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28/11/2013

Un partenariat industriel international avec l’Algérie est-il réalisable ?

Le 15 juillet 2013, un appel à partenariat industriel national et international pour la création de sociétés par actions avec les Sociétés de gestion des participations (SGP) a été lancé par le ministère de l'Industrie, de la PME et de la Promotion de l'investissement algérien.
L’Algérie, selon l’OCDE, dépense deux fois plus en rapport à des pays similaires pour deux fois moins de résultats
Cette action s’insèrerait dans le cadre de 18 filières industrielles visant la relance de la production nationale et le développement de l’investissement et concerne notamment les textiles et habillement, le bois et l’industrie du meuble, les produits sidérurgiques et métallurgiques, les produits électroménagers et électroniques, la mécanique industrielleet les produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques. Les opérateurs économiques nationaux et étrangers auquel cet appel à projets est destiné ont jusqu’au 31 décembre 2013 pour soumettre leurs dossiers de candidatures. L’objet de cette contribution, est de voir si cette vision répond à une logique économique, tenant compte de la dure réalité des nouvelles mutations mondiales. Les filières répertoriées seront-elles concurrentielles dans le temps dans la mesure où l’Algérie est liée à un Accord de libre échange avec l’Europe dont le dégrèvement tarifaire zéro est prévu en 2020 ? Le seront-elles si elle adhère à l’organisation mondiale du commerce(OMC) où les pays membres accaparent plus de 95 % du commerce mondial et la majorité des pays de l’OPEP dont le niveau de production est bien plus élevé que celui de l’Algérie, les derniers en date étant l’Arabie Saoudite et la Russie, étant membres de cette organisation ?
1.- Partir du constat de l’économie algérienne
a- Les hydrocarbures représente 97/98% des exportations en devises du pays, 40% du produit intérieur brut directement et 80% avec les effets indirects via la dépense publique ( à travers notamment le BTPH et les subventions), les exportations hors hydrocarbures 2/3% dont 50% sont des déchets eux mêmes des déchets hydrocarbures. Les réserves de change estimées à environ 190 milliards de dollars le premier trimestre 2013 non compris les 173 tonnes d’or sont dues essentiellement à la rente des hydrocarbures. Environ 70/75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées (matières premières et équipement avec un taux d’intégration ne dépassant pas 15% ) sont importées toujours grâce aux hydrocarbures. La règle des 49/51% où l’Etat algérien supporte tous les surcoûts, instaurée dans la loi de finances 2009, étendue aux banques en 2010, n’a pas pu dynamiser l’attrait à l’investissement productif tant local qu’étranger, s’étant concentrés dans le secteur hydrocarbures à l’amont dans les grands gisements, la pétrochimie étant inexistante et les canalisations ne les intéressant pas, le taux de profit étant inférieur à environ de 30% par rapport à l’amont. Le dérapage du dinar qui est passé successivement de 25 dinars un dollar vers les années 1990 à 77 dinars un dollar courant 2013 (1 euro égal à 100 dinars mais 150 dinars sur le marché parallèle) qui est un dumping à l’exportation comme le montre tous les pays qui dévaluent, l’expérience chinoise récente a accru paradoxalement le caractère mono exportateur de l’économie algérienne avec parallèlement des transferts illégaux de capitaux estimées par la Banque africaine de développement dans on rapport 2013 de 173 milliards de dollars entre 1980 et 2009.
b- L’économie algérienne est caractérisée par un dépérissement du tissu productif, 83% des activités selon l’ONS étant concentrées dans le tertiaire avec une prédominance du commerce de détail, un commerçant pour quatre habitants et l’industrie représente moins de 5% dans le produit intérieur brut(PIB). Plus de 85% des PMI/PME ; existant de rares exceptions mais étouffées par la bureaucratie, sont d’organisations familiales peu initiées au management stratégique, croulant souvent sous le poids de la dette. L’assainissement des entreprises publiques a coûté au Trésor plus de 60 milliards de dollars entre 1991/2013 alors que dans leur majorité sont revenues à la case de départ (environ 70%), les banques publiques étant malades de leurs clients, (les entreprises publiques). Cela explique également, couplé avec la faiblesse de l’efficacité des dépenses publiques, 500 milliards de dollars de dépenses publiques programmées (part dinars et part devises) entre 2004/2013 pour un taux de croissance moyen de 3% alors qu’il aurait du dépasser les 10%.
L’Algérie selon un rapport de l’OCDE dépense deux fois plus en rapport à des pays similaires pour deux fois moins de résultats. Cela explique les tensions sociales actuelles, le taux d’emploi étant en fonction du taux de croissance et que ce n’est pas une question de finances mais renvoie à l’urgence d’un réajustement de la politique économique et sociale algérienne dominée notamment par la sphère informelle. Cette sphère produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat et du poids de la bureaucratie fausse la concurrence, décourager les producteurs locaux parallèlement aux subventions généralisées, non ciblées et mal gérées permettent des fuites hors des frontières comme les carburants ou le blé car les actions des services de sécurité ponctuelles ont un impact limité sans une politique qui s‘attaque à la racine du mal supposant de nouveaux mécanismes économiques. Il existe des liens dialectiques avec la logique rentière et cette sphère qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation, avec une intermédiation financière informelle à des taux d’usure, où tout se traite en cash. Cette sphère contrôle également plus de 65% des segments des produits de première nécessité : marché des fruits/ légumes, du poisson, viande blanche/rouge et à travers une importation désordonnée le textile /cuir. 80% des citoyens percevant moins de 25.000 dinars par mois s’adressent pour plus de 70% de leurs modestes revenus, et ce avec une concentration au profit de quelquesmonopoleurs. Face à cette situation, le secteur financier public algérien qui contrôle plus de 90% du crédit octroyé, les banques privées malgré leurs nombres étant marginales, est un guichet administratif et un lieu de distribution de la rente, expliquant que les réformes structurelles du secteur financier, enjeu de pouvoir, souvent annoncées sont différées car s’attaquant à de puissants intérêts.
2.- Les conditions de réussite
a- Il y a lieu d ‘éviter à la fois de se verser d’illusion grâce à la rente des hydrocarbures car les expériences historiquement montrent clairement qu’aucun développement durable ne peut se réaliser au sein d’une société anémique et l’Algérie ne saurait échapper à cette règle universelle. Avec une chute de 50% des recettes d’hydrocarbures, l’Algérie risque de vivre le drame des années 1990. Il s’agit également d’éviter le juridisme stérile, l’important pour mener une bonne politique étant d’analyser au préalable les facteurs de blocage du fonctionnement d’une société. Viennent ensuite la mise en place d’institutions adaptées tant au contexte local qu’international et des lois qui doivent se mouler au sein d‘une vision stratégique. La corruption ne se combat pas par des lois mais par l’amélioration de la gouvernance (et un véritable Etat de droit) qui conditionne le devenir futur du pays. Aussi, sans une gouvernance renouvelée, un Etat de droit évitant cette instabilité juridique perpétuelle, cette politique n’a aucune change d’aboutir concrètement. C’est qu’ en Algérie, l’administration publique tant centrale que locale (bureaucratisation avec plus de 2 millions de fonctionnaires pour 37 millions d’habitants, sans compter les emplois rentes et les sureffectifs des entreprises publiques que l’on fait rentrer dans la rubrique économique) souffre de graves faiblesses qui entravent et pervertissent son action, favorisent les comportements douteux et suscitent chez les citoyens et les usagers un sentiment de frustration et parfois de rejet. Le bureau est nécessaire mais lorsqu’il est efficace et n’alourdit pas ce que les économistes appellent les couts de transaction en fonctionnant en tant que pouvoir bureaucratique, en vase clos, en donnant l’illusion de prendre des décisions au nom de la majorité.
b.- Cette politique industrielle algérienne doit être adaptée aux nouvelles mutations mondiales. En cette ère de mondialisation, il me semble erroné de parler de stratégie industrielle, ce qui supposerait une autonomie totale de la décision économique surtout pour un micro-Etat comme l’Algérie, alors que la tendance est aux grands ensembles, d’où l’importance d’espaces économiques fiables maghrébin, euro-méditerranéen et euro-africain, espace naturel de l’Algérie qui peut devenir un pays pivot son avantage comparatif futur étant l’Afrique.. C’est que l’on assiste au niveau mondial à l’évolution d’une accumulation passée se fondant sur une vision purement matérielle, caractérisée par des organisations hiérarchiques rigides, à un nouveau mode d’accumulation fondé sur la maîtrise des connaissances, des nouvelles technologiques et des organisations souples en réseaux comme une toile d’araignée à travers le monde avec des chaînes mondiales segmentées de production où l’investissement, en avantages comparatifs, se réalisant au sein de sous-segments de ces chaînes. Les filières annoncées s’inséreront-elles dans le cadre des valeurs internationales tenant compte des importantes mutations technologiques. L’économie est comme un corps humain, des cellules meurent et d’autres naissent. L’observation empirique de l’économie mondiale nous montre également que des activités naissent périodiquement et des activités disparaissent. La mentalité bureaucratique largement dépassée et déconnectée des réalités est de croire qu’une politique volontariste de l’Etat, des lois (l’Algérie ayant les meilleures lois du monde mais rarement appliquées), résout les problèmes. Or en ce XXIème siècle l’élément déterminant n’est pas l’offre mais la demande segmentée, les besoins étant fonction du culturel (les médias, la publicité) et du revenu par couches sociales). Le consommateur algérien parabolé, est un consommateur mondial et l’objectif stratégique, étant dans une économie ouverte, est que les entreprises algériennes aient un prix de la marchandise coût/qualité se conformant aux standards internationaux.
c- Cette politique doit s‘inscrire dans le cadre d’une plus grande cohérence et visibilité de la réforme globale, supposant une révision de l’actuelle politique socio-économique qui a concentré ses dépenses monétaires avec des surcoûts exorbitants à plus de 70% sur les infrastructures et en réhabilitant l’entreprise et le savoir (12 milliards de sorites de devises pour le poste services en 2012). Il faut avoir une vision d’ensemble, une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de la conduite de toutes les activités administratives, financières, techniques et économiques. Et particulièrement de lever les contraintes qui freinent l’épanouissement de l’entreprise qu’elle soit publique ou privée, locale ou internationale dont la bureaucratie étouffante, le système financier qui favorise l’importation, le système socio-éducatif en misant sur la qualité et non la quantité, et l’épineux problème du foncier. Certes, le gouvernement en mars 2013 vient d’annoncer le programme de création et d’aménagement de 42 nouvelles zones industrielles (extensibles à 50) dont 10 sites prioritaires auraient du être lancés au 1er semestre 2013. Or, ces zones doivent évoluer dans un environnement moins bureaucratique notamment par la réalisation de services d’appui aux entreprises (bureaux de Douanes, de banques d’assurances, d’impôts…), des lieux de restauration, des moyens de transport, des motels, les utilités, la gestion et la maîtrise des eaux, électricité/gaz, téléphone.
Aussi, le plus important n’est pas de créer seulement des zones qui ne servent que de point d’appui, mais de dynamiser le tissu productif selon une vision stratégique d’ensemble. Sinon ces dépenses, comme un beau stade sans joueurs, ne serviront à rien. D’une manière générale, la réussite de ce nième projet après tant d’autres mis dans un tiroir, impose d’impliquer les entrepreneurs, les citoyens, de dépasser cette vision autoritaire centrale, renvoyant à une régionalisation économique maitrisée que certains confondent avec le régionalisme, source d’intolérance et du centralisme bureaucratique. Au contraire, l’expérience des USA, l’Allemagne à travers les länder, les cantons suisses, l’Italie ou l’Espagne est là pour le démontrer, la régionalisation économique à ne pas confondre avec le régionalisme néfaste qui remet en cause l’unité nationale, renforce le rôle de l’Etat régulateur, renforce l’efficience économique et la cohésion sociale régionale fondement de l’unité nationale.
d- En dehors des secteurs stratégiques qu’il s‘agit de définir clairement car ce qui est stratégique aujourd’hui peut ne pas le devenir demain, étant historiquement datée, la règle des 49/51% doit être réadaptée, devant introduire d’autres critères plus objectifs comme une balance devises, technologique et managériale profitable à l’Algérie. Comme doit être spécifié d’une manière claire ce que l’on entend par partenariat gagnant/ gagnant ou encore les co-localisations, à travers de nouveaux réseaux, afin d’élaborer des projets fiables dans le temps pour une prospérité partagée entre l’étranger et le local mais ne devant jamais oublier que tout entrepreneur (chinois, américain ou européen) est mû par la seule logique du profit et qu’il appartient aux Etats régulateur de concilier les coûts sociaux et les coûts privés. Cela passe par une démystification idéologique vis-à-vis de l’entrepreneur privé qu’il soit algérien ou international. Nous sommes à l’ère de la mondialisation, devant éviter de vendre des utopies néfastes, l’économie de marché concurrentielle, tenant compte des anthropologies sociales spécifiques à chaque Nation, ayant ses propres règles.
En bref, la réussite de l’appel à un partenariat industriel national et international n’est pas réalisable sans une autre gouvernance, une vision cohérente se fondant sur des réformes structurelles tant politiques, sociales (dont le marché rigide du travail) qu’économiques. Cela dépasse largement un seul département ministériel, impliquant la présidence de la République et tout le gouvernement, d’où l’importance dans une future organisation institutionnelle d’avoir un grand Ministère de l’Economie avec plusieurs secrétariats d’Etat techniques. Les tactiques doivent s’insérer au sein de la fonction/ objectif stratégique qui est de maximiser le bien-être social de tous les Algériens. Pour cela, la dominance de la démarche bureaucratique devra faire place à la démarche opérationnelle économique se souciant de l’impact économique et social des dépenses monétaires, et pas seulement aux réalisations physiques sans se préoccuper de la bonne gestion, (coûts/qualité). Il y a lieu de dépasser les ambiguïtés dans la gestion des capitaux marchands de l’Etat. Mais comme analysé précédemment une nouvelle gouvernance est déterminante devant avant tout réhabiliter la morale, c’est-à-dire la vertu du travail et de l’intelligence.
Source Le Matin DZ par Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités et Expert international en management stratégique

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