Pages

26/09/2015

Genève: Lignes toutes tracées en terre cuite et crue

Parcours céramique: Carouge se dévoue à la céramique jusqu’au 27 septembre.
Création, destruction. Sans avoir l’air d’y toucher, c’est l’aventure de la vie et de sa fragilité qu’on caresse du doigt en suivant le Parcours céramique carougeois, qui chemine cette année sur le thème de la ligne. Rien n’est plus dur que la terre passée par le feu, rien n’est plus friable. Lâchez un bol au sol…
A l’Atelier Potter samedi après-midi, on s’active. Sur un socle de briques, Patrice Voelkel invite les visiteurs à construire un four bouteilles. Un antre où rôtir des flacons? Pas vraiment. Plutôt «un geste festif et beau, une sorte de phare dans la nuit avec sa lumière à facettes lorsqu’on voit les flammes danser à l’intérieur, reflétées par le verre des bouteilles», raconte le céramiste du sud de la France, qui rêve de poser une de ses installations sur la grève en bord de mer. On enchâsse les bouteilles dans la terre rouge, en rond, étage après étage, le cul tourné vers l’extérieur, et on monte, on monte, en rétrécissant le cercle. A 15 heures, le four est presque terminé. Un joli bar de 400 âmes. «400 bouteilles? Ça fait beaucoup d’amis!» clame une visiteuse.
Destruction massive!
Patrice Voelkel explique la démarche: «Demain matin, je vais allumer le feu doucement, afin de sécher la terre. Puis je commencerai la cuisson vers 15 h Le verre fondera à l’intérieur du four, atteignant 800 à 900 degrés. Des filaments se déposeront comme des stalactites sur la terre désormais cuite.» A 13 h dimanche, tout va bien. La terre se craquelle délicatement en séchant. A 15 h, destruction massive! Le four s’effondre sur lui-même. «Nous n’avons pas utilisé une qualité de terre qui convient», surtitre sobrement l’artiste. Le spectacle est fichu mais la démonstration, magistrale. Création, destruction.
Un monde sort de terre
A la Ferme de la Chapelle, un monde en terre crue se forme sur le ciment du rez-de-chaussée. Charlotte Nordin en est le démiurge. Une divinité suédoise aux cheveux bleu-vert comme ses yeux, drapée du blanc de l’innocence enfantine. Charlotte est «Elsa, la reine des neiges», comme l’ont baptisée les habitants de Corée du Sud dont elle revient. Elle a jeté les bases de son univers avec collines, plaines, lacs et no man’s land, et invite à présent les visiteurs à retrousser leurs manches pour mettre la main à la pâte. Chacun y va, qui de sa tour, qui de son bourrelet dodu, de sa ravine, son téton, son plissement de terrain. Les contours sortent de terre. Charlotte Nordin: «Créer des objets à accumuler ne m’intéresse pas. J’aimerais que, sur les bases de mon univers à moi, vous acceptiez de me rejoindre pour continuer à le construire ensemble.» Le processus durera un mois. Puis le paysage sera anéanti. Création, destruction.
A l’étage, c’est encore le même mouvement qu’explore Marie-Noëlle Leppens avec son travail architectural, fait de plaques assemblées. Deux formes s’incrustent, l’ensemble a l’air solide, indestructible. Voilà que tout se déboîte, puis se recompose, autrement, comme on peut, comme on veut. Création, destruction, recréation.
Source La Tribune de Genève

Aucun commentaire: