Pages

19/11/2012

Terreal s’adapte à la nouvelle donne énergétique et environnementale

L’adaptation des entreprises à la nouvelle donne énergétique et environnementale. C’est le thème du petit-déjeuner organisé ce 19 novembre par E-Cube en partenariat avec Enerpresse. C’est aussi la question que nous avons posée à François Amzulesco, directeur Innovation et Projets industriels chez Terreal. En alerte sur le sujet depuis plusieurs années, c’est à bras le corps, depuis la crise de 2009, que le groupe relève le défi. Entretien.
Pouvez-nous dresser un portrait de Terreal et de sa problématique énergétique en termes de volumes et de coûts ?
François Amzulesco : Dans notre activité basée sur les systèmes constructifs pour l’enveloppe du bâtiment, le volet énergie est présent à deux niveaux : dans les produits que nous mettons sur le marché et dans nos usines. Concernant les premiers, l’évolution est impressionnante depuis quelques années : par exemple, une brique classique de 20 centimètres de largeur est aujourd’hui 4 fois plus isolante qu’il y a six ans.
La problématique rejaillit aussi sur nos usines. Le lien se fait directement, sachant que les habitants d’une maison construite selon la RT2012 vont dépenser autant d’énergie pendant 30 ans qu’il aura fallu en dépenser pour produire les matériaux qui composent cette maison. Notre métier de la terre cuite étant totalement intégré puisque nous extrayons nous-mêmes notre matière première, et nos produits étant utilisés à proximité de leurs sites de production, l’énergie grise se consomme quasi-entièrement dans nos usines.
Terreal a consommé 4 700 térajoules d’énergie en 2011, dont 4 100 TJ de gaz pour le séchage et la cuisson des tuiles et des briques, 520 TJ d’électricité pour les procédés mécaniques, et 100 TJ d’autres énergies, dont 25 en fioul lourd qui est le seul, actuellement, à même de conserver le cachet esthétique de certains produits. Mais nous sommes en train de travailler en vue d’avoir le même effet avec le gaz.
Cette consommation d’énergie représente 20 % des coûts de production, trois-quarts pour le gaz et un quart pour l’électricité. C’est le deuxième coût après la main d’œuvre et c’est donc un sujet dont nous nous occupons en permanence, avec une acuité grandissante depuis la crise de 2008-2009 quand nos ventes ont fortement chuté de manière concomitante avec une forte inflation sur les coûts de l’énergie. Cet effet ciseau a provoqué un vrai coup d’accélérateur dans nos efforts. »
Quels sont vos objectifs ?
François Amzulesco : « Notre objectif est désormais clairement défini : réduire de 25 % d’ici à 2020 notre consommation d’énergies fossiles. Nous avons lancé des actions de terrain sur l’ensemble de nos usines pour sensibiliser, former les techniciens et ingénieurs à la problématique énergétique. Un très gros travail… qui ne rapporte pas énormément. Au total, cela a permis de réduire notre consommation de 1 à 1,5 %. Ce n’est pas massif mais si nous ne le faisons pas, nous risquons de dériver un peu plus.
Quelle est votre stratégie pour atteindre ces objectifs ?
François Amzulesco : Car c’est par le progrès technique que nous atteindrons notre objectif. Deux axes de travail ont été mis en place pour réduire la consommation d’énergies fossiles. Le premier concerne l’énergie thermique basse température consommée dans les séchoirs. Notre idée est, ici, de porter tous nos efforts sur la récupération d’énergie, sans faire de vraie révolution mais en allant chercher la technologie qui existe dans d’autres secteurs, l’agroalimentaire ou la chimie, et de la transposer pour la terre cuite. Cette récupération pourrait se faire par le biais d’échangeurs basse température installés sur les cheminées de nos fours ou de pompes à chaleur. Nous installerons en 2014-2015 une unité pilote dans l’une de nos tuileries avec pour objectif de réduire de 25 % sa consommation de gaz. Si l’essai est concluant, nous généraliserons la méthode à l’ensemble de nos sites.
Le second axe concerne la haute température - entre 850 et 1 150°C - dans nos fours. L’idée est de remplacer le gaz naturel par des bioénergies. Deux solutions existent : le biométhane et le gaz de synthèse. Concernant le premier, nous avons un projet à l’horizon 2014 qui sera réalisé à Chagny en Bourgogne, en partenariat avec le Syndicat Mixte d'Études pour la valorisation des déchets ménagers de Saône-et-Loire ; et trois autres qui seront menés à partir des déchets agricoles, déjections animales, fumiers, déchets de la restauration. Ce sont des projets d’autant plus vertueux qu’ils impliquent les territoires. Mais la contribution de ce biométhane sera forcément limitée : pour des raisons économiques et environnementales, nous ne pouvons pas aller chercher nos matières premières à plus de 20 ou 30 km des sites. Il pourrait toutefois couvrir en 2016-2017 un quart de la consommation des usines concernées.
Avez-vous d’autres solutions ?
François Amzulesco : Une autre solution est le gaz de synthèse, gaz pauvre comme l’on dit, qui a un pouvoir calorifique équivalent à un sixième de celui du méthane. Nous travaillons sur un projet de R&D à partir de déchets de bois de démolition et d’ameublement à Montpellier en coopération avec le Cirad, spécialiste mondialement reconnu de la valorisation de la biomasse dans les pays en développement et avec le soutien de l’Ademe et de la région Languedoc-Roussillon. Ce projet nous montre qu’il est possible d’utiliser le gaz de synthèse pour la cuisson des briques. Qui plus est, ce gaz devrait être plus économique que le biométhane qui ne peut se passer de subvention.
D’ici à 2016-2017, une première briqueterie, vraisemblablement en Espagne, à quelques kilomètres de la frontière française, tournera avec ce gaz de synthèse. Si l’opération est concluante, elle sera appliquée à nos briqueteries de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon.
Si les verrous à faire sauter sont d’ordre technologique, ne sont-ils pas aussi économiques ?
François Amzulesco : En effet, les bioénergies sont plus chères et liés à la sécurité d’approvisionnement. Les déchets agricoles qui seront méthanisés pur obtenir du biométhane dépendent directement de l’activité d’élevage autour de nos usines. Si le cheptel bovin se réduit sous la pression de la crise économique, la sécurité d’approvisionnement n’est plus assurée. Il en va de même pour le gaz de synthèse. Des projets énormes de biomasse se développent, notamment dans le Sud-Est. La matière première, qui est aujourd’hui disponible, pourrait l’être demain à des conditions nettement moins économiques.
Nous aimerions que les règles soient clarifiées, notamment concernant le gaz de synthèse, que l’on pense aux besoins des industries de haute température quand l’on définit un plan biomasse.

Ne vaut-il pas mieux utiliser cette bioénergie pour chauffer des fours à 1 100°C que des maisons à 20°C ?
En tant qu’industriel et membre de l’Uniden (Union des industries utilisatrices d’énergie), qu’attendez-vous du débat sur la transition énergétique en France ? Les objectifs en matière de rénovation vous paraissent-ils tenables ?
François Amzulesco : Les objectifs pour la rénovation thermique des logements annoncés lors de la conférence environnementale témoignent d’une ambition forte. Reste à savoir sur quoi ils déboucheront concrètement. Terreal participe, d’autre part, aux travaux post-Grenelle et notamment à la rédaction des nouvelles règles de l’art (programme RAGE).
En tant qu’industriel gros consommateur d’énergie, nous aimerions que le besoin d’une énergie compétitive soit officiellement mentionné. Le mot n’a pas été prononcé ni lors de la Conférence environnementale, ni dans les suites du rapport Gallois. Cela nous préoccupe beaucoup. L’accès à une énergie sécurisée et compétitive est une condition indispensable à notre activité. »

Source LE MONITEUR.FRpar Elisabeth Salles

Aucun commentaire: