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06/05/2013

La briqueterie Wienerberger de Wanlin (Belgique) s’est éteinte en 30 secondes

Frisson à Wanlin. : entouré de quelques anciens, le directeur de la briqueterie a abaissé quelques curseurs. Les machines se sont tues. Fin d’une histoire de 102 ans.
Lundi, les dernières briques sont sorties de l’usine de Wanlin. À la fin de la journée de production, le directeur de l’usine a coupé le four. Première étape de la mise à mort de l’entreprise. Le lendemain, mardi, il restait à arrêter les grands ventilateurs, laissés quelques heures en activité afin d’évacuer la chaleur résiduelle. Dernière opération en vue de trucider une plus que centenaire.
Michel Barthélémy a abaissé quelques curseurs sur un grand tableau de commandes et 30 secondes plus tard, ce fut le silence. Ce geste a provoqué beaucoup d’émotion chez le directeur du site de production. Depuis 1977, la briqueterie est un peu son «bébé». Les patrons, eux, se sont succédé. Il en a connu 7. Et voilà que le dernier, la multinationale Wienerberger, a décidé de tout arrêter. Cette fois, ce sera sans doute définitif. Michel Barthélemy ne serait pas étonné qu’on démonte carrément le four. Les propriétaires veulent bien céder l’outil à d’autres, mais pas à des concurrents. Donc la brique, c’est fini, là où on la fabriquait depuis 102 ans.
« Je suis révolté »
M. Barthélémy est entouré d’un quarteron d’anciens, pour faire taire définitivement les machines. Il est directeur de Wanlin, il n’est pas facile pour lui de s’exprimer. Il est un peu coincé entre les grands patrons et les ouvriers. Mais il ne peut se taire, il ne peut cacher son énorme déception. Pire, il se décrit comme révolté. Ce spécialiste de la transformation de l’argile en matériaux de construction, avec sa très longue expérience, estime que Wienerberger commet une erreur. Des clients le disent également. À Wanlin, on fabriquait la meilleure brique de Belgique, dit-il. Un produit de niche qu’il aurait fallu valoriser. Par exemple en chargeant spécifiquement des commerciaux de promouvoir celle que l’on surnommait la «brique de fer». Mais la logique d’une multinationale est tout autre. «On avait du travail jusqu’à la fin juin» soupire le directeur. Dans le hall d’entrée de l’entreprise, une banderole syndicale résume l’état d’esprit : «Il faut des sacrifices pour des bénéfices». Le site de Wanlin a été sacrifié, essentiellement à cause des coûts énergétiques : sans adduction de gaz, il fallait l’amener par camion.
Cela revient deux fois plus cher. Un paramètre négatif, dans une concurrence entre usines d’un même groupe, et on saute.
On ne refera pas l’histoire, elle semble scellée. Entouré de quelques anciens, le directeur a lui-même arrêté la chaîne de production, qu’il avait améliorée au fil des années. Les autres ouvriers, les plus jeunes, ne se trouvent pas en première ligne, en ce moment symbolique. Michel Barthélémy leur en veut, il critique leur attitude de ces derniers jours. Cette semaine, quelques-uns ont fait un barbecue, musique à fond.
Il ne l’avale pas. Comme si on faisait la fête à l’enterrement d’une plus que centenaire.
Source: lavenir par Emmanuel Wilputte

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