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25/08/2012

La manufacture de briques de Terrebonne (Quebec)


Durant la seconde moitié du 19e siècle, la région de Terrebonne connaît un essor manufacturier. On constate les débuts de la manufacture de machineries agricoles de Matthew Moody et on assiste à une réorganisation de la production des moulins de la seigneuresse Masson. Il existe cependant des activités un peu plus marginales qui méritent une certaine attention, c'est le cas de la manufacture de briques de Terrebonne qui s'établit ici dans le dernier quart du 19e siècle.

Le journal «Les Laurentides» (Saint-Lin) du 12 février 1875 annonce sous la rubrique «Nouvelles locales» «qu'il vient de se former à Terrebonne une compagnie pour manufacturer la brique et les poteries. Les travaux sont déjà commencés paraît-il».

Localisation et historique des lieux

La nouvelle compagnie s'est installée sur ce site le 16 novembre 1874 avec en main un bail de dix ans. Elle est située sur la montée Pincourt (aujourd'hui, boulevard Moody) au pied du coteau. L'emplacement est loué par Matthew Moody à la Manufacture de briques de Terrebonne le 15 mai 1875. Le site comprend les débris «de l'ancienne remise ou hangar, des étendoirs ou abris et des contrevents, etc., qui ont servi autrefois pour cuire, sécher et abriter la brique». Ainsi, la fabrication de briques s'effectuait déjà à cet endroit, mais le site était abandonné depuis un certain temps! En plus du site, la manufacture loue une maison et deux tombereaux à patins pour transporter la glaise, le tout pour une somme de 100 $ par an.

Les actionnaires

Les divers extraits du livre des délibérations de la compagnie nous renseignent sur ses actionnaires et administrateurs. Ainsi, en 1875, les directeurs fondateurs sont : Louis-Rodrigue Masson, avocat et député fédéral, Adolphe Chauvin, meunier et gérant des moulins Masson, Joseph Lauzon et A. W. Joubert, marchands, et John Moody, machiniste et gérant de la manufacture de M. Moody. Toutefois, en 1877, la direction est grandement modifiée : L.R. Masson est toujours président, mais il est assisté de Matthew Moody, machiniste, Théodore Roussil, menuisier et marchand, Joseph Lauzon et Thomas Lapointe, aussi marchands. Qu'est-ce qui explique ce changement? Il semble bien qu'il y avait d'autres actionnaires, notamment William Moody, décédé en 1876. Il y aurait donc eu des démissions ou des élections de nouveaux dirigeants.

La production

L'entreprise fabrique des briques, des tuiles et des poteries. Outre les deux tombereaux à patins, elle utilisait une presse à doubles chevaux, des brouettes, des pelles et des piques. Les fours (deux) fonctionnaient au bois, puisqu'à l'hiver 1875, la compagnie achète deux cents cordes d'épinette, sapin et bouleau à G. Désormier dit Cusson de Saint-François-de-Sales, pour la somme de 500 $. À l'hiver 1876, un amas de glaise (matière première) se trouve sur le site.

On retrouve un contrat daté du 14 mai 1877 où John Moody, cautionné par son père, Matthew, s'engage à fabriquer 800 000 briques de première qualité «et dont les deux-tiers au moins devront être de briques dures et de bonne couleur». Le contrat nous apprend également que la manufacture dispose de trois séchoirs neufs à ajouter aux anciens ainsi qu'aux deux fourneaux. L'équipement ainsi décrit révèle une certaine ampleur de la production tout en étant encore à un stade de production artisanale.

Qu'est-ce que justifie la commande d'une telle quantité de briques? Produit-on sur commande ou pour un «marché anonyme»? Néanmoins, il s'agit ici d'une commande sûrement alléchante pour justifier un déboursé de 2000 $ pour ces 800 000 briques.

Les conditions de travail

Une facette souvent négligée de la recherche en histoire sociale est les conditions de vie et de travail des «petites gens». Un contrat du 19 mai 1875 nous apprend que la compagnie procéda à l'engagement de Félix Beauchamp, de Montréal, analphabète sans occupation déclarée, lequel loue ses services à la manufacture. Il est tenu à la surveillance et à la conduite des hommes, à la surveillance et à la garde des chevaux et des instruments. Pour bien remplir ses obligations, il doit demeurer sur les prémisses avec sa famille dans une petite maison louée par la compagnie. Enfin, Félix Beauchamp doit «prendre les intérêts de la compagnie comme un bon père de famille et un bon serviteur», faute de quoi il pourra être remercié de ses services. Il y a dans cette phrase, qui fait cliché, toute une évolution des relations personnelles entre l'employé et ses patrons. Félix Beauchamp est lié moralement à la compagnie et doit être soumis comme un serviteur.

Le prix d'une telle soumission : 3 $ par jour ouvrable, y compris les jours de fête d'obligation (mais non les dimanches), soit la somme de 18 $ par semaine payable le samedi au bureau de la compagnie. Il s'agit pour l'époque d'un excellent salaire de contremaître; un poste très enviable!

Cet engagement a-t-il été rentable pour la compagnie? Cependant, en 1877, le marché entre John Moody et la compagnie ressemble étrangement à un contrat forfaitaire : 800 000 briques pour 2 000 $. La compagnie fournit les matériaux et les outils tandis que John Moody fournit le reste, soit probablement la main-d'œuvre. Il faut donc en croire que les premières années d'exploitation de la Manufacture de briques de Terrebonne furent très prospères. Qu'est-il advenu de cette fabrique de briques? Nous n'en savons rien. Il ne semble plus figurer dans les documents du début du 20e siècle.
La revue de cœur et d’action par Claude Martel

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