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02/09/2013

Gilles Auffret Capitaine de Rhodia

Il y a du Jacques Cartier chez ce polytechnicien. Du Robert Surcouf chez cet énarque. Malouin comme son père - l'un des trois architectes qui remodelèrent le visage de Saint-Malo après la Seconde Guerre mondiale -, Gilles Auffret a conduit sa longue carrière d'industriel comme ces illustres enfants du pays leurs bateaux : avec audace parfois, flair souvent, liberté d'esprit toujours. Et sans trop se soucier des conséquences personnelles de certaines de ses décisions. « Je ne suis pas carriériste pour deux sous », confie, avec le recul de l'âge (soixante-quatre ans), le nouveau directeur général de Rhodia, désormais filiale du belge Solvay.
Paris-Kaboul en 2 CV
Trois anecdotes suffiront à illustrer ce caractère bien trempé. La première nous ramène au début des années 1970. Gilles Auffret, déjà polytechnicien mais pas encore énarque, est administrateur de l'Insee et diplômé de Sciences po. Il s'apprête à bûcher le concours d'entrée à l'ENA quand celle avec qui il vient de se marier décroche l'internat de médecine. Pas encore d'enfants (ils en ont eu quatre depuis) : c'est l'occasion inespérée de faire le tour du monde. Mais l'administration a toujours été un peu tatillonne. Pour obtenir sa mise en disponibilité, cet entêté ira jusqu'à écrire au ministre des Finances qu'il doit suivre sa femme partie finir ses études aux Etats-Unis, tandis que celle-ci fait un mensonge symétrique au ministre de la Santé. Résultat : un mémorable Paris-Kaboul en 2 CV. Succès garanti au « grand o ». La deuxième anecdote remonte à la toute fin des années 1980. Sorti de l'ENA dans la botte, Gilles Auffret est entre-temps devenu magistrat à la Cour des comptes; surtout, il a appris à aimer l'industrie auprès de celui qu'il considère encore aujourd'hui comme son mentor, Jean-Pierre Souviron, dont il fut durant trois ans chargé de mission à la Direction générale à l'industrie. Passé en 1982 chez un Pechiney en passe d'être nationalisé, il a accepté de mettre les mains dans le cambouis à l'usine de Faremoutiers - provoquant quelques grincements de dents du côté de la rue Cambon -avant de se voir confier les rênes d'une activité, celle des boîtes de conserve en aluminium. Jean Gandois, le grand patron, le convoque dans son bureau pour lui faire une offre qui ne se refuse pas, et que Gilles Auffret refuse, car il ne croit pas à la stratégie qu'il devra mettre en oeuvre s'il accepte ce poste d'état-major. Stupéfaction de Gandois, qui par la suite se méfiera toujours un peu de ce lieutenant à la nuque manquant de souplesse. Ce qui ne l'empêchera pas de le promouvoir en 1994 patron de l'aluminium primaire - le coeur de métier de Pechiney, repaire de tous les ingénieurs des Mines de la maison.
Troisième fait d'armes : nous sommes en 1999. Jean-Pierre Rodier, qui a succédé à Jean Gandois à la tête de Pechiney, prend une certaine décision qui déplaît à Gilles Auffret. Ni une ni deux, celui-ci démissionne dans la journée de son poste de directeur général d'Aluminium Pechiney et en avertit son épouse une fois rentré à la maison. A cinquante ans passés, et pour la première fois de sa vie, il se retrouve en situation de chercher du travail.
A la barre
Le chassé devient vite chasseur. Un temps pressenti pour la présidence de Faurecia, il s'incline finalement devant Pierre Lévi, mais est retenu pour le poste que celui-ci a laissé vacant chez Rhodia : directeur général délégué, en charge du secteur clef des polyamides. Les acquisitions malheureuses du début des années 2000 (Albright & Wilson, ChiRex) le propulsent vite directeur général des opérations, avec pour mission de sauver ce qui peut l'être. Depuis, il formait un tandem efficace avec Jean-Pierre Clamadieu, mais comme commandant en second. Solvay lui permet aujourd'hui de prendre la barre.

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