Dans
une conjoncture atone, les sociétés rachetées en LBO en 2006 ou 2007 ne
peuvent pas tenir leurs promesses. Des dossiers qui tournent au bras de
fer entre fonds et créanciers.
Certaines erreurs commises en 2006 ou en 2007 se paient aujourd'hui
comptant. À cette époque-là, la dette se levait d'un claquement de
doigts pour racheter des entreprises, cher, très cher. Six ou sept ans
plus tard, la logique est implacable. Dans un environnement économique
dégradé, les entreprises très endettées sont menacées. Les dirigeants
peuvent négocier avec leurs banquiers pour étaler les remboursements de
la dette, en revoir les modalités… Mais, in fine, si la croissance ne
revient pas, une profonde restructuration de bilan s'impose. Une loi que
subissent tout particulièrement les entreprises acquises par des fonds
d'investissement en s'appuyant sur l'effet de levier de la dette - en
anglais, les «leverage buy out» (LBO).
Dans ce type d'opération, les fonds créent une société holding qui porte
la dette levée pour financer l'acquisition. Une dette calculée en
fonction des bénéfices attendus de la société rachetée, et
éventuellement de sa valeur à la revente. Mais quand les hypothèses de
départ sont fausses - et le monde d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à
voir de ce point de vue avec celui d'avant la crise -, c'est tout
l'édifice qui vacille. Les échéances de dette deviennent insoutenables
et la renégociation nécessaire.
Pic en 2014
En 2008 et 2009, on avait assisté à une première vague de LBO en
difficulté. Mais pour la plupart - le promoteur Kaufman & Broad, le
chimiste Materis, le loueur Europcar, le tuilier Terreal, le
gestionnaire monétique de stationnement et de transport Parkeon, le
producteur d'éléments en béton Consolis… - les fonds et leurs créanciers
se sont contentés de repousser les échéances, après une légère
restructuration. À l'époque, les banques avaient d'autres chats à
fouetter et n'étaient pas en état d'affronter de trop lourdes pertes.
Dans quelques cas seulement, Monier (ex-Lafarge Roofing), l'imprimeur
CPI ou encore SGD (ex-Saint-Gobain Desjonquères), elles avaient dû
prendre le contrôle.
Quatre ans plus tard, et toujours sans perspectives de redressement de
la conjoncture, ces ballons d'oxygène ont été épuisés. Nombre de
dossiers reviennent en boomerang. Selon Dealogic, 550 milliards de
dollars de dettes LBO arrivent à maturité entre 2012 et 2016, avec un
pic en 2014. Sur ce montant, les entreprises françaises détenues par des
fonds devraient rembourser 86 milliards d'euros. L'emblématique éditeur
d'annuaires PagesJaunes a sonné l'annonce de cette nouvelle vague de
restructuration, brutale.
Cette fois, les sociétés concernées vont changer de mains, c'est-à-dire
que les fonds d'investissement qui les avaient acquises vont tout
perdre. Les créanciers sont en effet maintenant prêts à prendre les
commandes. Il peut s'agir de fonds spécialisés, qui ont racheté à bas
prix une dette sur laquelle les banques d'origine ont progressivement
pris leurs pertes. Après une renégociation drastique, KKR et Goldman
Sachs ont ainsi perdu le contrôle de PagesJaunes au profit du fonds de
dette Cerberus.
Mais
dans les dossiers Saur et Terreal, ce sont les banques elles-mêmes qui
se déclarent prêtes à monter elles-mêmes au capital. «Lors des dernières
restructurations de 2008-2009, la prise de contrôle par les financiers
était surtout un épouvantail, mais cette éventualité n'est plus un tabou,
confirme Thomas Chambolle, associé gérant chez Ricol & Lasteyrie.
Les banques se sont professionnalisées et sont prêtes à sauter le pas.»
«À moins qu'elles ne cherchent à faire un ou deux exemples, pour être en
position de force pour les prochains dossiers», tempère un expert.
Les fonds de mezzanine, qui apportent dans les montages financiers les
dettes les plus en risque, suivent le même chemin. Le fonds britannique
ICG a ainsi pris le contrôle de Via-Location ou encore de Parkeon. Pour
son dirigeant, Benoît Durteste, il s'agissait de la moins pire des
solutions. «On arrivait au bout des options. Dans chacun de ces cas,
nous avons pris le contrôle des sociétés pour défendre nos positions
existantes. Et pour tenter d'apporter une solution à une situation de
crise.» Le marché s'organise pour surmonter ce choc. «Des acteurs
traditionnels, fonds ou industriels, regardent aujourd'hui des dossiers
LBO complexes qui constituent de nouvelles opportunités», explique
Guillaume Cornu, associé Ernst & Young
Source Le Figaro par Anne de Guigné
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