Sur le plan industriel, le XIXe siècle est marqué par le
développement de la mécanisation de la production en vue d'en augmenter le
volume et, en abaissant les prix de revient, de conquérir de nouveaux marchés
débordant le cadre local. En Sologne, l'activité de la briqueterie n'échappe
pas à ce mouvement et des établissements voient le jour dans de nombreuses
communes. Dans la plupart de ces entreprises, les propriétaires et les
exploitants cherchent à moderniser la production avec des résultats variables
comme avec ces deux exemples du malaxeur ou encore de la calibreuse.
Le malaxeur de Souesmes
A la tuilerie de la Bardellière à Souesmes située près de la
petite rivière où se loge la Boute-Morte, affluent de la Petite-Sauldre, un
malaxeur d'argile fut installé au début du XXe siècle. Il était mu par un
cheval, selon le principe de la noria et permettait la bonne homogénéisation de
la pâte molle en remplaçant le travail d'autrefois, entièrement manuel qui
consistait à fouler au pied d'argile et à la mélanger à l'aide d'une pelle en
bois. Sa production journalière, de 8 à 10 m3, était destinée à la fabrication
des tuiles, briques et carreaux. Production efficace de Delahaye à Tours, cette
machine était vendue sur catalogue et avait fait ses preuves avec brio
contrairement à bon nombre d'innovations de l'époque.
Devenu par héritage possesseur de Montevray à
Nouan-le-Fuzelier en 1842, Léon de Buzonnière s'emploie à diverses expériences.
Il établit une briqueterie soit une fabrique parfaitement adaptée à la Sologne
où la pierre de construction est absente et l'argile abonde. Il laisse derrière
lui de nombreuses précisions sur ces installations et un mémoire de 1844 sur
l'invention d'une machine à produire des briques, susceptible d'entraîner
d'importants changements, tout particulièrement dans la région.
La calibreuse de Nouan-le-Fuzelier
Il y expose l'intérêt de mécaniser la production sous un mode
opératoire plutôt simple qui nécessitait la présence de trois personnes. La
première plaçait la brique dans la coulisse et la comprimait à l'aide de la
vis ; la deuxième actionnait le poussoir en appuyant pour calibrer la brique
sur toutes ses faces et en tirant pour l'éjecter en façonnant les extrémités ;
enfin, une femme ou un enfant, récupérait la brique sur la plaque. Cette
machine paraît inadaptée au travail de l'argile crue, car on peut douter de
l'efficacité des six lames pour calibrer la brique dans toutes ses dimensions,
sans arrachement de surface ni déformation du produit.
De plus l'inventeur n'évoque pas de lubrification et le
risque de bourrage lors de l'évacuation des « copeaux ». Lors de sa
présentation, il avait pourtant envisagé un rendement élevé en estimant qu'en
dix heures de travail et avec une cadence de quatre secondes par brique, sa
machine permettrait de calibrer 9.000 briques par jour !
Malgré des tentatives d'amélioration, cette calibreuse fut
rapidement abandonnée, ce qui n'empêchera pas le développement de l'entreprise
de Montevray dont le four est toujours visible. Même si quelques opérations
purent être mécanisées, le travail dans les briqueteries-tuileries de Sologne
restera de tout temps tributaire d'une main-d'œuvre importante et relativement
peu coûteuse, parmi laquelle les enfants tenaient une large part, comme le
témoigne M. Coyen, époux de la sage-femme de Saint-Viâtre, en 1937. « Les
enfants étaient employés autrefois dans les briqueteries, pour transporter les
briques du moule au séchage : ils les portaient deux par deux, environ 3.000
par jour, soit la fabrication d'un ouvrier, ils faisaient donc 1.500 fois un
trajet de 20 mètres environ avec deux briques, nus pieds et en trottant. Ils
commençaient au mois de mars pour finir le jour de la Toussaint. Quand les
briques étaient à moitié sèches, on les mettait dans les loges. »
(*) Groupement de
recherches archéologiques et historiques de Sologne.
en savoir plus
Lire dans les bulletins du Grahs les articles de Frédéric Auger
et Joël Lépine « Un malaxeur d'argile, mu par un cheval, à la tuilerie de la
Bardellière à Souesmes (L-et-C), au début du XXe siècle », dans La Sologne et
son passé 51, et « Évolution et fonctionnement d'une briqueterie de Sologne aux
XIXe et XXe siècles : Montevray à Nouan-le-Fuzelier (Loir-et-Cher) » dans le
hors-série « Les briqueteries-tuileries de Sologne » à paraître en septembre.
Les bulletins du Grahs sont disponibles par abonnement et en
vente dans certaines maisons de la presse et au local de l'association, 14, rue
de Beauce à Lamotte-Beuvron, ou sur le site internet : www.grahs.1901.org
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