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07/09/2015

Moins polluer : un objectif difficile pour les fabricants de matériaux de construction

A l’approche de la conférence de décembre sur le climat (COP21) à Paris, les fabricants de matériaux de construction, parmi les industries les plus polluantes au monde, montrent leurs efforts pour réduire leur empreinte énergétique mais « peuvent mieux faire » selon les ONG.
Au milieu d’une industrie qui représente environ 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde, la cimenterie est l’une des plus polluantes. Composant essentiel du béton, le ciment est l’un des matériaux les plus utilisés au monde et aussi l’un des plus gros émetteurs de CO2 : environ 0,6 à 0,9 tonne émise pour 1 tonne de produit.
En 2014, le cimentier français Lafarge -qui vient de fusionner avec Holcim– a émis à lui seul 93,3 millions de tonnes de GES soit le double du pétrolier Total, selon le rapport de l’organisation indépendante CDP sur l’impact des entreprises dans le changement climatique. En cause : la consommation d’énergie et la « décarbonatation » du calcaire, c’est-à-dire sa transformation en chaux, nécessaire à la fabrication du ciment.
« Entre 1990 et 2014, nous avons réduit de 26% nos émissions et projetons de les diminuer de 30% d’ici 2020 », se défend Bruno Lafont, coprésident de LafargeHolcim et cofondateur du groupe de travail « Cement Sustainability Initiative » (CSI) en 1999. Ce groupe, composé de 24 cimentiers internationaux, a évité l’émission de 114 millions de tonnes de CO2 en 2013, expose le dirigeant.
De son côté, Lafarge mise fortement sur le développement de produits à bas carbone. Sorti en 2000, le Ductal, un béton utilisé notamment pour les ponts et passerelles, réduit ses émissions de CO2 d’environ 50% par rapport au béton classique tandis que le ciment Solidia, commercialisé en avril avec le groupe américain éponyme, diminue jusqu’à 70% le bilan carbone de la chaîne de fabrication.
Des réductions « réalistes, pas rêvées »
« Ils peuvent mieux faire », répondent aux industries les plus émettrices Laurent Babikian, directeur France et Bénélux de CDP, et Pierre Cannet, responsable du programme climat à WWF France. « Il ne reste qu’un tiers de budget carbone disponible, environ 1.000 gigatonnes (Gt), à se partager dans le monde entier pour rester sous la barre des 2 degrés (de hausse des températures, ndlr) », avertit M. Cannet qui appelle les entreprises à s’impliquer dans le projet « Science Based Target », « sans attendre les décisions politiques ».
Cet outil, lancée en mai par le WWF, CDP et le World resources institute, propose aux entreprises d’adhérer à des objectifs de réduction de GES coordonnés par secteur. Le but : réunir une centaine de signataires pour la COP21. « Investir dans la réduction des émissions constitue un gain économique important », affirme M. Babikian pour qui les plus grands émetteurs mondiaux tels qu’ArcelorMittal doivent assumer leurs responsabilités environnementales.
Le géant de l’acier, qui a émis 162 millions de tonnes de GES en 2014, se dit de son côté conscient de l’impératif écologique. ArcelorMittal « se focalise sur ses usines les plus compétitives et économes en énergie comme celles de Fos-sur-Mer et Dunkerque en France qui représentent 35% de notre capacité de production », détaille Philippe Darmayan, président d’ArcelorMittal France. Le groupe investit également en recherche et développement, souligne-t-il. Après l' »échec » du projet expérimental Ulcos de capture et stockage du CO2, ArcelorMittal a décidé d’investir en juillet 80 millions d’euros dans une usine test à Gand (Belgique) pour transformer le monoxyde de carbone qu’elle produit en bioéthanol, ajoute le dirigeant.
En d’émissions de GES, les objectifs d’ArcelorMittal, -8% par tonne d’acier produite entre 2007 et 2020, sont « inférieurs aux normes que la Commission européenne est en train de fixer », reconnaît-t-il. Mais « selon toutes les technologies connues, le monde de l’acier ne peut pas envisager plus qu’une réduction de 15% de ses émissions » et ArcelorMittal se fixe des objectifs « non pas en fonction de rêves mais de réalités », objecte-t-il.

Source Le Moniteur

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