Jusqu’à présent, le gouvernement algérien ne veut pas entendre parler de rigueur et préfère rassurer la population en affirmant que les subventions et les programmes de logements ne seront pas affectés par la contraction attendue des recettes budgétaires. L’effondrement des cours du baril de l’or noir met pourtant les finances publiques sous pression. Le budget 2015 calibré sur un prix moyen du Sahara blend, le brut de référence algérien, à 100 dollars est largement caduc. Vendredi 16 janvier, les cours se situaient toujours en dessous de 50 dollars le baril sur les marchés internationaux.
Emeutes d’octobre 1988
Dans un pays où les hydrocarbures assurent près de 97 % des rentrées en devises et la fiscalité pétrolière, 60 % du budget de l'État, ce retournement des cours est source d’anxiété. Tout le monde se souvient que la chute du prix du pétrole au milieu des années 1980 a été le prélude aux émeutes d’octobre 1988 et à la violente décennie qui a suivi. Les experts multiplient les avertissements et appellent à une politique d’austérité en s’attaquant à la politique de subvention généralisée.
Le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Laksaci, en général très prudent, a renouvelé avec plus d’insistance de précédentes mises en garde en soulignant que si «les réserves de change peuvent amortir un choc externe dans l’immédiat, elles pourraient s’effriter en cas de baisse prolongée des cours ». A la différence des années 1980 où l’Algérie était étranglée par sa dette extérieure, les autorités disposent d’une marge de manœuvre assez importante. La dette a été maîtrisée et les réserves de change avoisinent 200 milliards de dollars, de quoi assurer trois années d’importation.
Pas d’autoroute sur les hauts plateaux
Le gouvernement qui craint une explosion sociale tergiverse et évoque simplement « une rationalisation des dépenses.» Le premier ministre Abdelmalek Sellal a annoncé l’arrêt des recrutements dans la fonction publique en 2015 - à l’exception des secteurs de l’éducation et de la santé- ainsi que la suspension de certains projets d’ investissements publics comme l’autoroute des hauts plateaux, les tramways des grandes villes et de nouvelles lignes du métro algérois. Une circulaire a été envoyée aux ministères, aux autorités locales et aux grandes entreprises nationales pour leur demander de réduire leurs dépenses de fonctionnement. Mais le président Abdelaziz Bouteflika, dont l’état de santé est une source de polémique permanente depuis sa réélection le 17 avril, a confirmé à l’issue du conseil restreint du 24 décembre consacré à « l’inquiétante » chute des prix du pétrole que les transferts sociaux ne serait pas remis en cause. Tout comme le soutien des prix aux produits de premières nécessité (lait, huile, pain, sucre) et des carburants.
La chute du prix du baril rappelle la fragilité de l’économie algérienne. Dans un contexte politique bloqué teinté par la longue fin de règne de M.Bouteflika, les réformes de fond ne sont pas à l’ordre du jour. En attendant, le gouvernement préfère tabler sur une chute temporaire du prix du baril en espérant que l’Arabie Saoudite qui a choisi jusqu’à maintenant de ne pas réagir changera bientôt d’avis.
Source Le Monde par Sana Kanafani (Alger)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire