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27/01/2013

Des cultures de micro-algues en façade pour réguler thermiquement les bâtiments



Pourquoi intégrer des milieux de culture pour micro-algues aux façades des bâtiments ? Réponse avec Olivier Scheffer, directeur R&D de X-TU, qui collabore avec le laboratoire CNRS "GEPEA" de l'université de Nantes et avec AlgoSources Technologies.
L'idée d'intégrer des milieux de culture algale aux façades des bâtiments date maintenant de plusieurs années. Anouk Legendre, architecte et fondatrice de l'agence X-TU, s'y intéresse depuis 2008, année où elle a déposé un brevet. "Mais nous sommes une agence d'architecture et nous n'avions pas toute la légitimité pour mener à bien un projet transverse de cette envergure", nous explique Olivier Scheffer, directeur R&D. "Nous sommes donc allés à la rencontre de différents acteurs". Deux projets d'étude émergent alors : une tour à la Défense en 2009-2010 et la tour D3A dans le 13e arrondissement parisien en 2010-2011. "Suite au premier projet, où nous étions partenaires avec l'espagnol Bio Fuel Systems, nous avons perçu les limites des tubes bioréacteurs de plusieurs mètres plaqués sur une façade", poursuit le responsable R&D. Des limites tant liées au bâtiment, avec des surcoûts engendrés par le renforcement des structures afin de supporter le poids des tubes, qu'au milieu de culture avec une faible productivité et des problèmes d'encrassement.
En 2010, l'agence d'architectes se rapproche donc du GEPEA, un laboratoire du CNRS considéré comme l'un des plus en pointe dans le monde sur la culture des micro-algues. Tout l'enjeu consiste alors à développer un système rentable et pérenne, intégrable aux façades des bâtiments. L'équipe, constituée avec X-TU, les scientifiques et AlgoSource Technologies, une entreprise d'ingénierie spin-off du laboratoire, met au point un "photobioréacteur plan intensifié". "Il s'agit en fait de sorte de panneaux solaires thermiques où les micro-algues poussent dans une lame d'eau de quelques centimètres d'épaisseur comprise entre deux parois en verre", détaille Olivier Scheffer. Une solution qui permet de mieux bénéficier du rayonnement solaire que dans les bassins et tubes. "De plus, une technique d'agitation du milieu appelée 'Airlift' permet encore d'augmenter la concentration en micro-algues grâce à de l'injection contrôlée de gaz, air ou CO2, pour assurer leur croissance".
Une très forte productivité
Le résultat ? Une productivité de 50 à 100 fois supérieure aux procédés antérieurs qui permet en sus de gérer des volumes d'eau moindre et donc, d'alléger l'ensemble. Le photobioréacteur plan s'insère donc mieux aux bâtiments. "L'intégration permet de contribuer à la régulation de la température par un concept de double peau ventilée, qui crée une serre verticale sur les façades exposées", expose le directeur de la R&D. En 2010, une seconde demande de brevet est déposée pour des murs rideaux qui intègrent les bioréacteurs. "L'économie finale est de l'ordre de 40 % sur les consommations cumulées du bâtiment et des photobioréacteurs : une association vertueuse", affirme X-TU. Les algues produites, qui fixent du gaz carbonique, seront récoltées et utilisées pour l'alimentation humaine et animale (compléments type Oméga-3 ou -6).
Un projet industriel
"L'usage des micro-algues est pour l'instant cantonné à des domaines à très forte valeur ajoutée, comme la santé ou la cosmétique, car le coût de revient est encore très élevé. Mais avec des productions de l'ordre de 20 à 30 tonnes par façade et par an, on pourra viser un marché plus large", annonce Olivier Scheffer. En revanche, il n'est pas encore question de produire des algocarburants en façade, avant 10, 15 ou 20 ans, toujours à cause des prix : "Brûler des lipides et des algues qui valent 350 €/kg est un non-sens et le bilan énergétique est défavorable !".
Test grandeur nature
La prochaine étape pour X-TU et ses partenaires est l'installation d'un banc d'essai grandeur 1, en façade, qui sera instrumenté afin de vérifier l'impact à la fois sur les cultures et sur le bâtiment. Il sera implanté au printemps 2013 à Saint-Nazaire, non loin des laboratoires du GEPEA. "Et si les résultats sont concluants, le groupe Séché Environnement déploiera le système sur la façade d'une usine d'incinération", conclut le directeur de la recherche et du développement X-TU. Un projet industriel qui pourrait voir le jour avant la fin de l'année. L'installation récupérerait alors de la chaleur des fumées et du CO2 afin d'exploiter ces ressources perdues et d'alimenter les cultures. Des solutions qui intéressent déjà des maîtres d'ouvrage et des collectivités, peut-être pour une diffusion plus large en 2014. Mais les micro-algues envahiront-elles toutes nos façades ?

Source Batiactu

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