Pages

23/04/2013

Des dizaines d'entreprises détenues par des fonds menacées par leur dette

Dans une conjoncture atone, les sociétés rachetées en LBO en 2006 ou 2007 ne peuvent pas tenir leurs promesses. Des dossiers qui tournent au bras de fer entre fonds et créanciers.

Certaines erreurs commises en 2006 ou en 2007 se paient aujourd'hui comptant. À cette époque-là, la dette se levait d'un claquement de doigts pour racheter des entreprises, cher, très cher. Six ou sept ans plus tard, la logique est implacable. Dans un environnement économique dégradé, les entreprises très endettées sont menacées. Les dirigeants peuvent négocier avec leurs banquiers pour étaler les remboursements de la dette, en revoir les modalités… Mais, in fine, si la croissance ne revient pas, une profonde restructuration de bilan s'impose. Une loi que subissent tout particulièrement les entreprises acquises par des fonds d'investissement en s'appuyant sur l'effet de levier de la dette - en anglais, les «leverage buy out» (LBO).
Dans ce type d'opération, les fonds créent une société holding qui porte la dette levée pour financer l'acquisition. Une dette calculée en fonction des bénéfices attendus de la société rachetée, et éventuellement de sa valeur à la revente. Mais quand les hypothèses de départ sont fausses - et le monde d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir de ce point de vue avec celui d'avant la crise -, c'est tout l'édifice qui vacille. Les échéances de dette deviennent insoutenables et la renégociation nécessaire. Pic en 2014
En 2008 et 2009, on avait assisté à une première vague de LBO en difficulté. Mais pour la plupart - le promoteur Kaufman & Broad, le chimiste Materis, le loueur Europcar, le tuilier Terreal, le gestionnaire monétique de stationnement et de transport Parkeon, le producteur d'éléments en béton Consolis… - les fonds et leurs créanciers se sont contentés de repousser les échéances, après une légère restructuration. À l'époque, les banques avaient d'autres chats à fouetter et n'étaient pas en état d'affronter de trop lourdes pertes. Dans quelques cas seulement, Monier (ex-Lafarge Roofing), l'imprimeur CPI ou encore SGD (ex-Saint-Gobain Desjonquères), elles avaient dû prendre le contrôle.
Quatre ans plus tard, et toujours sans perspectives de redressement de la conjoncture, ces ballons d'oxygène ont été épuisés. Nombre de dossiers reviennent en boomerang. Selon Dealogic, 550 milliards de dollars de dettes LBO arrivent à maturité entre 2012 et 2016, avec un pic en 2014. Sur ce montant, les entreprises françaises détenues par des fonds devraient rembourser 86 milliards d'euros. L'emblématique éditeur d'annuaires PagesJaunes a sonné l'annonce de cette nouvelle vague de restructuration, brutale.
Cette fois, les sociétés concernées vont changer de mains, c'est-à-dire que les fonds d'investissement qui les avaient acquises vont tout perdre. Les créanciers sont en effet maintenant prêts à prendre les commandes. Il peut s'agir de fonds spécialisés, qui ont racheté à bas prix une dette sur laquelle les banques d'origine ont progressivement pris leurs pertes. Après une renégociation drastique, KKR et Goldman Sachs ont ainsi perdu le contrôle de PagesJaunes au profit du fonds de dette Cerberus.
Mais dans les dossiers Saur et Terreal, ce sont les banques elles-mêmes qui se déclarent prêtes à monter elles-mêmes au capital. «Lors des dernières restructurations de 2008-2009, la prise de contrôle par les financiers était surtout un épouvantail, mais cette éventualité n'est plus un tabou, confirme Thomas Chambolle, associé gérant chez Ricol & Lasteyrie. Les banques se sont professionnalisées et sont prêtes à sauter le pas.» «À moins qu'elles ne cherchent à faire un ou deux exemples, pour être en position de force pour les prochains dossiers», tempère un expert.
Les fonds de mezzanine, qui apportent dans les montages financiers les dettes les plus en risque, suivent le même chemin. Le fonds britannique ICG a ainsi pris le contrôle de Via-Location ou encore de Parkeon. Pour son dirigeant, Benoît Durteste, il s'agissait de la moins pire des solutions. «On arrivait au bout des options. Dans chacun de ces cas, nous avons pris le contrôle des sociétés pour défendre nos positions existantes. Et pour tenter d'apporter une solution à une situation de crise.» Le marché s'organise pour surmonter ce choc. «Des acteurs traditionnels, fonds ou industriels, regardent aujourd'hui des dossiers LBO complexes qui constituent de nouvelles opportunités», explique Guillaume Cornu, associé Ernst & Young
Source Le Figaro par Anne de Guigné

Aucun commentaire: