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( Interview réalisé en Avril 2012 avant le premier tour de l'élection présidentielle).
François Ruffin : On se trouve au siège de la Corporate Investment Bank du Crédit agricole. Premier broker indépendant sur actions européennes, Cheuvreux possède quatorze bureaux à travers le monde, y compris New york, San Francisco, Tokyo, Zurich… Donc Cheuvreux conseille 1200 banques, fonds de pension et ainsi de suite.
( Interview réalisé en Avril 2012 avant le premier tour de l'élection présidentielle).
François Ruffin : On se trouve au siège de la Corporate Investment Bank du Crédit agricole. Premier broker indépendant sur actions européennes, Cheuvreux possède quatorze bureaux à travers le monde, y compris New york, San Francisco, Tokyo, Zurich… Donc Cheuvreux conseille 1200 banques, fonds de pension et ainsi de suite.
Nicolas Doisy : Tout à fait.
F.R. : Mais pourquoi une société de courtage comme Cheuvreux
a un département recherche ? Et pourquoi cette recherche s’intéresse à la
politique française ?
Nicolas Doisy : Pourquoi la politique ? Parce qu’en fait, ce
dont on se rend compte, c’est que dans politique économique, eh bien, il y a «
politique », y a pas qu’économique. Depuis finalement le début de cette crise,
la crise de Lehman en 2008, le cycle économique, financier, est beaucoup dirigé
et conduit par la politique, et du coup, tout ce qui est politique prend
énormément d’importance, et détermine beaucoup des événements sur lesquels les
investisseurs gardent leurs yeux.
Hollande : le choix
F. R. : Vous avez publié un papier là, dont le titre est, en
anglais, « François Hollande and France’s labour-market rigidity : the market
will rock both ». François Hollande et la rigidité du marché du travail : le
marché va chahuter, bousculer les deux.
N. D. : Tout à fait. Quand on regarde un petit peu la façon
dont se déroulent les élections, dont les marchés perçoivent le problème
européen, on se rend compte qu’il y a des chances non négligeables que François
Hollande se trouve pris entre deux forces contradictoires : les marchés qui
attendent de lui un certain nombre de réformes dites structurelles, qui vont
porter sur l’assainissement des comptes publics évidemment, mais aussi des
réformes qui sont appelées à rendre l’économie française plus performante. Or,
c’est le type de réforme dont très vraisemblablement une partie de l’électorat
de François Hollande se méfie, et si vous regardez bien, pour l’instant,
François Hollande s’est abstenu de clarifier de façon nette sa position sur ce
sujet.
Et pour cause : il sait qu’il sera pris à terme, à un
moment, entre la pression de ses électeurs et la pression des marchés. Déjà on
a des investisseurs qui s’étonnent du faible détail des candidats dans leurs
programmes, les anglo-saxons que je rencontre me demandent souvent : « Où est
le programme ? » Je leur dis : « Il n y en a pas ! », et pour cause, c’est un
jeu tactique pour l’instant, le programme on le saura une fois l’élection
finie. Et en fait on le connaît déjà, il sera imposé par l’appartenance à la
zone Euro.
La fin du CDI
F.R. : Vous dites non seulement François Hollande ne va pas
tenir ses promesses, mais en plus c’est lui qui va devoir flexibiliser le
marché du travail, c’est lui qui doit remettre en cause ce que vous appelez «
the famous CDI » le fameux CDI, contrat à durée indéterminée.
N.D. : C’est lui qui va devoir le faire dans la mesure où
c’est lui qui sera élu. En d’autres termes, de toute façon, qui que soit le
prochain président de la république française, c’est un travail qu’il va devoir
faire, parce que tout simplement il y aura la pression des pairs dans la zone
euro, c’est-à-dire de l’Italie, de l’Allemagne, de tous les autres pays. Quand
vous regardez bien l’Allemagne au milieu des années 2000 a fait ce genre de
réformes, l’Italie, l’Espagne sont obligés de le faire aujourd’hui, la Grèce
aussi. Pourquoi la France pourrait-elle s’en dispenser ?
F.R. : Quel type de réforme ?
N.D. : Quelles réformes ? J’y viens. C’est le package
typique de réformes qui a été imposé à la Grèce, qui est demandé aussi à
l’Italie, qui est demandé aussi à l’Espagne, et c’est, si vous voulez, si on
fait référence aux années 80, c’est ce qu’on appelle l’économie de l’offre,
c’est ce qu’avaient fait en leur temps Reagan et Thatcher. L’Europe
continentale a estimé qu’elle pouvait ne pas adopter ce modèle, c’est un choix
de société, c’est un choix politique. Il se trouve qu’aujourd’hui le modèle
traditionnel français, le modèle du CDI que vous mentionnez est en train
d’arriver en bout de course. Il est à bout de souffle, quelque part. Et donc ce
qu’il faut faire maintenant, c’est tout simplement le genre de réformes qui a
été faite en Espagne récemment.
F.R. : Vous avez un encadré pour dire, en gros, le Royaume
Uni et l’Irlande ont flexibilisé leur marché du travail, et ça a marché. En
revanche, en Europe continentale, et notamment en France on a fait de la
résistance, et finalement, on obtient des moins bons résultats.
N.D. : Oui, tout à fait. En Europe continentale, on a voulu
s’épargner l’idée de faire un contrat de travail unique qui soit suffisamment
flexible, et tout est dans le « suffisamment », c’est une question de bon
dosage de la flexibilité, mais l’important c’est un contrat de travail unique,
donc le CDI tel que nous l’avons connu, nous ne le connaîtrons plus
normalement, ça c’est clair.
F.R. : Alors vous dites, « ça ne s’est pas fait en Europe
continentale, alors que ça s’est fait au Royaume-Uni et en Irlande, donc
aujourd’hui le moment est venu de flexibiliser le marché du travail en Europe
continentale, on le voit en Espagne, on le voit en Italie, on le voit en Grèce…
La France ne peut pas être le seul ilot à maintenir une rigidité sur son marché
du travail dans une Europe qui flexibilise. »
N.D. : L’idée c’est de permettre aux entreprises d’avoir une
plus grande flexibilité dans la gestion de leurs ressources humaines, de façon
à ajuster au mieux leur personnel, leur force de travail, de façon a être les
plus performantes. En d’autres termes, ça revient finalement à réduire substantiellement
un certain nombre de garanties dont bénéficient, dont ont bénéficié jusqu’à
présent les titulaires de CDI notamment. Et donc à imposer plus de flexibilité
aussi sur les travailleurs. C’est là que ça va coincer, c’est là que ce sera
problématique, parce que je ne suis pas certain qu’on pourra maintenir le
modèle français tel qu’il est. C’est ça le point important. C’est que le
conflit d’objectifs que va avoir François Hollande, c’est rester dans la zone
euro et satisfaire les demandes de son électorat naturel. Les deux ne sont plus
compatibles maintenant, on le voit depuis la crise grecque, il faudra qu’il
fasse un choix. C’est pourquoi il est resté très prudent jusqu’à présent dans
son expression publique.
F.R. : Juste une question qui vient comme ça… Vous vous êtes
en CDI ou vous êtes pas en CDI M. Doisy ?
N.D. : Je suis en CDI, bien évidemment… Euh voilà… (Rires.)
L’Eurozone
F.R. : Alors dans votre papier vous écrivez : « C’est
regrettable pour François Hollande, mais la nécessité d’une libéralisation du
marché du travail est le résultat direct d’une appartenance de la France à la
zone euro, aussi ne peut-on avoir l’une sans avoir l’autre. » Donc la seule
question est de savoir si François Hollande va ne serait-ce qu’essayer de
respecter ses promesses, ou s’il va volontairement revenir dessus aussitôt élu.
N.D. : C’est exactement ça, et effectivement je vous
remercie de citer ce passage, c’est probablement un des plus importants de la
note – en passant la traduction est très bonne – c’est exactement ça, on est au
pied du mur, alors beaucoup de français penseraient « c’est la victoire du
modèle libéral »… Oui en quelque sorte, mais ensuite effectivement, la France
sera au pied du mur, tout au temps que l’Espagne l’est, tout autant que
l’Italie, tout autant que la Grèce, tout autant que tous les pays qui n’ont pas
fait ce genre de réformes…
F.R. : Ce que vous dites dans votre note, c’est, y aura
quelqu’un de déçu.
N.D. : Oui, le marché ou les électeurs seront déçu.
Quelque part c’est un peu une répétition de 81-83. Pour ceux
qui n’étaient pas nés à cette époque on va faire un petit point d’Histoire : en
81, alors qu’on venait d’avoir le choc pétrolier de 73- 74 et puis de 79, la
France avait besoin précisément d’être plus flexible, mais François Mitterrand
est élu sur un programme on va dire vraiment de gauche, très de gauche, très
socialiste keynésien, relance par la consommation, etc. etc. Et tout ça pour
qu’au bout de deux ans à peine, trois dévaluation du franc, en mars 83, après
avoir perdu les élections municipales, François Mitterrand soit obligé de faire
un complet demi-tour, et d’adopter les politiques de Madame Thatcher, de
Monsieur Reagan à l’époque… Évidemment pas aussi ambitieuse, mais tout de même.
Qu’est-ce qui s’est passé à cette époque ? Le choix avait
été très simple pour François Mitterrand, la question c’était : rester dans la
construction européenne, dans le projet européen, ou en sortir. Et après avoir
hésité, et apparemment failli quitter le SME, et donc le projet européen, la France
a décidé d’y rester. Et donc la traduction de ça, ça a été ce qu’on a appelé la
politique d’austérité, qui a duré des années, des années, des années, de
désinflation compétitive…
Eh bien là la situation est un peu la même, si la France
veut rester dans la zone Euro, il faudra très vraisemblablement qu’elle se plie
à un certain nombre de programmes de réformes qui sont maintenant imposés, ou
sinon l’idée sera que la France devra quitter la zone euro. Autant en 83 il
était peut-être moins compliqué de quitter le projet de construction
européenne, autant aujourd’hui ça risque d’être beaucoup plus compliqué. On l’a
vu : si l’idée même de la sortie d’un petit pays comme la Grèce a causé une
crise comme nous l’avons connue l’an dernier, je vous laisse imaginer pour la
France…
La confiance
F.R. : Dans un premier temps vous dites, en gros, les
marchés peuvent avoir confiance en François Hollande, parce que d’abord c’est
quelqu’un de pragmatique, c’est un européen de cœur, donc il ne va pas remettre
en cause l’appartenance de la France à la zone Euro et ainsi de suite… Et le
troisième point : il était conseiller de François Mitterrand lorsque François
Mitterrand a négocié le tournant de la rigueur en mars 1983, donc il en a gardé
le souvenir de ça, donc il ne va pas commettre la même erreur aujourd’hui.
N.D. : Il me semblerait inconcevable qu’un homme de la
formation et de l’intelligence de François Hollande qui a vécu l’expérience
dont on vient de parler, c’est-à-dire 81-83, ne s’en souvienne pas. En gros
l’alzheimer peut pas être aussi précoce que ça, et du moment où il s’en
souvient, je ne vois pas comment à partir de là il serait capable de ne pas
prendre en compte la réalité du marché telle qu’elle s’imposera à lui. Parce
qu’il faut pas l’oublier : le marché s’imposera.
Donc je dis « ne vous inquiétez pas : a priori même si je ne
suis pas dans le cerveau de François Hollande, ce que je vois ce qu’il y a tous
les éléments nécessaires pour qu’il ait une approche tout à fait pragmatique… »
Et en plus, c’est visible pour ceux qui prennent le temps de
scruter, François Hollande n’a pas promis le Grand soir. François Hollande n’a
rien promis, parce que dans votre phrase y avait, l’hypothèse la plus
optimiste, c’est celle où François Hollande prend ses fonctions et « revient
sur ses promesses », mais il n’en a pas fait ! C’est ça mon point : il n’en a
pas fait, ou il en a fait si peu que, finalement, de toute façon c’est comme si
ça comptait pas. Donc il a gardé les mauvaises nouvelles pour plus tard.
Le danger
N.D. : Maintenant il y a un danger qui se présente, c’est la
semaine qui vient de s’écouler, en particulier le week-end qui vient de
s’écouler : on voit que Mélenchon est vraiment en phase ascendante, on a bien
entendu ce week-end, François Hollande qui dit « oui, croyez moi, ça va être du
sérieux ma renégociation du traité ». Mais bien sûr, il est bien obligé, parce
que avant de gagner le deuxième tour, ceux qui ont connu 2002 savent qu’il faut
gagner le premier, donc il est bien obligé de faire quelques concessions
verbales à son électorat. Mais là encore je suis pas sûr qu’il ait été très
spécifique sur sa renégociation. Et c’est pour ça, j’en reviens à ce point, il
n’a pas fait de promesses, parce qu’il sait qu’il va devoir se renier par la
suite, donc il essaie d’en promettre le moins possible pour que le retour de
bâton soit le moins violent possible.
On voit la montée en puissance de Mélenchon. Ce qu’on se dit
tout simplement, c’est que à partir de maintenant, il va bien falloir que
Hollande commence à donner quelques gages à sa gauche, et c’est là que ça va
devenir un peu plus compliqué pour lui, parce que les marchés vont commencer à
comprendre, vous commencer à le sentir, c’est pour ça qu’il est resté très
prudent jusqu’à présent dans son expression publique.
Tromper le peuple
F.R. : François Hollande dit « je vais demander la
renégociation du dernier traité européen », vous, vous écrivez ça :
« François Hollande va avoir à naviguer à travers des forces
dans la gauche, notamment à cause du référendum manqué de 2005, et dans cette
perspective, vous écrivez, il serait politiquement intelligent que ses pairs de
l’eurozone, ses partenaires allemands, belges italiens et ainsi de suite, permettent
à François Hollande de prétendre qu’il leur a arraché quelques concessions,
même si c’est faux en réalité. La demande de renégociation du traité serait
alors utilisée pour tromper le public français, pour rouler – j’ai lu to
‘trick’ : rouler, tromper – pour tromper le public français, en lui faisant
accepter des réformes convenables, dont celle du marché du travail. »
N.D. : Oui, alors, avant d’entrer dans le fond du sujet je
voudrais préciser un point : les gens de marché s’expriment de façon très directe,
donc le vocabulaire que j’ai pu choisir dans la citation que vous venez de
lire, ça paraîtra peut être excessif a beaucoup de vos auditeurs. Maintenant,
c’est vrai que voilà, on ne va pas s’embarrasser de finasserie, on va aller
directement au point.
De « rouler » les électeurs français, c’est peut être un mot
quand même excessif, l’idée c’est de dire : ce sera une concession en quelque
sorte de façade qui aura été faite à François Hollande et au peuple français
entre guillemets, de façon à ce que tout le monde constate qu’à la fin des
fins, il les faut bien les autres réformes, les fameuses réformes structurelles
dont personne ne veut entendre parler.
Le mot rouler les électeurs est peut être un peu fort, je
regrette qu’il soit traduit comme ça en français, peu importe, c’est pas très
grave, mais à défaut de les rouler, ça va leur permettre de peut-être prendre
conscience qu’il y a un certain nombre d’idées qu’ils ont en tête, qui ne
peuvent pas marcher, même s’ils en sont convaincus. Ce que je suis en train de
dire, c’est qu’il y a un petit théâtre, le script est un peu écrit, si on est
malin on s’écartera pas trop du script, et de cette façon là on arrivera peut
être à faire passer la pilule de façon un peu plus simple que ça n’avait été le
cas au début des années 80.
F.R. : Alors je reviens sur cette phrase. Ce que vous dites
c’est, admettons, y a un sommet à Bruxelles, François Hollande demande une
partie sur la croissance, les autres européens ils vont faire comme si « bon
ben d’accord, on t’accorde ça », il rentre ici en France en disant « regardez
ce que j’ai obtenu », et du coup il peut dire derrière « eh ben, en échange
nous on va libéraliser notre marché du travail ».
N.D. : Vous avez parfaitement compris le sens de mon propos,
c’est exactement ça. C’est une petite mise en scène, c’est un petit théâtre,
alors faut pas avoir l’impression que je fais de la théorie du complot et qu’on
manipule tout le monde, et c’est juste que vous avez un électorat qui a un
certain nombre d’idées préconçues. Elles sont fausses peut être, n’empêche que
c’est les idées que l’électorat porte, et là y a de la pédagogie à faire.
F.R. : C’est déjà un peu ce qu’il s’est passé en 1997 : en
1997, Lionel Jospin est élu avec la gauche plurielle en disant ce pacte de
stabilité je n’en veux pas, donc il va à Amsterdam, on lui fait rajouter Pacte
de stabilité et de croissance, et il revient en disant « regardez y a le mot
croissance dans le titre ».
N.D. : Vous avez tout compris. C’est pas l’exemple que
j’avais en tête quand j’ai écrit la note, mais oui vous avez raison, c’est
exactement ça. J’avais pas en tête l’exemple, mais vous avez entièrement
raison, c’est exactement ça. C’est… Alors certains pourraient considérer que
c’est une manipulation, moi je pense pas que ce soit une manipulation, c’est
juste une façon d’arrondir les angles, on va dire, voilà.
La formule
F.R. : Vous concluez sur les deux mesures nécessaires. C’est
:
1) couper dans les dépenses publiques
2) libéraliser le marché du travail ; et vous dites le vrai défi
pour François Hollande est de trouver la formule politique pour le vendre au
public français.
N.D. : Bien entendu, il faut trouver la formule pour vendre
ça au peuple français. Je suis pas le conseiller de François Hollande, c’est
pas mon rôle de définir le message qu’il doit porter. Mais je voudrais quand
même citer un exemple historique, c’est celui de la Pologne qui quitte le
communisme et qui fait sa transition vers l’économie de marché au début des
années 90. La Pologne est connue pour avoir subie ce qu’on appelait la thérapie
choc, c’est-à-dire que eux ils se sont pas embarrassés de beaucoup de
précautions, ils y sont allés franco d’un seul coup dès le début. Ils ont fait
la totale des réformes quasiment en un an ou deux. Ça a été extrêmement douloureux
pour la population polonaise, mais ce qu’il faut savoir c’est que la Pologne
est le pays qui s’en est sorti le mieux, le plus vite, quand on le compare à
ses pairs.
Le sujet n’est pas là, le sujet c’est comment cela est il
possible ? Pas seulement parce qu’il y avait la détestation des communistes,
mais parce qu’il y avait aussi un gouvernement où il y avait un ministre des
affaires sociales et du travail qui allait régulièrement à la télévision
expliquer à la population pourquoi on fait ces réformes, que certes c’est
douloureux, certes ça fait mal aujourd’hui, mais les bénéfices viendront plus
tard. Que si on ne fait pas ce genre de travail aujourd’hui, demain ce sera
encore pire qu’aujourd’hui, et ainsi de suite. C’est un effort de pédagogie.
Regardez maintenant Monti. Mario Monti aux affaires en
Italie, c’est quand même assez frappant. C’est un homme qui fait les réformes
les plus impopulaires que le peuple italien pouvait imaginer, et qui se trouve
être le Premier ministre le plus populaire de l’après guerre ou presque. Donc y
a vraiment un sujet sur la communication avec l’électorat, le peuple, et une
façon de faire passer les messages. Ça, moi j’ai envie de dire, c’est ce
pourquoi les hommes politiques sont payés, c’est leur métier, j’espère juste
que François Hollande trouvera la bonne formule.
L’angoisse
F.R. : Si je fais un récapitulatif, je me suis amusé à faire
des cas à partir de votre document :
Le cas n°1, c’est François Hollande est conciliant et il
revient de lui même sur ses maigres promesses de campagne et il libère le
marché du travail et en finit avec le CDI comme norme de travail.
Cas n°2, il lui faut une petite pression de ses partenaires
européens, une petite concession qui lui sert de prétexte, et derrière il
libéralise le marché du travail.
Cas n°3, il refuse de se plier à ce programme, à cette
injonction, et alors les marchés vont le punir, le rappeler sérieusement à
l’ordre.
N.D. : Oui.
F.R. : Donc là, jusque-là dans les trois cas, quand vous
dites, « soit les électeurs, soit les marchés seront déçus », dans les trois
cas c’est toujours les électeurs qui seront déçus et les marchés qui gagnent ?
N.D. : Oui oui. Eh bien regardez la Grèce, regardez
l’Espagne, regardez l’Italie, regardez tout ce qui se passe en Europe depuis
2010, on a bien vu que de toute façon, à la fin, c’est le marché qui l’emporte.
Je ne vais pas encore dire que le marché a nécessairement raison au sens moral
du terme, en tout cas il aura raison factuellement puisqu’il s’imposera, c’est
clair. Donc, c’est de ce point de vue-là que je le dis, oui en effet. Vous avez
raison, les électeurs risquent d’être plus perdants que les marchés.
F.R. : Je propose un quatrième cas, l’irruption du peuple
sur la scène de l’Histoire.
N.D. : La prise de la Bastille numéro 2.
F.R. : Hier, à Paris, y avait, bon, on va pas chipoter, 80
000, 90 000, 100 000, 120 000 manifestants à l’appel du Front de gauche. Si,
comme en 1936, on avait une élection qui s’était suivie de mouvements de masse,
de manifestations, de grèves…
N.D. : Qu’est-ce qui se passerait en Europe ? Ben là je
crois que c’est le gros coup d’angoisse, parce que si, quand les grecs
manifestent, on a déjà une Europe qui se sent sur le point d’exploser, je vous
laisse imaginer pour la France. C’est bien pour ça que je passe mon temps à
répéter dans cette note que j’espère bien que François Hollande se souvenant de
ses années de formation en 81-83 auprès de François Mitterrand évitera
précisément de laisser se développer ce genre de scénario à nouveau, ou en
d’autres termes trouvera la formule politique qui lui permet de vendre les
réformes à la population française d’une façon qui soit acceptable…
À la revoyure…
F.R. : Je vous propose quelque chose pour terminer : qu’on
se retrouve dans six mois, par exemple, à l’automne, et on fait le point pour
voir où on en est dans votre scénario.
N.D. : Lequel des trois...
F.R. : Voilà, lequel des trois advient ?, où est ce qu’on en
est ?, est-ce qu’effectivement y a eu des négociations ?, on a rajouté
croissance dans le titre à la fin ?, vous voyez, ce genre de choses là.
N.D. : Eh pourquoi pas, avec plaisir, on a une conférence je
crois à Paris au mois de septembre, je vous recevrai à ce moment là avec
plaisir.
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