie supérieure est recouverte de terre et les parois enduites de terre.
Cette fabrication reste l’apanage d’un artisanat encore très actif. La qualité des produits est en régression à cause de l’important marché actuel, certains constructeurs soucieux d’une certaine régularité géométrique des briques, fournissent les moules métalliques. La dimension est généralement de 10x10x21cm. À l’époque, l’Administration encourage, pour les marchés publics dans les opérations d’habitation, l’emploi de ce matériau typiquement local.
L’utilisation de la brique cuite, dès son apparition au XIXe siècle, va se généraliser, combinée à la brique crue. Employée seule ou avec la pierre, elle va être l’élément essentiel qui donnera à l’habitation son caractère original. « Employée de façon audacieuse, elle rentrera dans la composition de tous les éléments de l’habitation, voûtes, piliers, cheminées, porches. »
La pierre, par tradition réservée à l’érection des tombeaux, des fortifications, murs ou portes à disque, sera utilisée pour la première fois, de façon artistique par Jean Laborde, pour la construction du mausolée du Premier ministre Rainiharo en 1835. L’interdiction de bâtir une habitation en pierre dans le Rova pour les castes nobles, retardera son emploi. Les premiers missionnaires en feront des temples et églises.
Ce n’est qu’en 1869 que Ranavalona II se convertissant au christianisme, abolit la vieille loi instaurée par Andrianampoinimerina et fait revêtir de pierre, par Cameron, le Palais de bois de Manjakamiadana, construit en 1840 par Jean Laborde. La pierre acquiert alors son titre de noblesse et devient le matériau de choix utilisé pour les nombreux piliers à chapiteau lotuforme soutenant les vérandas des riches demeures bourgeoises. Tout un art va naître, composé de divers apports, indiens, grecs, selon le modèle et l’utilisateur. Avec l’avènement de Ranavalona II, une très importante décision royale libèrera la ville de son obligation qui date d’Andrianampoini­merina de construire des maisons uniquement en bois. La reine, en même temps qu’elle devient chrétienne, décide de faire construire un temple dans l’enceinte du Rova, mais pour cela, il lui faut lever l’interdit sur l’habitat. « La pierre et la brique transforment de façon radicale, l’aspect de la ville en quelques décennies. » L’habitat traditionnel disparaît rapidement à leur profit. Cameron qui, déjà depuis longtemps, construit à Antana­narivo, va à son retour d’Afrique du Sud, édifier des maisons d’un style qui demeure employé jusqu’à la moitié du XXe siècle. Selon qu’elle est construite par un riche ou moins riche, elle va comprendre plus ou moins de pièces, mais la distribution restera la même.
Pool, lui, créera un style plus spécialement réservé pour les maisons des dignitaires et des gens riches. La pierre et la brique sont employées de façon plus judicieuse, la sculpture plus abondante forme de véritables guirlandes de pierre, la cheminée en croupe de toiture permet d’identifier les maisons initiées par cet architecte. En tout cas, Antananarivo devient une ville moderne.
Source L'Express Madagascar par Pela Ravalitera

Aucun commentaire: