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21/06/2014

AUVERGNE- A Frugères, les vestiges d’un four à briques et tuiles ont été découverts en 1997

Avant son incendie, en 1795, le château des Lur-Saluces était couvert en tuiles rouges. Une matière première peut-être bien fabriquée sur place. Briques ou tuiles en pierre ne sont pas des matériaux fréquemment utilisés dans le Nord-ouest Cantal, la pierre, le bois et la lauze marquant plus généralement l'architecture locale.
La brique, pourtant, apparaît dès le 2 e millénaire avant Jésus-Christ, en Crète. Ses attraits s'expliquent. D'une part, elle est fabriquée à partir d'argile et de sable, éléments dont la nature n'est pas avare. D'autre part, l'homme est à la recherche de protection contre les intempéries et les prédateurs. Moulée et séchée au soleil, l'argile durcit et devient résistante. Le principe de la cuisson des briques sera expérimenté en Mésopotamie et peut être considéré comme la première pierre artificielle inventée par l'homme, bien avant le béton et le ciment.
Si l'usage en est peu fréquent dans la région, on en trouve pourtant des traces dans les chroniques, dès le Moyen-Âge. Ainsi, à Madic, le hameau de La Tuilerie tient son nom d'un four à briques et tuiles, construit à la demande du seigneur pour pourvoir à la couverture de son château. De même, la toiture rouge est-elle évoquée à Saignes, lorsque François de Chabannes lance l'édification d'une halle (lire notre édition du 27 octobre 2013). On la retrouve à Ydes, en 1793, dans un document relatif aux biens de l'Ordre de Malte : « la maison du fermier couverte en tuiles rouges ».
Des employés communaux le découvrent par hasard
Dès lors, l'évocation de la toiture couronnant le château de Drugeac devient plus compréhensible, même si aucune illustration ne vient étayer l'information. Reste la question de la provenance du matériau et là, le hasard a livré des éléments de réponse, en 1997.
Nous sommes en décembre. Des employés communaux interviennent à Frugères, petit hameau situé de l'autre côté du vallon, face à Drugeac. Leur mission est de récupérer du remblai pour l'élargissement de la route. Avec une pelleteuse, les trois ouvriers attaquent un tertre, dans un champ. Ils découvrent les bouches béantes d'un très vieux four, dont personne ne se souvient.
Georges Andrieux, maire de l'époque, fait stopper les travaux et prévient Germaine Passement, architecte des Bâtiments de France, qui alerte Lionel Izac, à la DRAC. Il inscrit le sauvetage du four au Programme 25 (Techniques de la protohistoire au XVIII e et archéologie industrielle) et mandate Odette Lapeyre, correspondante locale des Antiquités historiques, pour procéder à une étude.
Ce four peut expliquer la toiture rouge du château des Lur-Saluces
L'archéologue, secondée par Jean-Claude Malarange, creuse les abords et trouve des morceaux de brique rouge dont certains sont décorés et dont l'un arbore un profil masculin. Odette Lapeyre estime que l'ouvrage est postérieur au XV e siècle et serait susceptible d'expliquer la toiture rouge du château des Lur-Saluces. On sait, en effet, que les seigneurs étaient parfois propriétaires de fours destinés à usage non alimentaire. Celui de Frugères pourrait bien en être un exemple.
L'histoire va pourtant s'arrêter là, à la grande déception de Georges Andrieux. « Nous avons eu l'espoir que cette découverte soit un atout pour le patrimoine de Drugeac » confie-t-il. Las, les fouilles coûtent cher et le projet n'aboutira pas. Pour préserver l'ancien four de la dégradation naturelle, le site est purement et simplement recouvert et comblé. À ce jour, il dort encore sous la terre, au milieu d'un champ où paissent en toute quiétude des vaches salers.
(*) Sources : Dictionnaire statistique du Cantal et La prévôté de Mauriac, gentilhommières et châteaux du docteur de Ribier, Un peu d'histoire de Jean Moulier. Témoignage de Jean-Claude Malarange.
Source La Montagne par Yveline David

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