L’histoire de Rubina a été racontée par les représentants du Département de l’alphabétisation du Punjab participant à la Conférence du Travail d’Asie du Sud, qui s’est récemment tenue à Lahore. Leur présence avait pour but de mettre en évidence les liens étroits entre alphabétisation, éducation, compétences, emploi et revenu.
ISLAMABAD (OIT Info) Rubina, une enfant âgée de dix ans, se réjouit de pouvoir «jouer à la maîtresse», bien qu’elle connaisse à peine l’alphabet. Comme beaucoup d’enfants issus de familles travaillant dans les briqueteries, elle n’a jamais eu ni le temps ni l’occasion d’apprendre. Du moins, jusqu’à aujourd’hui.
Source International Labour Organization
«A, B, C…» Elle indique les lettres écrites à la craie blanche sur le tableau noir et les lit à haute voix. La classe – un ensemble d’enfants sous-alimentés, ébouriffés, et néanmoins enthousiastes – entonnent tous en cœur d’une voix aiguë.
Rubina, qui vit et travaille dans une briqueterie à Gujranwala, se réveille à l’aube pour aider son père à faire des boules de terre argileuse pour fabriquer les briques. Elle se rend ensuite à l’école non formelle située dans une briqueterie à Gujranwala.
«Nous sommes trois sœurs et quatre frères», explique-t-elle. Le matin de bonne heure, nous partons travailler à la briqueterie, une fois que mon père a préparé le mélange d’argile pour les briques. Notre travail commence avec le chant des oiseaux, au petit matin. Pendant que notre père prépare le mélange, nous l’aidons en faisant des portions que nous mettons dans les moules à briques. Nous continuons à travailler la plus grande partie de la journée, puis nous rentrons à la maison. Vient ensuite le moment d’étudier. C’est ce que nous avons à faire. Nous ne pouvons pas avoir d’emplois normaux comme Baji [l’instituteur] – nous devons faire notre devoir.»
Si les enfants étudient, ils pourront progresser, ... et ils auront la possibilité de trouver des emplois décents." L’histoire de Rubina a été racontée par les représentants du Département de l’alphabétisation du Punjab participant à la Conférence du Travail d’Asie du Sud, qui s’est récemment tenue à Lahore. Leur présence avait pour but de mettre en évidence les liens étroits entre alphabétisation, éducation, compétences, emploi et revenu.
Education et alphabétisation étant indispensables pour mettre en œuvre l’Agenda du travail décent, l’OIT collabore avec le Département de l’alphabétisation du Punjab pour offrir aux travailleurs des briqueteries et à leurs enfants la possibilité de recevoir une éducation et une instruction. L’OIT a aidé à élaborer un programme d’études destiné aux adultes et aux enfants, qui leur permet de comprendre leurs droits au travail, les problèmes liés au travail des enfants, et les aspects du travail décent. En créant 1 000 écoles élémentaires non formelles dans 11 districts de la province, le Département de l’alphabétisation du Punjab espère viser pas moins de 30 000 élèves, et plus particulièrement les enfants des briqueteries.
Au Pakistan, des millions d’enfants et d’adultes sont contraints de travailler en servitude dans les briqueteries. Il s’agit d’une main-d’œuvre spécialisée qui, généralement mais pas toujours, appartient à la minorité chrétienne et qui est devenue experte dans l’art de fabriquer des briques, tout simplement parce qu’elle ne peut s’affranchir de cette situation.
«Si les enfants étudient, ils pourront progresser», explique Mohammad Bhutta, le père de Rubina. «Ils deviendront enseignants ou apprendront à faire autre chose pour occuper des emplois meilleurs, par exemple dans l’informatique, et ils auront la possibilité de trouver des emplois décents. Ce travail – fabriquer des briques – est épuisant et il offre un salaire de misère.»
Je leur explique qu’ils doivent étudier, même s’ils travaillent." Les familles de travailleurs des briqueteries vivent et travaillent dans des conditions pénibles, leurs services sont achetés au moyen d’une «avance» consentie par les propriétaires des briqueteries, une dette qu’ils s’efforceront toute leur vie de rembourser en étant «contraints» de travailler dans les briqueteries. Leur dette continue de s’accumuler parce qu’ils sont issus de milieux défavorisés. Malgré la ratification des conventions sur le travail forcé (nos 29 et 105), sur le travail des enfants (nos 138 et 182), et sur la liberté syndicale et la négociation collective (nos 87 et 98), les travailleurs des briqueteries au Pakistan continuent de vivre dans des conditions inhumaines proches de l’esclavage, cont
raints d’occuper un emploi dont ils ne pourront jamais s’affranchir. «Je leur explique qu’ils doivent étudier, même s’ils travaillent», raconte Tehmina, l’institutrice de Rubina. «Je leur dis que s’ils reçoivent une éducation, ils ne seront pas exploités. Ils seront en mesure de négocier et de gérer leurs revenus. Ils réussiront à s’en sortir.»
Le programme d’études élaboré par l’OIT pour l’éducation non formelle inculque aux enfants et aux adultes des connaissances sur des sujets divers: travail des enfants, besoins éducatifs, environnement scolaire, comportement de l’enseignant, droits fondamentaux au travail et devoirs des travailleurs, et alphabétisation des adultes. Il fournit aussi des conseils sur les soins à la mère et à l’enfant, les maladies transmises par l’eau et les maladies transmissibles, et la promotion des droits des personnes handicapées. Ce programme offre des notions du rôle que doivent jouer les communautés et les parties concernées pour faire face au problème du travail des enfants, ainsi que des informations sur l’environnement de travail, les droits fondamentaux, l’emploi et la négociation des dettes. Il a aidé le Département de l’alphabétisation du Punjab à former un groupe de 100 maîtres de formation et 400 enseignants (200 formateurs en alphabétisation des adultes et 200 enseignants non formels), qui formeront à leur tour les instituteurs de quelque 3 000 écoles élémentaires non formelles et 6 000 écoles d’éducation formelle au nouveau programme d’études.
«Au total, on espère que cette initiative bénéficiera à un million de personnes», annonce Pervez Ahmed Khan, le secrétaire du Département de l’alphabétisation et de l’éducation non formelle du Punjab.
Lorsque la classe est terminée, Rubina court rejoindre sa famille pour aider son père à fabriquer des briques. C’est ce que font les autres enfants qui, pour la plupart, ont à peine cinq ans. Les enfants nés dans des familles qui travaillent dans les briqueteries en situation de servitude pour dettes grandissent en risquant d’être condamnés à y travailler aussi, comme c’est arrivé à d’autres générations.
«Seuls ceux qui termineront leurs études comme l’a fait Baji [l’instituteur] n’auront pas à travailler dans les briqueteries», ajoute Rubina. «Quand je serai grande, je voudrais être institutrice, comme Baji.»
Source International Labour Organization
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