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06/06/2014

MAROC- CÉRAMIQUE: LES OUBLIS D’UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE


  • LOGEMENT SOCIAL: LA DÉRÉGULATION QUI TUE
  • LES PRODUCTEURS ONT MAL ANTICIPÉ L’OUVERTURE
  • LES IMPORTATEURS DÉNONCENT UN MARCHÉ «POLLUÉ»

Depuis fin avril 2014, les céramistes se plaignent publiquement des «importations massives». Qui croire? D’un côté, l’Association professionnelle de l’industrie céramique déplore l’importation de produits non conformes (voir page 5). Sa rivale, l’Association nationale des professionnels de la céramique et du second œuvre (Apisa) soutient en revanche qu’il est «quasiment impossible d’introduire les produits défectueux compte tenu du contrôle systématique aux frontières fait par les agents du ministère de l’Industrie».
Le président des importateurs, Youssef Belkaid, accuse à son tour «les producteurs de commercialiser des produits de 2e et 3e choix totalement interdits à la vente dans notre pays». L’Apisa réclame «solennellement au ministère de l’Industrie de prendre ses responsabilités; pour préserver l’intérêt du consommateur». Ce point-là fait au moins consensus chez les deux groupements professionnels.
Céramique Les oublis d’une politique industrielleSource: Cabinet Aster
Les céramistes n’ont-ils pas vu venir la vague? En 2003 déjà, une étude du cabinet Aster recommandait aux industriels de «redoubler d’efforts pour améliorer leur compétitivité». Allusion au démantèlement tarifaire avec l’UE et «le risque qu’il va faire peser sur le marché intérieur». Les consultants ont aussi insisté sur le fait «d’assurer le passage, à l’échelle nationale, au gaz naturel comme source énergétique». Le comble est que l’étude a été pilotée par les professionnels et financée par l’UE dans le cadre du programme Meda! L’histoire continue.
Céramique Les oublis d’une politique industrielleYoussef Belkaid, président de l’Association nationale des professionnels de la céramique et du second œuvre, se déclare farouchement contre le protectionnisme. «Les producteurs sont les premiers responsables de leurs déboires», estime le porte-parole des importateurs.Une note a été rédigée en 2011 par le Centre des techniques et matériaux de construction (CETEMCO) sur «Les défis du secteur de la céramique industrielle».
On y prophétise «une explosion des importations à partir de janvier 2011». Année qui, ironie du sort, coïncidait avec l’organisation de «La semaine de la céramique du 24 au 30 janvier». Pier Giorgio Burzacchini y avait proposé quelques pistes pour rendre la branche de production nationale plus compétitive. Cet expert italien en céramique a beaucoup insisté sur «la restructuration de la filière: production, énergie, innovation».
Un peu plus de dix ans plus tard, le président des céramistes, Fouad Benzakour, nous apprend que «la mise en place d’un terminal gazier à Jorf Lasfer va donner un coup de pouce au secteur notamment pour exporter. Ce projet s’appuie sur l’importation de gaz naturel liquéfié et sa distribution à partir d’un pipeline basé au port. Pour commencer, celui-ci va ravitailler l’axe El Jadida-Kénitra».
La situation critique de la céramique marocaine lève le voile sur la réelle portée de la politique industrielle et certains faux pas liés au manque de réactivité étatique. Voire des décisions plombées par des contradictions impardonnables.
L’Etat a failli lorsqu’il a «ouvert la porte à l’importation de carreaux exonérée de taxes au profit des promoteurs conventionnés dans le cadre du logement économique. Or, l’Exécutif devait exclure les matériaux de construction produits localement», alertait il y a 6 ans la Fédération nationale des matériaux de construction (cf. L’Economiste du 5 novembre 2008). Certains promoteurs en ont profité en se muant en revendeur.
Paradoxalement, cette décision intervenait au moment où un bouclier de défense commerciale a été instauré de 2006 à 2010. Mais il ne faut pas y voir la cause unique du mal-être économique que vit le secteur de la céramique. F. F.

Source L'Economiste

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