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19/04/2015

Quand l'efficacité énergétique remet en selle les industriels

S'attaquer aux déperditions d'énergie est un enjeu de compétitivité.
Les industries françaises pourraient économiser 20 % sur leur facture d'ici à 2030.
En dix ans, malgré une baisse de 14 % de la production industrielle, la facture énergétique des entreprises françaises a augmenté de plus de 11 %. « C'est dire l'impact potentiel de mesures d'efficacité énergétique sur leur compétitivité », souligne le président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Bruno Léchevin, qui a tenu il y a quelques jours à Marseille son colloque national Energie Industrie sur ce thème.
L'Ademe a fait les comptes : en traquant le gaspillage, en investissant dans des équipements plus performants et en s'engageant dans des solutions innovantes, les industries françaises pourraient réaliser au total 19,6 % d'économies sur leur note d'ici à 2030. Les plus grands gisements se situent dans les industries mécaniques et agroalimentaires (plus de 29 % de potentiel d'efficacité), mais aussi dans les secteurs les plus énergivores, qui ont déjà réalisé d'importants investissements, comme la production de papier-carton (23 %), la chimie (18 %), les métaux non ferreux (14,4 %) ou la sidérurgie (8,1 %).
« Dans beaucoup de secteurs, le poids des achats d'énergie dans la valeur ajoutée produite est si important qu'il est devenu un enjeu stratégique », défend Sylvie Padilla, chef du service entreprises et écotechnologies à l'Ademe. D'autant que sa part s'accroît dans la plupart des secteurs : elle a par exemple presque doublé dans l'industrie informatique et optique, passant de 3,8 % à 6 % entre 1980 et 2011, ou dans les industries agroalimentaires (7,3 % en 1980, 12,9 % en 2011), et pèse ailleurs entre 4 % (dans l'assemblage) et plus de 15 % (dans les industries du bois et l'imprimerie).
« Question de survie »
Les plus gros énergivores ont déjà commencé le travail. « Question de survie », estime Olivier Dufour, directeur des affaires externes chez Alcan, la branche aluminium du groupe minier Rio Tinto. La consommation d'énergie représente 30 % des coûts de production d'aluminium alors que la concurrence internationale a déjà chassé hors d'Europe le tiers des usines. « Après l'innovation, l'énergie est la prochaine source de compétitivité », poursuit-il. Déjà à la pointe des usines anti-gaspi, le site dunkerquois du groupe va faire l'objet d'un nouveau programme d'investissement qui ambitionne de réduire de 12 % sa consommation d'énergie sur cinq ans, ce qui représentera à terme une économie annuelle de 15 à 20 millions d'euros. « C'est un défi qui oblige à retourner toutes les pierres pour traquer la moindre déperdition », résume Olivier Dufour. C'est ce que le patron de l'innovation de Bonduelle, François Luchini, décrit malicieusement comme « la stratégie des petits pois ». L'entreprise a mesuré l'étendue de son gaspillage : au moins 60 % de l'énergie qu'elle consomme chauffe du vide ! « Nos procédés ont été conçus à une époque où l'énergie n'était pas un problème », justifie-t-il. En appliquant à ses lignes des innovations comme le stop-and-go automobile et en formant surtout les effectifs à des comportements éco-vertueux, il estime pouvoir réaliser 5 % d'économie annuelle sur une facture de 50 millions d'euros.
Chez le producteur de tuiles en terre cuite Terreal, cette traque sans merci porte déjà ses fruits : en mettant bout à bout 180 mesures d'économie d'énergie dans 8 de ses 13 usines en France, comme poser des variateurs, colmater des fuites, vérifier les purgeurs ou arrêter les compresseurs inutiles, le groupe vient d'annoncer un gain de 1,5 million qui va être intégralement investi dans de nouveaux procédés. L'enjeu est stratégique pour s'aligner face aux concurrents asiatiques : 20 % du coût d'une tuile provient de l'énergie.
Source Les Echos par Paul Molga

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