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22/11/2014

Poitiers - La Rouchouze : Les frères Caballero artisans aux mains d'argile

Basés à La Rouchouze, ils sont les derniers du département à fabriquer à l’ancienne des carreaux en terre cuite. Un combat de tous les jours.
Ils ont l'argile qui leur colle à la peau. Littéralement. Mais les Caballero sont à l'aise, glaise ! De fait, leur petite entreprise familiale est la dernière du département à produire artisanalement des carreaux en terre cuite.
Nichés au cœur du hameau de La Rouchouze, au nord de Langeais, les frères Patrick et Bruno travaillent cette terre blanchâtre, comme des générations avant eux depuis le XVIIe siècle. Une terre réfractaire fameuse, dont les briques ont façonné en France jusqu'à 70 % des fours de boulanger. Enfants d'immigrés espagnols, dont le grand-père avait fui la guerre civile, ils ne s'imaginaient pas devenir un jour leur propre employeur : « Cela aurait été une fierté pour papa de voir notre nom sur une enseigne », sourit Patrick, l'aîné.
Lui est tombé dans l'argile le premier, à 16 ans, jusqu'à prendre la suite de son patron à son départ à la retraite. Son cadet le rejoint plus tard, « quand la boîte d'électronique où j'étais a fermé. »
" Il faut se battre pour accrocher les commandes "
Au fil des évolutions technologiques, leur métier – « On ne sait pas trop comment le définir, peut-être fabricants de carreaux à l'ancienne », note Patrick – a été contraint de s'adapter. L'engouement populaire pour l'émail dans les années 1970 lui a redonné un second souffle. Aujourd'hui, l'appel d'air pourrait venir d'un regain d'intérêt des particuliers pour les cheminées.
Car, si les Caballero ont la « passion du métier » pour eux, ils doivent faire face à un marché éclaté et de niches. Aussi diversifient-ils les productions. Des quelque 150 tonnes qu'ils extraient chaque année de la carrière située dans la forêt d'à côté, le produit fini est pluriel : briques, pains d'argile (pour les potiers, écoles et associations), tomettes et carreaux émaillés (pour les particuliers, voire des architectes), poudre d'argile (pour les enduits muraux intérieurs, à la mode depuis trois-quatre ans).
L'arrivée d'Internet aura aussi mis à mal la profession. Les deux artisans d'art de La Rouchouze sont parmi les derniers de France. « On a des clients qui viennent d'un peu partout », glisse Bruno. Pas trop portés sur la communication ni le démarchage commercial, les frères comptent beaucoup sur le bouche à oreille pour se faire connaître. « Il faut se battre pour accrocher les commandes », indique Patrick.
A un moment, les deux quinquagénaires avouent s'être interrogés sur l'opportunité de maintenir l'activité. Plus maintenant : « On ne pense pas à tout ça, mais on aimerait bien aller jusqu'au bout, avec un jeune pour reprendre le flambeau. »
Repères:
De l'extraction au produit fini, la transformation de l'argile comporte plusieurs étapes. La première est celle du séchage, qui dure en moyenne huit jours. La terre passe ensuite dans un broyeur, où la pierre est séparée de la « fine fleur ».
Cette dernière est ensuite mélangée à de l'eau dans un malaxeur, pour en ressortir sous forme de pâte. Celle-ci est ensuite introduite dans une mouleuse sous vide. A ce stade, les pains d'argile destinés aux potiers sont prêts.
Pour la terre cuite, il reste encore le passage par la presse mécanique, avec le recours à différents moules selon la forme désirée. Il faudra encore sécher les pièces une quinzaine de jours, avant de les cuire à 1.200 °C pendant 11 heures.
Combien ça coûte ?
Les frères Caballero savent que leurs tarifs dépassent ceux des grandes surfaces. « La qualité n'est pas la même », arguent-ils. De fait, quand un carreau en terre cuite de supermarché fait entre 2 et 3 mm d'épaisseur, les leurs atteignent 1 cm. « Comme nous misons sur le bouche à oreille, nous ne pouvons pas nous permettre de décevoir notre clientèle », expliquent les artisans.
« Nos tarifs ne sont pas excessifs, il ne faut pas que les gens pensent que nous sommes inabordables, ce n'est pas le cas », plaident-ils. A titre d'exemple, ils citent la tomette, vendue 45 € le mètre carré. Pour le carreau émaillé, le prix varie en fonction du dessin.
Source La Nouvelle République par Maxime Lavenant

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