D'emblée, le ton est donné: «Nous voulons démentir certaines contre-vérités émises sur le métier du capital-investissement, et plus particulièrement sur celui du LBO (Leverage Buy-Out: acquisition par endettement)», a asséné mercredi Louis Godron, président de l'Association française des investisseurs pour la croissance (Afic), en préambule de la présentation de la situation financière des entreprises détenues par des fonds de LBO, en France. «On ne peut pas continuer à dire que le mur de la dette va bouleverser les équilibres financiers de la France et de l'Europe», a insisté Louis Godron.
Un mur de dette de 133 milliards d'euros, selon Moody's
Une allusion à peine voilée à Moody's. Fin mai, l'agence de notation financière avait tiré la sonnette d'alarme sur un mur de 133 milliards d'euros de dettes liées à des opérations de LBO, contractées par 254 sociétés européennes, et arrivant à échéance dès 2014 et 2015. Selon Moody's, au moins un quart de ces 254 entreprises risquaient de faire défaut, en raison de la dégradation de la conjoncture économique et de la difficulté à se refinancer auprès des banques et des marchés, crise financière oblige.
L'exemple de PAI pris au piège de Monier
Un exemple de défaut avait frappé les esprits, en juin 2009. Celui du fonds de LBO PAI, contraint de céder Monier à ses créanciers. Deux ans plus tôt, PAI avait acheté 65% de ce fabricant de tuiles au prix de 2,07 milliards d'euros, profitant de l'euphorie sur les marchés pour financer cette acquisition via 1,8 milliard d'euros de dette. L'idée étant, comme dans toute opération de LBO, de rembourser la dette et de payer les intérêts grâce aux résultats dégagés par le fabricant de tuiles. C'était compter sans la récession économique de 2009, qui a provoqué une chute de l'activité de Monier, plongeant PAI dans l'incapacité de payer les intérêts de la dette d'acquisition.
14% des sociétés sous LBO ne respectent pas leurs «covenants»
La probabilité d'assister à de tels cas d'école, dans les prochains mois, est très faible, à en croire l'Afic, qui a mené une enquête auprès de ses membres. Enquête selon laquelle, au 31 décembre 2011, 14% seulement des sociétés détenues par des fonds de LBO ne respectaient pas leurs «covenants», c'est-à-dire les ratios financiers qui, s'ils sont brisés, rendent la dette immédiatement exigible par les créanciers. En 2010, ce ratio était de 19%, et il s'élevait à 24% en 2009.
Négociations avec les créanciers De plus, sur ces 14% de mauvaises élèves, 1% seulement n'ont pas encore résolu leurs problèmes de «covenants». Les autres ont obtenu de leurs créanciers des dérogations à ces ratios financiers, ou bien ont négocié avec eux un rééchelonnement de leur dette. En mai dernier, la société d'investissement Wendel avait ainsi obtenu un report de la maturité de la dette du chimiste Materis, de 2013-2015 à 2015-2016. Idem pour le groupe de restauration Elior, détenu par le fonds Charterhouse, et dont les créanciers ont accepté de différer de trois ans, à 2017, l'arrivée à échéance de près de la moitié de sa dette.
69 fonds de LBO seulement ont répondu à l'enquête de l'Afic Mais «il faut se garder d'un excès d'optimisme, (...) parce que la situation économique est très rude et peut conduire à de nouvelles difficultés», reconnaît l'Afic. Surtout que, sur les 132 fonds de LBO que l'association a interrogés, 69 seulement ont accepté de lever le voile sur la santé financière de leurs participations.
Source La Tribune par Christine Lejoux
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